OL – RC Lens : A quel point ce nouveau couac mine-t-il le projet lyonnais de John Textor ?
Il n’a même pas fallu cinq minutes après le coup de sifflet final d’OL-RC Lens (1-2), dimanche en début de soirée, pour voir de nombreux supporteurs lyonnais se projeter sur les conséquences de cette 10e défaite en Ligue 1. Celle de trop pour un club ayant rappelé dès l’intersaison son ambition d’enfin retrouver la Ligue des champions après cinq années de disette. Ça en fera donc six après cette 32e journée fatale, qui a vu à la fois l’OM s’envoler à cinq points, l’AS Monaco à quatre longueurs, et le trio Nice-Lille-Strasbourg à trois points.
Et quand un fan débriefe un échec de l’OL de John Textor (actuel 7e du championnat), le pessimisme est sans fin, tant chacun sait que les 18,62 millions d’euros accompagnant une qualification en C1 seraient déterminants aux finances du club (tout comme les 2,1 M€ perçus de la part de l’UEFA pour chaque victoire, et 750.000 € pour un match nul). Alors, qui dit absence de Ligue des champions pour ce Lyon si fragile dit réellement application dans quelques semaines de la fameuse « rétrogradation à titre conservatoire à l’issue de la saison sportive en cours » prononcée par la DNCG en novembre ?
Des comptes toujours plus inquiétants
Une chose est certaine : les comptes de l’OL dévoilés en mars par Eagle Football Group ne sont pas du tout rassurants, avec un résultat net fin 2024 ayant plongé à – 117 M€ (contre – 60,6 M€ en 2023). De même, l’introduction en Bourse de New York espérée à hauteur de 150 millions d’euros n’a toujours pas eu lieu, pas plus que la vente des parts de John Textor (45 %) au sein du club anglais de Crystal Palace.
Autant de signaux anxiogènes qui ont ressurgi de plus belle au moment du coup de canon d’Anass Zaroury dimanche (1-2, 85e), symboliquement accompagné d’un déluge sans fin dans la région lyonnaise. Mais outre la dimension économique très instable dans l’ère Eagle Football, avec deux interdictions de recrutement en un an et demi à la clé, les choix sportifs et organisationnels de cette saison lyonnaise méritaient-ils d’être récompensés d’une qualification dans la plus prestigieuse compétition européenne ?
Friio, Sage et Prud’homme débarqués la même saison
L’OL a réussi l’exploit de limoger en quelques mois son directeur sportif David Friio (en poste de décembre 2023 à septembre 2024), son entraîneur Pierre Sage (décembre 2023-janvier 2025) et son directeur général Laurent Prud’homme (janvier 2024-avril 2025). Une telle instabilité à des postes clés ne peut que favoriser l’échec, et même le précipiter.

Car si l’arrivée de Paulo Fonseca sur le banc a vite déclenché une dynamique en février, elle s’est accompagnée de son pétage de plombs sur l’arbitre Benoît Millot lors d’OL-Brest (2-1) le 2 mars, de sa suspension record en Ligue 1 jusqu’à fin novembre, puis de trois énormes couacs quasi consécutifs depuis trois semaines. Les deux titularisations contre Manchester United de Paul Akouokou (quatre fois dans le onze de départ à Lyon en un an et demi avant ce coup de poker) sont incompréhensibles, d’autant qu’un taulier comme Nemanja Matic est resté scotché sur le banc durant toute la double confrontation.
Paulo Fonseca lui aussi dans le dur
Avec le traumatisant finish qu’on sait (de 2-4 à 5-4), dans lequel l’entrée en jeu de Duje Caleta-Car a évidemment eu un rôle. Tout comme l’étrange composition d’équipe ayant plombé la première période du derby, sans des titulaires comme Fofana, Almada, Tagliafico, Mata et Maitland-Niles. Le train de la Ligue des champions est passé pour de bon dimanche, et Paulo Fonseca est devenu dans le même temps l’entraîneur ayant la pire moyenne de buts encaissés par match (1,7) dans l’histoire de l’OL… depuis plus de 70 ans !
Si c’est surtout le manque de réalisme qui a été criant face à Lens, on peut se demander comment le Rayan Cherki version 2024-2025 a pu à ce point tout faire à l’envers sur un rendez-vous aussi crucial. Ou encore comment Corentin Tolisso, exemplaire tout au long de la saison, et visiblement blessé en fin de match dimanche, a pu enlever son brassard de capitaine et filer directement au vestiaire (en mode Yoann Gourcuff) dans le money time (87e), sans même attendre que Tanner Tessmann ne soit prêt à le remplacer.
Les Lyonnais peuvent-ils désormais s’effondrer contre Monaco et Angers, au point de ne pas accrocher la Ligue Europa voire la Ligue Conférence ? « A nous d’être professionnels jusqu’au bout, exhorte Moussa Niakhaté. Un championnat, c’est 34 journées et pas 32. On va se battre jusqu’au bout, après avoir galéré cette saison et relevé la tête. »

