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France – Nouvelle-Zélande : Fabien Galthié face à l’impératif du « déclic » pour enfin lancer son second mandat

Fabien Galthié et les All Blacks, c’est une grande histoire d’amour. Il y a bien eu quelques peignées, évidemment, comme ce 54-7 encaissé à Wellington quelques mois avant la Coupe du monde 1999, mais l’ancien demi de mêlée et actuel sélectionneur du XV de France a été de (quasiment) toutes les grandes batailles remportées contre les Harlem Globetrotters du rugby : la légendaire demi-finale de 1999 et la sauterie de Marseille un an plus tard en tant que joueur, puis les deux dernières, mémorables, de novembre 2021 et du match d’ouverture de la Coupe du monde 2023 dans le rôle de chef d’orchestre.

Le stratège lotois espère sûrement de ne pas avoir perdu son mojo en route pour les retrouvailles, samedi au Stade de France, pour la deuxième rencontre de cette tournée d’automne. Car c’est un match qui vaut cher, sans doute plus qu’il n’en a l’air sur le papier. Il s’agirait de lancer pour de bon l’ère Galthié 2, après un Tournoi des Six Nations disputé avec la moitié du cerveau encore à la désillusion du Mondial et sauvé par la pénalité de Ramos à la dernière seconde du dernier match face aux Anglais, puis une tournée d’été où le sportif est passé au second plan.

« On a besoin d’y voir un peu plus clair »

La reprise le week-end passé face au Japon a dessiné quelques évolutions, avec la volonté de faire vivre le ballon à la main partout et sur un rythme élevé, pas mal de permutations en phases défensives, et des tauliers d’hier laissés sur le banc ou renvoyés à la maison (Gaël Fickou, Julien Marchand, Charles Ollivon, Jonathan Danty). Mais la faible adversité représentée par les Japonais et le retour annoncé de quelques anciens – Fickou et Atonio, avant que ce dernier ne doive déclarer forfait – brouillent le message.

« Ça montre que Fabien Galthié s’appuie sur le présent autant que l’avenir. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, car pour réussir les transitions, il faut profiter aussi de l’expérience de certains joueurs, estime l’ancien sélectionneur Pierre Berbizier. Mais on a besoin d’y voir un peu plus clair, que ce soit au niveau des joueurs ou du style de jeu. On attend toujours ce déclic qui permettra de vraiment passer à autre chose [après la Coupe du monde]. Pour le moment, il n’est pas venu. Cette équipe a besoin d’un match référence, pour justifier sa nouvelle conception, sa nouvelle vision. »

Le lointain prédécesseur de Galthié (1991-1995) observe pour l’instant un décalage entre le discours et ce qu’il se passe sur le terrain. La volonté de jouer plus, de ne plus être « seulement » dans l’occupation du terrain, se heurte à la réalité des faits. Même avec huit essais inscrits contre le Japon, les Bleus n’ont tenu le ballon que 46 % du temps, et passé à peine plus de la moitié des 80 minutes du match dans les 50 mètres adverses.

Questions en suspens

« Parfois on peut se perdre un peu, reprend Berbizier. Aujourd’hui, on a du mal à identifier le jeu réel de l’équipe de France. Que nous on ne le voit pas, ce n’est pas important. Mais à un moment donné, le trouble peut se trouver aussi à l’intérieur de l’équipe. Qu’est-ce qu’on fait ? On attaque, on attaque moins ? Ça fait quelque temps qu’on se demande. »

Les questions apparues après les défaites face à l’Afrique du Sud en Coupe du monde ou l’Irlande en ouverture du dernier Tournoi sont toujours en suspens. Alors il y a aussi la nécessité de s’adapter aux nouvelles règles de World Rugby, qui retourne sa veste tous les quatre matins sur ces histoires d’encourager ou non la « possession », la « dépossession » ou la « repossession », ces grands thèmes du jeu chers aux théoriciens du rugby.

