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L’abandon de Remco Evenepoel au Giro était-il justifié ? “On ne va quand même pas tester les coureurs pendant encore 15 ans »

”Je suis vraiment désolé de devoir quitter la course, a réagi le champion du monde dimanche soir. Dans le cadre du protocole de l’équipe, j’ai effectué un test de routine qui s’est malheureusement révélé positif. Mon expérience ici a été vraiment spéciale et j’étais impatient de concourir lors des deux prochaines semaines”.

Si l’UCI et l’organisation du Giro n’imposent pas aux coureurs de quitter la course dans pareil cas, c’est dans ce cas précis l’équipe Soudal – Quick. Step qui a elle-même décidé de l’abandon du champion du monde, “pour ne pas prendre de risque”, comme l’a précisé Patrick Lefevere sur Twitter. À la question de savoir si les coureurs devaient arrêter la compétition même s’ils ne se plaignaient pas, le patron du Wolfpack a répondu par l’affirmative. “On ne sait jamais ce qu’il se passe dans le corps. Ce n’est pas un ‘9-5 job’. On ne prend pas le moindre risque”.

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Je comprends la frustration de Remco Evenepoel

Concrètement, cas de test positif d’un coureur, la décision de le laisser en course ou non est décidée de manière collégiale par le médecin de l’équipe concernée, le médecin de l’épreuve et le directeur médical de l’UCI.

Giro 2023 : Remco Evenepoel était-il obligé d’abandonner après avoir été contrôlé positif au Covid ?

Cette édition 2023 du Tour d’Italie avait d’ailleurs déjà été fortement perturbée par le Covid-19. Avant même de prendre le départ, la Jumbo-Visma, de Primoz Roglic, s’était vue contrainte de se priver de trois coureurs prévus dans l’équipe (Tobias Foss, Robert Gesink et Jos van Emden) ; et au cours de la première semaine de course, plusieurs coureurs, dont l’Italien Filippo Ganna (Ineos Grenadier). Les équipes ne veulent prendre aucun risque avec les coureurs, elles estiment que les potentielles conséquences sur le plan cardiaque sont trop élevés et les données en la matière pas assez objectives en ce qui concerne les sports d’endurance.

Des risques sur le plan de la santé cardiaque

Si Remco est asymptomatique mais positif au covid, je comprends sa frustration, indique l’infectiologue Yves Van Laethem. On continue à tester systématiquement les coureurs dans le domaine du cyclisme mais pas dans d’autres sports où les efforts sont tout aussi intenses, ce qui pose question. Aujourd’hui, on peut se contaminer partout, au cinéma, en faisant ses courses ou devant un concert. Alors, certes, notre cœur est moins sollicité, mais le risque existe partout, notamment dans d’autres sports où les joueurs restent sur le terrain tout en étant positifs au virus. Je crois que l’on doit mener une réflexion globale sur l’intérêt de réaliser des tests dans certains domaines, le fait de continuer à le faire seulement à droite ou à gauche n’a en effet peu ou pas d’intérêt à mes yeux. On ne va quand même pas continuer à réaliser des frottis chez les coureurs dans les quinze années à venir, cela n’aurait aucun sens”.

Toutefois, il faut rappeler que le sport reste déconseillé lorsque l’on a le Covid étant donné qu’il constitue un facteur de risque supplémentaire de développer des troubles cardiaques. Tout comme lorsque l’on souffre d’une grosse grippe, il est recommandé de ne pas avoir d’activité physique intense lorsque l’on souffre du Covid, ce qui pourrait accroître le risque de myocardite, c’est-à-dire une inflammation du muscle cardiaque (le myocarde) qui diminue la capacité du cœur à pomper le sang et à l’envoyer dans l’organisme.

Si la plupart du temps, c’est une infection bénigne, la myocardite nécessite parfois un traitement complexe et long surtout quand elle touche la contraction des ventricules du cœur.

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Le principe de protection individuelle qui prime

“Dans ce cas précis, c’est le principe de protection individuelle qui prime, notamment chez un sportif qui va réaliser des efforts importants, rappelle-t-il. Historiquement, il y a un faible pourcentage de complications cardiaques avec le covid mais cela concernait davantage les anciennes souches du virus. Avec celles qui circulent aujourd’hui, il semble que ce soit beaucoup moins le cas même si on a beaucoup moins de données vu que le covid provoque beaucoup moins d’inquiétudes. Chez les sportifs de haut niveau, les conséquences du Covid sont d’ailleurs très mal connues”.

Pour le Dr Dirk Devroey, la décision d’arrêter la compétition est en tout cas tout à fait justifiée. “C’est bien simple, quand on est malade, on ne fait pas de sport, résume celui qui est aussi professeur à la VUB. Et même s’il est asymptomatique, il est préférable de se reposer. Mais au vu de son visage dimanche, qui était gonflé, je pense que cela ne fait pas de doutes qu’il était malade. Et quand on fait du sport en étant infecté par ce virus, cela peut être dangereux pour le cœur, il peut notamment y avoir de lourdes complications comme l’arrêt cardiaque voire la mort subite. Le covid comme d’autre virus peut provoquer une inflammation du cœur et donner des douleurs, des essoufflements et des troubles de rythme cardiaque. C’est pourquoi je recommande d’éviter le sport dès lors que l’on a de la fièvre ou des courbatures”.

À côté des conséquences cardiaques et potentiellement d’une fatigue accrue, le sport pendant le covid ne semble toutefois pas entraîner de complications pulmonaires, d’après les études les plus récentes.