Euroligue : Comment le Paris Basket a construit sa singularité avec « une identité parisienne » éloignée de la ligne NBA
A la Adidas Arena,
La soirée s’est terminée en nœud de boudin. Une troisième défaite d’affilée, la deuxième de rang en Euroligue, Tiago Splitter, l’entraîneur parisien, qui tombe de sa chaise en arrivant en conférence de presse et des « faux supporters, faux supporters » qui descendent du kop Parisii au moment où certains spectateurs de la Adidas Arena mettaient les voiles quelques instants avant le buzzer, la défaite (85-96) face au Real Madrid entérinée, mardi soir.
Les « faux supporters », c’est peut-être la rançon de la gloire pour le Paris Basket qui éclate tout sur son passage cette saison, avec notamment dix victoires d’affilée en Euroligue et une deuxième place en Betclic Elite (la Pro A pour les esthètes). Les bons résultats amènent forcément un nouveau public, avide de se greffer à tout ce qui brille, surtout à Paris, et qui n’est pas forcément fan inconditionnel de basket.
Alors, derrière le kop Parisii, hormis sur un contre monstrueux avant la mi-temps, un panier primé de Nadir Hifi pour recoller dans le dernier quart-temps et quelques arabesques de Maodo Lô, les 7.748 spectateurs venus à la porte de la Chapelle ont été plutôt sages, loin des ambiances survoltées qu’on peut trouver en Grèce, en Serbie ou en Turquie. Il faut dire que les Merengue, qui ne vivent pourtant pas leur meilleure saison, ont aussi bien aidé à calmer tout ce beau monde.
« Créer une singularité »
« Ça a toujours été comme ça au Paris Basket, même à la Halle Carpentier [la salle où jouait le club avant d’arriver à la Adidas Arena en février dernier], même en Pro B, les gens venaient un peu par curiosité, certains découvrent, explique Dandy Guel, MC du Paris Basket. Parce que, quoi qu’on en dise, le basket n’est pas encore le sport n°1 en France. Même si tous les puristes basket viennent, ça ne remplira pas la salle. Donc il y aura toujours un nouveau public. Et il faut vraiment créer sa singularité parmi tout ça. »
Alors, pour créer cette singularité, ne parlez pas trop de modèle NBA pour le Paris Basket. Même si le président, David Khan a été directeur des opérations aux Minnesota Timberwolves ou membre du staff des Indiana Pacers, même si des « fans cam » balaient le public pendant les temps morts, même s’il y a du gros son américain dans les enceintes de l’Arena, Paris veut sa propre identité et pas un copier/coller de ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique.
« David Khan, avec la direction, porte une attention particulière sur la fan expérience, parce que c’est là où il a aussi un domaine d’expertise que peu ont, nous raconte un membre du club. Il a pu voir beaucoup de choses en NBA, mais en même temps, il veut qu’on se différencie de cette Ligue. Il ne veut pas du tout qu’on soit sur la même ligne. Si on garde certains codes, on doit les adapter sur notre ambiance Paris Basketball. »
Balzer, Yame et Mister V
Ambiance Paris, vous avez dit ? Ça commence donc par le kop Parisii, qui reprend en choeur des « Assassins » à chaque faute de l’adversaire ou des « Retourne chez le coiffeur », cocasse quand on a les tignasses d’Hifi ou Ward dans son équipe, à un Madrilène qui avait osé un mulet un peu trop long. Ça se poursuit aussi derrière les platines, avec DJ Ashty. « On est Paris et forcément c’est une ville qui a des codes très différents. J’essaie de garder une identité parisienne, nous assure-t-il. On tente de vraiment pousser la musique qui vient de Paris. Je trouve que ça colle bien avec cet ADN Paris Basket. »
Face au Real Madrid, on a ainsi pu entendre du Gims, du Genezio, du Yame (merci Shazam) à fond les ballons. Ce dernier était d’ailleurs présent en bord de parquet, tout comme Mister V (partenaire du club à travers sa marque la Pizza Delamama) ou Sara Balzer. La double médaillée olympique de sabre a même été célébrée lors d’un temps mort dans le rond central, accompagnée de Parade de Victor Le Masne pour nous rappeler le bon temps en bonus.
Et quand ce ne sont pas les rappeurs qui viennent au Paris Basket, c’est le Paris Basket qui vient aux rappeurs, à l’image de Nadir Hifi, présent à la cérémonie des Flammes, qui récompensent les cultures populaires, pour remettre un prix. La prochaine étape, c’est de voir le nom du meneur de jeu dans les rimes riches d’un couplet du futur disque d’or. Et vu ce que lui et ses petits copains proposent sur le terrain, on n’a jamais été aussi proche.
Arrosage automatique
Car sur le parquet, les Parisiens ont aussi créé une identité propre, loin de ce qui peut se faire traditionnellement en Euroligue. Dans la lignée de ce qu’ils proposaient avec Tuomas Lisalo, aujourd’hui assistant coach aux Memphis Grizzlies, les coéquipiers de Nadir Hifi offrent un jeu tout feu, tout flamme, quitte à arroser à tout-va à longue distance, comme face au Real (11 sur 38 à trois points).
« On était un peu craintifs du départ de Tuomas qui a installé ce jeu un peu rapide, un peu foufou, nous raconte un membre du club. On sait que des gars comme Tiago Splitter ont tous des gros ego et on se demandait s’il n’allait pas arriver et vouloir s’imposer direct, pour montrer qu’il est bien là. OK on sent qu’il est là, mais il s’est aussi adapté à ce qui se passait avant, il est dans la continuité. Et ça, c’est tout à son honneur en fait. Parce que du coup, ça marche. »
Oui, ça marche, même si la défaite face au Real Madrid est venue un peu gripper la machine. Comme le virus qui a touché une partie de l’effectif, dont le meilleur joueur, T.J. Shorts, en début de semaine. Tiago Splitter s’est demandé si cela ne pouvait pas être une intoxication alimentaire. Un problème de bouffe ? On est à Paris, voyons, pas aux Etats-Unis. Il y a une identité à respecter.