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Liverpool – PSG : « On est injouables »… Les supporters parisiens font-ils vraiment la loi à l’extérieur en C1 ?

De notre envoyé spécial dans l’Eurostar,

Ce soir de septembre 2018, rien ne pouvait les refroidir. Roberto Firmino a beau avoir foutu la clim à fond sur le parcage visiteurs d’Anfield en marquant dans les arrêts de jeu le but de la victoire pour Liverpool, les supporters parisiens ont continué leur fête. Ça faisait bien trois heures qu’ils chantaient, ce n’était pas un pauvre but qui les calmerait.

« On était entrés dans le parcage une heure, une heure et demie avant le coup d’envoi, limite avec tous les ultras, se remémore Babacar, supporter parisien. Ça a commencé à chanter à ce moment-là. » La régularité dans l’effort sera récompensée par les applaudissements des Scousers des tribunes adjacentes, bluffés au point de filmer ces ovnis aux cordes vocales indestructibles.

Mardi soir, les 3.000 supporters parisiens seront cette fois attendus au tournant sur les rives de la Mersey, avec le statut durement acquis de rois du déplacement en Ligue des champions. Il y a bien eu des épiphénomènes comme le déplacement fou à Stamford Bridge contre Chelsea en 2014, mais c’est bien le retour des ultras en 2016 qui a signé pour de bon l’exportation de la ferveur du Parc à l’international.

Gare à l’excès de confiance, quand même : Paris est rentré de sa dernière campagne à Liverpool avec l’idée d’un Anfield surfait une fois chanté le mythique You’ll never walk alone et se voit déjà en terre conquise. Eteindre ce stade historique une deuxième fois ne sera pourtant pas chose aisée, question de contexte. Il ne s’agira plus d’un match de poule mais d’un 8e de finale retour incertain, pile ce qu’il faut pour galvaniser le peuple rouge.

Attention aux acouphènes à Anfield, « pire stade d’Europe pour un match retour »

Jimmy Algerino garde un souvenir strident de cette demi-finale retour de Coupe des Coupes 96-97, où Liverpool a failli remonter un retard de trois buts devant un public déchaîné. « A la fin, j’avais des acouphènes parce que ça poussait tellement, quelle que soit la situation, même le fait de faire une touche devenait difficile. Il y avait une puissance qui émanait du public et de l’équipe. » « Je connais un peu la maison, sourit Grégory Vignal, ancien joueur des Reds. Anfield est un des pires stades d’Europe pour jouer un match retour. Les supporters parisiens seront bouillants, c’est sûr, mais je pense que le Kop va pousser aussi. »

Déjà, en 2018, les 2.500 supporters du PSG, aussi bruyant ont-il été, s’étaient fait avaler par les salves de décibels ponctuelles envoyées par les locaux. Pour peu que ça s’emballe un peu sur la pelouse, vous avez vite l’impression d’être seuls contre un peuple. Anesthésier tout ce beau monde en commençant le match par un bon 80 % de possession serait à cet égard un réflexe de survie de la part des joueurs de Luis Enrique.

Les ultras du PSG existent par la continuité de leurs efforts. Ils chantent sans arrêt et, de ce fait, finissent par émerger quand les supporters locaux l’autorisent. L’équivalent tribunes du football de possession de leur équipe. Ce fut le cas à Dortmund la saison dernière, où la Südtribune, moins souveraine que par le passé, a laissé s’engouffrer dans la brèche un parcage visiteurs déchaîné comme jamais. Avec, à chaque fois, la sensation d’une victoire malgré l’infériorité numérique.

« « Les supporters parisiens savent que quand ils partent en déplacement contre des grandes équipes, il y a des chances pour qu’on perde. Mais dans les tribunes on a toujours gagné. Que ce soit Manchester City, Arsenal, Dortmund, même si on va se faire tabasser sur le terrain, dans les tribunes on est injouables. » »

CUP ou pas CUP, certains stades européens restent indomptables

De là à dire que le public parisien est le meilleur d’Europe à l’extérieur, il y a un pas que tous n’oseront pas franchir, à commencer par Mirko, supporter du Napoli biberonné au stade Diego Armando Maradona, où le PSG s’était également déplacé à l’occasion de la phase de groupes de la Ligue des champions. Un pèlerinage marqué par la bonne entente entre plusieurs dizaines de membres de la K-Soce team et certains ultras napolitains, tous unis au pied du colosse métallique qu’on appelait encore San Paolo pour entonner des chants anti-marseillais. Mais dans le stade, contrairement aux écrits de beaucoup de confrères trompés par la proximité entre la tribune presse et le parcage, il n’y a guère eu match, le CUP a été réduit au silence, notamment en seconde période.

« « A Naples, tu ne viens pas en visiteur pour te faire entendre pendant tout le match. Si tu réussis à faire du bruit sur certaines salves, tu es déjà bien content. Et c’est normal, à 4.000 contre 60.000 de ne pas réussir à dominer dans les tribunes des plus grands stades d’Europe. Chez nous, le parcage du PSG était plein, c’était déjà très bien. Mais trois semaines plus tard on recevait l’étoile rouge de Belgrade, c’était autre chose. Avec ceux du Besiktas, ce sont ceux qui m’avaient le plus impressionné en déplacement à Napoli. » »

L’année dernière à Newcastle, le CUP avait réussi à se faire entendre dans les rues du centre-ville puis à leur entrée à St James Park, avant de se faire aspirer par la pression sonore des locaux dès le coup d’envoi. Le scénario du match n’avait pas aidé (défaite 4-1), certes, mais sans terreau favorable, il est plus dur d’exister. En Espagne, les visiteurs sont ostracisés sur les tribunes supérieures et il n’y a aucune chance de se faire entendre, à moins de réaliser le même tour de force que les supporters de Francfort en 2022. « A Anfield, ils sont près de la pelouse, rassure Grégory Vignal. Pour la beauté du match, je préfère ça, c’est dans l’esprit du football. Et pour les joueurs, qu’ils soient à domicile ou à l’extérieur, c’est extraordinaire. » Et ça laissera aux joueurs de Luis Enrique une chance de ne pas succomber à la pression des Scousers.