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« J’ai vraiment tout mis dans ce match »… La lutte acharnée de Félix Lebrun pour enfin renverser son frère

Finalement, il l’a fait. Avant la finale, Félix Lebrun ne savait pas encore s’il allait monter sur la table en cas de victoire, histoire de répondre à la célébration devenue iconique de son frère Alexis l’an dernier. « Celles-là sont moins solides, mais je suis un peu moins lourd que lui, alors on verra », glissait le benjamin (18 ans) avec malice en fin de matinée, après sa demi-finale remportée de main de maître face à Romain Ruiz.

Sur les coups de 18 heures, après la balle qui lui offrait enfin le titre de champion de France et au terme d’un match phénoménal conclu à la belle, il n’a pas pu se retenir. « J’ai pris le temps, j’ai eu une millième de seconde de réflexion, et puis je me suis dit allez c’est bon, on y va », raconte-t-il en se marrant quelques instants plus tard.

« De la fierté et de la joie »

La table a tenu, et l’accolade fut belle entre les frangins. Félix en a quasiment pleuré, mais de joie cette fois. Son émotion n’est pas surjouée. Malgré ses médailles olympiques, malgré sa 6e place mondiale, malgré ses victoires sur les meilleurs joueurs chinois, il lui manquait ce couronnement à la maison, confisqué depuis trois ans par son aîné (21 ans). Il refuse toutefois de parler de soulagement.

« Ça voudrait dire que c’est quelque chose que je devais accomplir. Mais un titre de champion de France, ce n’est jamais acquis, c’est tellement dur à aller chercher, explique-t-il. C’est juste de la fierté et de la joie, parce que la finale de l’année dernière m’avait fait beaucoup de mal. C’était un beau moment, mais un moment très dur. »

Cette grande victoire, il a pourtant bien failli la laisser échapper. Parti comme un bolide et menant rapidement deux sets à rien, il s’est ensuite laissé peu à peu asphyxier par son frère, qui s’est remis en mode muraille, balançant des contre tops ravageurs des quatre coins de l’aire de jeu. Le match a alors totalement tourné, Alexis Lebrun empochant les trois sets suivants, avant de s’offrir une balle de match dans le 6e set.

Une intensité de folie

Pas pour rien non plus que le grand frère est champion d’Europe en titre et qu’il vient de remporter le Top 16 Européen, en plus d’une demi-finale sur le premier Grand Chelem de l’année. « Je pense que dernièrement, il joue mieux que moi, reconnaît Félix. Sur le match, quand il a réussi à élever son niveau, il jouait mieux que moi. Mais il a fait aussi une ou deux fautes. Je pense qu’il a vu la victoire arriver, moi je n’ai pas lâché et je me suis dit que j’avais encore une mini-chance. »

Il a bien fait. La balle de match effacée, il a démarré le 7e et dernier set avec un léger ascendant psychologique, qu’il a su garder jusqu’au bout, malgré les jambes qui commençaient à tétaniser. Il faut dire que les deux stars du ping français ont régalé, avec de nombreux rallyes assez incroyables et surtout une intensité folle, à vous faire suer rien qu’en regardant depuis les tribunes. Le rythme était si élevé qu’Alexis, un peu émoussé par sa longue journée la veille, a dû se crier dessus pour se mettre au niveau.

Toujours aussi dur à vivre pour le papa

« J’ai eu besoin de monter d’un cran dans mon état émotionnel pour pouvoir répondre, analyse ce dernier. Je le paye un peu sur la lucidité en fin de match, mais bon, c’est des détails à ce niveau-là. Ça a vraiment joué top 10 [mondial] en tout cas aujourd’hui. » On valide, et Félix aussi. « C’était super dur, embraye-t-il en soufflant. J’ai vraiment tout mis dans ce match, je ne pouvais pas être plus haut. Je pense qu’on a vu mes progrès dans l’échange sur ce match. J’ai réussi à le tenir, alors qu’Alex est peut-être le meilleur joueur du monde là-dedans. J’ai réussi à aller le chercher avec l’adrénaline. »

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Au final, le public s’est régalé et Félix Lebrun estime avoir joué son « meilleur match » depuis le début de l’année. Pour tout ce qu’il représente et ce contexte particulier. Avant la rencontre, les deux Montpelliérains n’ont pas cherché à s’éviter. Ils se sont même échauffés ensemble avant de monter dans l’arène. « On se connaît tellement qu’on ne va pas s’isoler », pose Félix.

Mais même s’ils se connaissent par cœur, qu’il n’y a plus rien à cacher depuis longtemps et qu’ils commencent à avoir l’habitude de se jouer, cela reste un match à part, évidemment. « C’est une habitude particulière, précise Alexis en souriant. C’est pas facile, on fait de son mieux à chaque fois et on arrive à faire des matchs vraiment chouettes depuis un moment, donc ça c’est cool, mais ce n’est jamais pareil que face à un autre adversaire. »

Alors qu'il était triple tenant du titre, Alexis doit pour une fois s'avouer vaincu.
Alors qu’il était triple tenant du titre, Alexis doit pour une fois s’avouer vaincu.  - FFTT / Rémy Gros

S’il y en a qui n’a pas besoin d’être convaincu, c’est bien le papa, Stéphane. L’ancien numéro 7 français, croisé en zone mixte alors qu’il attendait ses fils, avoue vivre ces moments avec toujours autant de difficultés. « C’était bien jusqu’à 3-3. Là, on est content, mais à un moment il faut forcément que ça s’arrête, et qu’il y ait un perdant. Moi, je suis toujours pour celui qui perd, dit-il joliment. Je suis super content pour Félix, bien sûr, mais on prend d’abord la déception de celui qui perd. »

Stéphane Lebrun ne s’habitue pas à « l’anormal », ces deux frangins qui montent ensemble vers les plus hauts sommets de leur discipline. Il admire ses fils, « qui assument tout le temps » leur statut, malgré leur vie devenue complètement folle, une semaine en Chine, la suivante en France. « Je suis très fier, que dire de plus ? », interroge-t-il. Rien, on en convient.

Ses mots intimes, il les garde pour ses enfants. Bonne nouvelle tout de même, le grand est plus facile à consoler que le petit. « Avec Alexis, il suffit de trois, quatre mots. Il sait très bien ce qu’il a fait. Félix, il faut un peu plus de temps. Mais c’est normal, il est un petit peu plus petit, c’est notre « chichou », sourit-il. Donc là j’ai gagné trois quarts d’heure, je suis content, je vais pouvoir aller fêter ça. »

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Comme d’habitude avec les Lebrun, ça se passera en famille, avec la maman Dominique et les deux sœurs, Roxane et Margaux, également présentes. D’ici là, Alexis aura eu le temps de redescendre. « Pas encore » prêt à faire passer sa joie pour son frère avant sa déception, à chaud, il donnait plutôt rendez-vous dans la soirée « pour manger et boire des coups ». Ça tombe bien, Félix comptait le laissait un peu tranquille d’ici là, de toute façon. « On discutera de tout ça sans problème », promet le petit frère, bien content quand même de découvrir ce que ça fait dans la peau du vainqueur.