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Mondial de handball : Le nouvel échec des Bleus doit-il remettre en cause le poste de Guillaume Gille ?

Il n’y a rien de comparable avec le crash des JO, évidemment, cette élimination crève-cœur en quart de finale alors que tout le monde rêvait d’une fin en apothéose à la maison pour Nikola Karabatic et quelques autres, mais la défaite des Bleus du hand vendredi soir en demi-finales du Mondial (31-28) n’en reste pas moins un échec notable. La Croatie avait beau jouer chez elle, elle n’avait a priori rien d’un obstacle insurmontable, minée par un gros creux générationnel et qualifiée ric-rac pour les quarts de finale puis les demies.

Oui mais voilà, les Français ont pris la marée d’entrée, mangés par l’impact physique mis par les Croates et leur système de défense en 5-1, c’est-à-dire avec un joueur avancé pour gêner la circulation de balle. Rien de révolutionnaire, mais cela a suffi pour faire déjouer les Bleus, incapables de trouver un plan B et qui ont offert une dizaine de munitions pour des contres adverses assassins. La responsabilité de la base arrière, notamment des cadres Nedim Remili et Dika Mem, est engagée, tout comme celle de l’entraîneur Guillaume Gille.

Une préparation de match trop scolaire

« Même si les garçons ont leur part, puisque ce sont les acteurs, les premiers responsables sont les membres du staff, parce que ça aurait dû être mieux travaillé, mieux anticipé, estime l’ancien capitaine Jérôme Fernandez. Ce qui m’interpelle, pour ne pas dire autre chose, c’est que cette équipe croate, notre génération a mis plusieurs années à trouver comment l’attaquer. Guillaume [Gille] faisait partie de cette équipe quand on a réussi à trouver des solutions sur leur défense étagée et à prendre le lead sur eux, à partir de 2006. Mais hier [jeudi], on est restés impuissants. »

Après trente premières minutes catastrophiques, les Bleus ont tourné à la pause avec 7 buts de retard. Et si le second acte a été meilleur, notamment grâce à la mise en place d’une sorte de défense tout terrain pour répondre à l’intensité croate, ils partaient de trop loin et n’ont jamais été en situation de retourner le match. A chaud après la rencontre, Nedim Remili avouait au micro de beIN que les Bleus avaient sans doute préparé ce match de manière trop scolaire, et que s’ils étaient tactiquement au point – « un peu trop peut-être » –, ils ont pêché dans l’état d’esprit général, et leur capacité à s’adapter à ce qui leur était proposé.

Tout le contraire des Croates, qui ont su jouer avec les éléments pour se transcender. L’ambiance électrique de la Zagreb n’était une surprise pour personne, mais l’équipe de France a tout de même semblé happée par cet environnement hostile, comme prise de court. « Il y a eu un cocktail de situations qui ont mis les Croates en confiance et nous dans le dur, a concédé Gille. On n’arrive pas à concrétiser quand on trouve d’autres solutions et défensivement, dans les duels, les rapports de force, on a été bien moins présents que d’habitude. »

« Les générations se construisent aussi dans la difficulté »

Le choix des hommes peut faire débat, aussi. Pour contrer la tactique croate, Aymeric Minne ou Melvyn Richardson, plus à l’aise que Thibaud Briet pour faire jouer les autres, auraient pu être lancés plus tôt dans la partie. Le premier cité a d’ailleurs participé activement au début de révolte juste avant la pause puis au retour des vestiaires, avant de se faire expulser de manière sévère pour un coup de coude.

Alors, faut-il remettre en cause le poste du sélectionneur ? « La question s’est posée après les Jeux, et la fédération a renouvelé sa confiance envers Guillaume, donc il faut le laisser travailler sur l’ensemble du cycle, répond Fernandez. Ce n’est pas non plus catastrophique, on va se battre pour une médaille de bronze, ce n’est pas rien. Les générations se construisent aussi dans la difficulté. Celle-là écrit son histoire et cette défaite fera partie de son apprentissage. » Tout l’enjeu est là, en fait. L’avenir de cette équipe largement renouvelée depuis les JO et de son sélectionneur dépend surtout de la manière dont ils vont rebondir.

Notre dossier sur les Bleus du hand

Quelle que soit la conclusion du tournoi dimanche, même si elle serait bien sûr plus belle avec du bronze, il va falloir montrer des progrès sur la variété du jeu proposé, trop stéréotypé aujourd’hui. « On se repose sur les éternels points forts français, à savoir la défense et le jeu rapide en attaque. Mais quand on joue des équipes qui ont le même niveau que nous, ce n’est plus suffisant », observe celui qui reste le meilleur buteur de l’histoire des Bleus. Les points à bosser, selon lui :

  • Le jeu en attaque placée, et notamment des combinaisons qui permettraient de servir plus souvent les ailiers. Une écrasante majorité des shoots sont pris par les arrières, ce qui rend le jeu trop prévisible.
  • Trouver la parade face à une équipe qui attaque à 7 contre 6 en faisant sortir leur gardien, ce que l’on a beaucoup vu sur les dernières compétitions (comme l’Egypte en quart).
  • Se servir davantage de cette règle en attaque, alors que les Bleus y rechignent depuis son instauration en 2016 car elle ne correspondrait pas à leur ADN.

« Ce sont des pistes. En tout cas, on manque pour l’instant de maîtrise sur certains aspects pour aller plus loin », souligne Fernandez. Le débrief d’après-Mondial devra être riche pour que cette compétition marque réellement un pas en avant après le fiasco olympique.