Ligue 1 : Textor déclare la guerre à Al-Khelaïfi et Labrune, vraiment une bonne idée pour aider le football français ?
Et si le 13 janvier 2025 devenait une date marquante dans l’histoire de la Ligue 1, malgré l’absence de tout match ce jour-là ? La diffusion de la longue interview de John Textor, lundi à 18 heures sur RMC, a en tout cas agité le football français durant toute la soirée. Pas tant pour les étranges idées dévoilées par le propriétaire américain de l’Olympique Lyonnais pour tenter d’élever l’intérêt de notre championnat dans le monde à coup de « storytelling type NBA », de la reconnaissance faciale des supporteurs qu’il a mise en place à Botafogo à Selma Hayek, en passant par « le milliardaire du PFC » (Antoine Arnault donc) et « les jolies filles au Havre ».
Non, après sept minutes de mise en jambes au micro du consultant et ancien milieu de terrain du Paris Saint-Germain Jérôme Rothen, John Textor a sorti le lance-flammes comme jamais pour dénoncer l’axe PSG-LFP-DNCG. Et ce avec le ton cash qu’on lui connaît déjà lors de ses conférences de presse, mais avec une virulence inédite. Première salve finalement assez « aulasienne » au sujet du modèle économique club parisien, vainqueur de 10 des 13 derniers titres en Ligue 1 depuis l’arrivée de QSI.
« Le président de la Ligue était comme un petit toutou »
« Je trouve ça obscène que la DNCG ne nous accorde pas de crédit parce que les financements que nous apportons à l’OL sont légaux sur le plan du droit européen, présente d’abord l’homme d’affaires de 59 ans. L’argent du PSG qui vient d’un état étranger subventionnant illégalement un business privé et faussant l’intérêt sportif, ça c’est illégal. La DNCG et la Ligue acceptent cette violation des lois européennes donc le PSG peut nous botter les fesses sur le terrain tous les ans. »
Après avoir brièvement passé à la moulinette le triptyque PSG-LFP-DNCG (on y reviendra plus tard), John Textor s’est focalisé sur Nasser Al-Khelaïfi, qu’il perçoit clairement comme le véritable patron du football français.
« En arrivant à Lyon [en décembre 2022], je n’étais pas au courant qu’un certain club jouissait d’une telle protection institutionnelle, ni du pouvoir qu’exerçait une certaine personne sur les instances, à l’image de l’ECA et de l’UEFA. J’étais complètement choqué en juillet quand on a parlé des droits TV. Le président de la Ligue [Vincent Labrune], qui aurait dû mener les débats, n’a quasiment rien dit. C’est Nasser qui l’a fait, alors qu’il n’aurait même pas dû être présent en tant que patron d’une chaîne de télévision [beIN SPORTS] directement impliquée dans les débats. Et à chaque fois qu’il y avait une voix discordante, Nasser Al-Khelaïfi aboyait sur cette personne. Il y avait beaucoup d’intimidation. Le président de la Ligue était assis là sans rien dire, comme un petit toutou. La Ligue est d’une manière assez folle dominée par cet homme. »
Bim bam boum, le règlement de comptes, enregistré samedi matin dans les studios de RMC, est total. Décidément bouillant sur le sujet, le boss de l’OL a de lui-même poursuivi sur « NAK » : « Nasser est un peu comme le beau gosse de l’école, avec les plus beaux vêtements, la plus belle voiture. C’est vrai qu’il est un peu le centre du monde dans le football français. Il a le club le plus riche du pays, avec des financements illimités d’état étranger, et il est convaincu que les miettes qu’il laisse tomber sont une aide pour le football français ».
« La DNCG ne devrait pas appartenir à la Ligue »
Rassurez-vous, John Textor a pris soin de préciser qu’il n’avait « pas de problème personnel avec Nasser ». On aurait presque hâte de voir à quelles punchlines on aurait droit si c’était réellement le cas. Mais le propos du dirigeant américain a surtout pris de l’épaisseur lorsqu’il a visé en détail un verrouillage total du fonctionnement du football français, avec donc selon lui à sa tête Nasser Al-Khelaïfi et le Qatar.