« On démarre vraiment maintenant le chemin vers l’Australie »

Des ajustements sont clairement en cours, et il faut « laisser un peu de temps », en convient l’ancien entraîneur du Racing et de Bayonne. Fabien Galthié considère d’ailleurs que cette tournée « est le premier rassemblement de notre vision à trois ans », vers la prochaine Coupe du monde. « On démarre vraiment maintenant le chemin vers l’Australie, le sélectionneur ce jeudi en conférence de presse. Tout ce qu’on vit là sera très important pour la suite. »

Il ne faut donc pas se tromper. Et les choix du patron, peu contestés au vu des résultats lors de son premier mandat, commencent à faire parler dans les cercles de passionnés. Galthié a entre les mains le meilleur joueur du monde et l’une des plus belles générations de l’histoire des Bleus, renforcée par celle qui arrive juste derrière, championne du monde U20 l’an dernier. Et il n’a gagné qu’un titre en cinq ans, ce qui fait peu.

La mise à l’écart de Matthieu Jalibert, auteur d’un début de saison étincelant avec l’UBB, et surtout les mots qui l’ont accompagnée, sous-entendant que l’ouvreur n’avait pas la force mentale nécessaire pour être dans ce groupe, interroge. Conséquence de ce choix et du glissement de Thomas Ramos de l’arrière au poste de 10, la soudaine mise en lumière de Romain Buros, qui va découvrir le maillot bleu à 27 ans sur un match de cette importance, est un vrai pari également contre un adversaire aussi racé.

Chez les supporters du XV de France, Galthié conserve en tout cas beaucoup de crédit. Lors de l’entraînement ouvert au public, mercredi à Marcoussis, il a été chaleureusement applaudi à l’apparition des Bleus. « Il faut que ça concrétise, c’est vrai, que ça gagne au bout. Mais il faut aussi se rappeler d’où on vient, nous dit Laurent, venu avec ses enfants. On a connu des années très compliquées avant lui, il a ramené l’équipe à de hauts standards. »

Des supporters lors de l'entraînement des Bleus ouvert au public, mercredi 13 novembre à Marcoussis.
Des supporters lors de l’entraînement des Bleus ouvert au public, mercredi 13 novembre à Marcoussis.  - N.CAMUS / 20 Minutes

Ce quadra, qui habite juste à côté du CNR, se souvient des années noires, sous Saint-André, Novès ou Brunel. Malgré le coup de poignard du quart de finale contre les Sud-Africains, il prend « toujours plaisir à retrouver cette équipe », et son sélectionneur « de la Nasa », comme il dit en souriant, en référence aux datas, drones et écrans qui sont désormais le quotidien des Bleus.

« C’est lui le boss, on le suit »

« Il mérite qu’on ne le lâche pas, acquiesce Gérard, jeune retraité et suiveur assidu. C’est un gars sérieux, il a des résultats, on aime bien se plaindre mais il faut savoir apprécier ce que l’on a. C’est lui le boss, on le suit. Là il a fait entrer des jeunes, c’est bien. Il faut renouveler, tout en gardant une structure qui a fait ses preuves. Faisons-lui confiance. »

Dans l’intimité du groupe, le chef n’a pas entamé de grande révolution pour cette deuxième partie de mandat, à en croire Gaël Fickou. « Il essaie sans arrêt de s’améliorer, d’apprendre de la technologie. Le matériel qu’on utilise a évolué, mais sur le rugby, sa façon de fonctionner, l’aspect humain, les discussions, ça n’a pas changé, nous a répondu celui qui honorera sa 92e cape samedi. Je pense que c’est ce qui a fait notre force lors des quatre premières années, il faut le garder. Après, on essaye de faire évoluer notre jeu, d’être toujours plus précis. Il veut pousser toujours plus la performance. »

NOTRE DOSSIER XV DE FRANCE

Le centre du Racing, comme les supporters que nous avons croisés, attend « avec impatience » le choc de ce week-end, « parce que ce sont les Blacks et qu’il faut toujours se jauger par rapport aux meilleurs ». Après la victoire probante de novembre 2021 (40-25), Fabien Galthié avait avoué avoir coché ce match « comme un rendez-vous vérité ». S’il réfute l’idée de donner la même importance à celui qui arrive, car « le vécu commun est beaucoup plus important », on n’en est de notre point de vue pas très loin non plus.