Pendant ce temps, Mamadou Sarr brille à Strasbourg
Aussi inspiré face aux micros cette saison que fébrile sur le terrain, l’international sénégalais incarne les quelques échecs de recrutement à coûts forts de l’ère Textor, au même titre qu’Orel Mangala, et à un degré moindre Saïd Benrahma. Plutôt que de donner sa chance à Mamadou Sarr (19 ans), qui rêvait de débuter en Ligue 1 avec son club formateur, la direction sportive de l’OL a choisi l’été dernier de lâcher son prometteur défenseur central pour 10 millions d’euros à Strasbourg, tout en investissant 32 M€ sur Niakhaté (29 ans, Nottingham Forest).
Bilan : dans la foulée de son prêt réussi à Molenbeek (D1 belge), Mamadou Sarr brille avec un Racing (6e) aux portes de la Ligue des champions, et Chelsea devrait le recruter dès cet été pour 20 millions d’euros. Moussa Niakhaté restera de son côté dans les mémoires comme le joueur ayant perdu ce fameux duel avec Harry Maguire lors du « Old Trafford drama », puis celui n’ayant cessé de reculer contre Lucas Stassin dans le Chaudron.
De même, il est assez dingue de constater qu’après avoir compté huit attaquants jusqu’à la fin de l’automne (vous n’avez quand même pas oublié Gift Orban et Wilfried Zaha ?), l’OL n’a eu d’autre choix dimanche que de lancer dans le grand bain Alejandro Gomes Rodriguez (17 ans) pour tenter de percer le coffre-fort lensois. La grande première du jeune Anglais n’a sans surprise pas sauvé cet OL en plein doute depuis Old Trafford.

Aucun dirigeant face aux micros dimanche
Et si le directeur technique Matthieu Louis-Jean et John Textor s’étaient présentés après le derby, surtout pour fustiger l’arbitrage, aucun dirigeant n’a approché la zone d’interview du Parc OL dimanche. Le propriétaire américain n’était pas au stade, et il ne serait pas étonnant de voir les virages lui adresser des messages lors de l’ultime journée, le 17 mai contre Angers. Pour le dernier match de l’OL en Ligue 1 avant de longs mois ?
Notre dossier sur John Textor
Les joueurs refusaient de songer à un tel chemin de croix dimanche. « Le football nous réserve parfois des surprises et des scénarios incroyables », martelait ainsi Moussa Niakhaté, en tentant de s’accrocher à ce maigre espoir mathématique de Ligue des champions. Côté « scénarios incroyables », les supporteurs lyonnais sont actuellement gâtés, mais toujours dans le rôle des victimes, contrairement au fabuleux run avec Pierre Sage un an plus tôt. Qu’ils semblent loin, les deux envahissements de terrain (festifs) du printemps 2024, lorsque l’OL sauvait sa peau dans l’élite tout en se qualifiant pour la Ligue Europa. Ni l’un ni l’autre n’est garanti ce lundi.