Après avoir à demi-mot visé son homologue parisien quant à la « rétrogradation à titre conservatoire » décidée le 15 novembre par la DNCG à l’encontre de l’OL, il a confirmé son accusation : « Si je n’avais pas de preuve, je ne me permettrais pas de dire quelque chose qui peut sembler aussi absurde. Mais certaines décisions étaient prises avant même qu’on passe la porte de la DNCG. L’influence du PSG sur la LFP et même sur la DNCG mérite d’être regardée de plus près. Pour bien garder son indépendance, la DNCG ne devrait pas appartenir à la Ligue ».
« 2 ou 3 clubs français ont une voix discordante »
En clair, selon John Textor, « certaines personnes voulaient sanctionner l’OL » et les dés étaient pipés avant même sa longue présentation du 15 novembre devant la DNCG, qui a également débouché sur « un encadrement de la masse salariale et d’une interdiction de recruter », confirmé lors du nouveau passage du club lyonnais devant l’instance vendredi. Une question se présente maintenant que le patron d’Eagle Football est définitivement sorti du bois : l’OL se retrouve-t-il seul au monde face au PSG et Nasser Al-Khelaïfi ?
John Textor estime que « deux ou trois clubs français ont une voix discordante » et que « six ou sept autres ont peur d’exprimer leurs réserves par rapport à Nasser ». Cette sortie médiatique plus que tranchante peut-elle inciter d’autres dirigeants à monter en première ligne sur des sujets majeurs comme les droits TV, et même réellement bouleverser l’actuel Game of Thrones à la sauce « Ligue des talents » ?
Une fuite immédiate de messages sur Rayan Cherki
C’est évidemment encore trop tôt pour le dire, mais parmi les réactions en chaîne à cette bombinette sur les ondes, L’Equipe annonce que John Textor et Vincent Labrune ont connu lundi leur premier échange téléphonique en deux ans, durant lequel l’Américain s’est excusé pour l’expression « petit toutou ». Et puis la réaction du camp PSG-Nasser ne s’est pas fait attendre dans la soirée.
A peine une heure après le début de la diffusion de l’interview de John Textor sur RMC, le site Foot Mercato a publié un article en dévoilant des captures d’écran de messages Whatsapp que le dirigeant US aurait envoyés le 4 juillet. Il y évoque dans un vocabulaire cru Rayan Cherki, alors sur le départ, et que Textor qualifie ici de « petit con », traduction la plus adaptée à l’expression « little asshole » dans le langage américain.
Textor et « ses outrances grossières et mensongères »
Mais qui a donc pu faire fuiter dans un tel timing pareil message ? OK, pour le suspense de notre drama de Ligue 1 on repassera, tout comme pour l’instant pour une réponse de Nasser Al-Khelaïfi sur le fond des (graves) accusations formulées par son cher ami lyonnais.
Un porte-parole du PSG a simplement fait passer dans la soirée une réaction du club : « Dommage que la classe et l’élégance ne s’achètent pas car ça aurait permis d’éviter à M.Textor de se ridiculiser à travers ses outrances grossières et mensongères à l’encontre de notre président, notre institution et nos fans. Qu’il revienne sur terre, et en France aussi, pour mieux appréhender cette Ligue 1 que nous aimons tant ».
Notre dossier sur John Textor
Avant qu’un dirigeant du PSG n’ajoute au Parisien. « Nous n’avons pas de temps à perdre avec lui. Textor ferait mieux de s’occuper de son club ». Le propriétaire de l’OL est déterminé à avoir une mission allant au-delà de, en maintenant son postulat qui s’entend : « Le manque de compétitivité de la Ligue 1 détruit le championnat, mais j’ai l’impression que ça ne préoccupe pas vraiment Nasser ». Par contre, sur la pile des préoccupations du dirigeant qatari du PSG, le cas John Textor vient brutalement de grimper de quelques étages.