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Pierre-Yves Bailly évoque son avenir: “Devenir pro avec Gilles-Arnaud serait un rêve”

Pierre-Yves, pour la deuxième année, vous fréquentez l’université du Texas où se côtoient quotidiennement un peu plus de 50 000 étudiants. Pourquoi ce choix de partir aux USA ?

“Premièrement, je trouvais qu’être professionnel à 18 ans, c’était un peu trop tôt. J’avais besoin de me donner du temps et de développer mon jeu. L’autre raison, ce sont les études qui sont très importantes pour moi. Ici, il y a une bonne balance entre le sport et l’enseignement. Le système est parfait pour combiner les deux, ce qui aurait été impossible en Belgique.”

Votre première année, et donc aussi saison, a été perturbée par une blessure. Comment avez-vous géré cette passe difficile ?

“Je me suis en effet blessé au poignet vers fin février, début mars 2022. J’ai essayé de disputer un maximum de matchs pour l’équipe, avec des hauts et des bas. Mais l’été qui a suivi, une période où tu es censé jouer des tournois individuels, la douleur était trop importante que pour monter sur un court. Ce moment compliqué m’a conforté dans mon choix d’avoir choisi l’université. Si je m’étais lancé sur le circuit pro, je me serais retrouvé sans rien. Aujourd’hui, le poignet, ça va, même si j’ai parfois encore un peu mal mais j’arrive à gérer. J’ai notamment droit à un peu plus de repos que mes coéquipiers et je passe régulièrement chez le kiné.”

Justement, parlons de l’équipe présente autour de vous. Quels sont les moyens humains mais aussi matériels qui sont mis à votre disposition ?

“En plus du kinésithérapeute, on travaille avec trois entraîneurs, un coach physique et un coach mental. Je dirais que les moyens sont les mêmes que ceux que l’on peut trouver en Belgique, mais ils sont plus spectaculaires, notamment parce que tout est réuni en un seul et même endroit. J’avais été impressionné dès ma première visite sur le campus par le complexe dédié au tennis (NdlR : six courts intérieurs, quatre extérieurs), mais aussi par l’énorme centre de fitness où tous les athlètes, quel que soit le sport, sont réunis. Il y a entre autres des jacuzzis, des bains froids, etc. que tu peux utiliser. Un nutritionniste est aussi disponible et chaque sportif reçoit un accompagnement personnalisé. Par exemple, après avoir passé un test de transpiration, j’ai reçu un programme qui me dit, en fonction de la température extérieure notamment, quelle boisson je dois boire et en quelle quantité.”

Décrivez-nous une journée type sur le campus…

“Deux à trois fois par semaine, j’ai une séance de tennis individuelle vers 8 h puis je vais en cours de 9 h 30 à 12 h 30. L’après-midi est consacré à l’entraînement collectif de 14 h 30 jusque 16 h 30, suivi d’une session physique. La soirée est, elle, dédiée aux travaux pour l’unif. Je ne passe que 15 heures en classe sur la semaine, mais je dois beaucoup travailler en dehors. Les journées sont donc bien remplies.”

Ici, aux États-Unis, on joue vers l’avant, on va au filet, c’est plus offensif globalement.”

Au niveau des entraînements, est-ce différent de ce que vous avez vécu en Belgique ?

“On travaille beaucoup les aspects techniques du double, et on joue plus de points, de sets qu’en Belgique. Chez nous, les séances sont, je trouve, plus axées sur la répétition des mouvements, sur la discipline. Ici, aux États-Unis, on joue vers l’avant, on va au filet, c’est plus offensif globalement.”

Pierre-Yves Bailly, University of Texas
Pierre-Yves Bailly est, pour l’instant, qualifié pour le championnat NCAA de fin mai. ©University of Texas

Vu votre emploi du temps, en dehors du tennis, avez-vous d’autres occupations ?

“Pendant la saison, c’est compliqué vu le temps à notre disposition, mais on essaye d’aller voir de temps en temps les matchs de basket de l’équipe universitaire. Quand c’est possible, on va dans le centre pour manger au restaurant et faire des choses plus amusantes. On voyage aussi pas mal pour nos rencontres entre universités, c’est plutôt chouette puisqu’on découvre beaucoup de nouveaux endroits, mais on est donc limité en temps libre durant la saison.”

