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France – Argentine : « Dès qu’on entrait dans leur camp, on marquait »… C’est quoi cette leçon de réalisme des Bleus ?

Au Stade de France,

Loin de nous l’envie de nous faire passer pour des enfants gâtés, mais on ne reconnaît plus notre équipe de France. Non seulement elle ne perd plus (80 % de victoires a martelé Fabien Galthié après le succès face à l’Argentine vendredi soir), mais en plus elle ne gâche plus des occasions énormes ou ne commet plus ces petites erreurs bêtes qui vous empêchent de trouver le sommeil pendant de trop longues heures, regrettant qui une transformation contrée, qui une mauvaise défense sur un ballon aérien.

Non, le XV de France est devenu clinique. Et, une semaine après avoir sorti le scalpel et les aiguilles pour piquer les All Blacks à certains moments clés, les Bleus ont ressorti leur blouse blanche du parfait petit légiste pour disséquer des Pumas certes entreprenants, mais bien trop maladroits et indisciplinés. Une victoire acquise dans la fraîcheur (un euphémisme) d’un Stade de France pas plein, mais qui a une fois de plus apprécié le réalisme offensif des siens.

« Les Français sont très pragmatiques »

Après en avoir collé 52 au Japon, puis 29 aux Néo-Z, voilà que les Pumas repartent à Buenos Aires (ou à Clermont-Ferrand) avec 37 points dans les valises. Plus que le score, c’est la capacité des ouailles de Fabien Galthié à marquer sans grand-chose en main qui impressionne. Plus besoin de camper de longues minutes chez l’adversaire pour faire gonfler le tableau d’affichage. On vient, on marque et on s’en va. Exemple dès la 9e minute : un 50-22 de Gaël Fickou, un enchaînement au près et un essai de Thibaud Flament quelques secondes plus tard, alors que les Argentins étaient mieux entrés dans le match.

Ajoutez à ça des pénalités de l’impeccable Thomas Ramos venant repousser au-delà des Malouines des Argentins pourtant désireux de recoller au score petit à petit. No pasaran. « On a réussi à les faire déjouer, en première période, on a été très efficaces, se réjouissait l’arrière du Stade Français Léo Barré, de nouveau titulaire après avoir vu la grosse perf face aux Blacks depuis la tribune. Dès qu’on entrait dans leur camp, on repartait avec des points. »

Et il n’en a pas fallu beaucoup plus autour de la trentième minute de jeu, avec deux essais coup sur coup (Villière et essai de pénalité), sans que personne ne voie le coup venir. « Quand ils rentrent dans les 22, ils sont difficiles à stopper, déplorait Felipe Contepomi, le sélectionneur des Pumas. Les Français sont très pragmatiques, ils ont bien pris les opportunités quand ils sont entrés dans nos 22. C’est pour ça que la France est une des meilleures équipes du monde. »

« Des joueurs font la différence individuellement »

Si, dans un monde parallèle, on avait été supporter argentin, on aurait jeté notre maté et arraché notre maillot bleu ciel et blanc de rage tant le réalisme français a été élevé au rang d’art en seconde période. Une domination nette des Pumas, qui revenaient des citrons avec 21 points à digérer, un essai de Gallo pour redonner un semblant de suspense avant de se faire assassiner par Louis Bielle-Biarrey, qui d’un coup de pied à suivre pour lui-même, après une récupération de Charles Ollivon, a dégoûté tout un pays du rugby.

« On travaille vraiment les ballons de récupérations à l’entraînement, expliquait en zone mixte Reda Wardi. Quand on le récupère, on essaie de le poser dans des zones qui nous permettent de jouer efficacement. On a des joueurs capables de faire la différence individuellement. Avec la vitesse qu’ils mettent et leur intelligence de jeu, c’est plus facile pour nous. On arrive à scorer rapidement grâce à tous ces ingrédients-là. »

Les Argentins auraient même pu recevoir un dernier coup sur le carafon, avec un essai (justement refusé) d’Émilien Gailleton, en toute fin de rencontre, pour réveiller un public qui passait le plus clair de son temps à souffler dans les mimines pour tenter de se réchauffer. « Quand on est en zone de marque, on met tous la « disquette » pour aller mettre de l’énergie, pour aller derrière la ligne, illustrait Gabin Villière. Qu’on soit avant ou arrière, on se met tous en mode : il faut dépasser cette ligne, aller marquer cet essai. »

Le petit bémol de Galthié et Dupont

Alors, bien sûr, tout n’est pas parfait. Le grand raïs Fabien Galthié aimerait bien que ses joueurs aillent à dam à chaque fois qu’ils entrent dans le camp adversaire, et n’a pas hésité à le souligner à la fin de la rencontre. « On peut faire mieux, souligne l’ancien demi de mêlée. On a des temps forts qu’on ne convertit pas. Sur les trois dernières fins de match, c’est nous qui avons la main. » Même chose du côté du capitaine Dupont, qui a bien récité la leçon :

« On peut progresser dans plusieurs secteurs. On peut être plus consistant dans notre secteur offensif. On a su être pragmatiques en étant efficaces sur nos attaques. Mais on peut être meilleur sur le jeu au sol ou sur notre jeu au pied, même si on gagne les trois matchs. »

Ne faisons pas la fine bouche. Gagner sans briller de mille feux et en se saisissant de brindilles pour incendier le camp adverse, on connaît en France dans d’autres sports. Ça nous a même permis d’être champions du monde. Et notre petit doigt nous dit qu’Antoine Dupont et ses petits copains signeraient pour le même épilogue en 2027 en Australie. Histoire que les démons du passé ne reviennent pas nous hanter trop souvent. On fait encore des cauchemars d’une équipe avec une sorte d’antilope plaquée sur le cœur.