Voir ton petit frère aussi fort sur un court, c’est incroyable.”

Votre frère, Gilles-Arnaud, qui dispute ses premiers tournois à 15 000 dollars. Qu’avez-vous pensé de sa saison 2022 et notamment de ses exploits à Roland-Garros et l’US Open juniors où il atteint la finale ?

“J’étais justement présent à Paris. J’ai passé toute la semaine avec lui et il m’a impressionné, bien sûr. Personne n’aurait crû qu’il irait si loin dans un tournoi comme celui-là, donc j’étais très heureux pour lui. Voir ton petit frère aussi fort sur un court, c’est incroyable. D’un autre côté, je suis conscient du nombre d’heures qu’il consacre à son développement, sur et en dehors des terrains. C’est le travail qui paie. Il a une motivation et une mentalité exceptionnelles. Pour son âge, il est aussi très professionnel.”

Doit-on s’attendre à le voir vous rejoindre la saison prochaine, puisqu’il termine sa rhéto cette année ?

“C’est une option, parmi beaucoup d’autres. Devenir professionnels, jouer et voyager ensemble, ce serait un rêve pour moi. Et je suis sûr qu’il le partage. Est-ce qu’il restera en Belgique ou viendra-t-il aux États-Unis ? C’est difficile à dire, cela va dépendre aussi de ses performances ces prochains mois. En tout cas, mon coach le connaît (sourire). On verra aussi comment ça se déroule pour moi cet été, lors duquel j’espère jouer des tournois à 15 000 dollars. Me lancer avec lui sur le circuit pro si le poignet tient, c’est aussi une possibilité. Mais on ne se met pas de pression, et on laisse toutes les portes ouvertes.”

Un certain… Ben Shelton champion universitaire en 2022

L’University of Texas, qui évolue dans la plus haute division, est actuellement deuxième (11 victoires/2 défaites) du classement des meilleures équipes de tennis universitaire du pays. “Pour faire simple, nous sommes en compétition de janvier à mai. Chaque rencontre débute par trois matchs de double et l’université qui en remporte deux reçoit un point. Ensuite, on dispute six simples qui valent un point chacun et c’est la première équipe à atteindre quatre unités au total qui décroche la victoire. Parfois, c’est très serré et ça donne une atmosphère spéciale, avec pas mal de stress”, détaille le natif de Bilzen, dans le Limbourg.

Outre quelques tournois et le championnat de la Conference Big 12, qui a lieu fin avril et dans lequel on retrouve dix universités du Texas et de certains États voisins, il y a ce qu’on appelle le championnat NCAA. L’événement a lieu en mai et désigne l’université championne des États-Unis.

Dans la foulée, les meilleurs joueurs de la saison écoulée se retrouvent pour se disputer le titre individuel. L’an dernier, c’est un certain Ben Shelton, désormais 41e mondial à l’ATP, qui s’était imposé. “Il faut être dans le top 60 universitaire pour y participer. Actuellement, je suis 40e donc qualifié, mais le classement change toutes les semaines. La saison passée, j’avais dû déclarer forfait en raison de ma blessure au poignet.”

Le niveau général est très relevé, nous explique encore l’ancien talent du Team Pro de l’Association Francophone de Tennis (AFT). “Dans les vingt à trente meilleures universités du pays, ce sont tous des bons joueurs. Certains de mes coéquipiers ont déjà remporté des tournois à 25 000 dollars (NdlR : lui en a gagné un à 15 000 dollars fin 2021). M’entraîner à leurs côtés, c’est évidemment bénéfique.”

Treize joueurs du top 100 actuel ont transité par la filière universitaire, dont les Américains Cameron Norrie (ATP 12) et John Isner (ATP 39). Le Français Arthur Rinderknech (ATP 72) y est également passé, entre 2014 et 2018, obtenant un diplôme en commerce. Deux Belges se joindront peut-être à la liste d’ici quelques années…