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Elections à la FFF : « Rien n’a changé »… Deux ans après l’affaire Le Graët, la Fédération a-t-elle fait sa révolution ?

Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, surtout en période électorale, le président de la Fédération française de football Philippe Diallo n’a eu besoin de personne pour dresser le bilan de ses dix-huit mois à la tête de la plus puissante fédé sportive de France. C’était dans les colonnes de L’Equipe, il y a trois mois de cela. « Quand j’ai pris en charge la Fédération (en juin 2023), il y avait une image écornée, une gouvernance fragilisée et un modèle économique questionné. Désormais, l’image est restaurée, la gouvernance a été apaisée et nous avons renforcé le modèle économique », assurait-il pour justifier sa candidature à sa propre succession.

Mais alors que les votes sont clos et que le résultat de l’élection du nouveau président est attendu ce samedi, à l’issue de l’Assemblée générale, le boulevard qui semblait s’être ouvert devant lui paraît un peu plus bouché que prévu. « Ça va être plus serré que je ne le pensais il y a encore quelques mois, nous glisse Eric Borghini, le président de la Ligue Méditerranée et membre du comex actuel. Parce que Philippe a un bon bilan mais Pierre fait une belle campagne. »

Pierre, c’est Pierre Samsonoff, ce Breton de 47 ans qui se présente en homme nouveau, celui qui, en 2021, fut un des rares à quitter le navire fédéral pour cause de désaccord avec Noël Le Graët, deux ans avant que le Menhir breton ne soit poussé à la démission après l’affaire qui porte son nom. Or, quand on se souvient de la tempête qu’a traversée la FFF à ce moment-là, c’est un argument qui pèse au moment de convaincre les électeurs d’une nécessité de changement.

« Diallo est un apparatchik du système »

Car si le bilan économique de Philippe Diallo est incontestable, avec ce fameux contrat de 110 millions signé avec Nike et qu’il brandit comme un totem d’immunité à longueur d’interview, pour le reste, le successeur de Noël Le Graët aura de mal à faire oublier qu’il était son numéro 2 au moment où l’affaire a éclaté et que, par ricochet, les nombreuses critiques émises par l’IGESR et la commission d’enquête parlementaire sont aussi dirigées contre lui.

« Je suis très surprise qu’on parle du bilan de M. Diallo alors qu’il est arrivé il y a seulement 18 mois et qu’il nous a expliqué qu’il venait à peine de lancer les grands chantiers au moment de son audition devant la commission, s’étonne ainsi Sabrina Sebaihi, la rapporteur de la commission d’enquête. Il nous a présenté des pistes de travail mais il n’y avait rien de concret. Si, en l’espace de dix mois, il a eu le temps de redresser la FFF, tant mieux, mais ce n’est pas tellement les échos qu’on a eus. »

« Soyons clairs, rien n’a changé. Noël Le Graët a démissionné mais le fonctionnement est le même, c’est pour cela qu’on en appelle toujours à une révolution démocratique. M. Diallo était trésorier puis vice-président de la FFF quand NLG était en poste et aujourd’hui il voudrait nous faire croire qu’il se pose en homme neuf alors que c’est un apparatchik du système », tique Eric Thomas, le président de l’Association française de foot amateur, qui appelait il y a deux ans à « tout changer dans le foot français » après l’affaire Le Graët.

Un COMEX (presque) inchangé malgré le départ de Le Graët

Contacté par 20 Minutes il y a deux mois de ça, à une époque où il n’était pas encore officiellement candidat à la succession de Philippe Diallo, Pierre Samsonoff se montrait à peine moins sévère. « Dans le fonctionnement fédéral, y a-t-il peut-être plus de collégialité au niveau du Comex et les décisions sont prises de manière un peu moins centralisée par le couple Président-Directeur Général. C’est ce qui se dit et ce serait une évolution positive, admet-il. Mais, pour le reste, l’organigramme est toujours aussi complexe et les réformes statutaires n’ont pas du tout conduit à démocratiser le mode de fonctionnement de la Fédé ni à le rendre plus transparent. »

En refusant de démissionner à la suite de leur président, une (grande) partie de l’équipe en place au Comex a, selon Samsonoff, prouvé qu’elle n’avait « aucunement la volonté de tirer les conséquences de ce qu’il s’était passé ». C’est aussi ce que regrettait la commission d’enquête parlementaire qui, dans ses conclusions rendues en début d’année, pointait du doigt « la désignation de boucs émissaires (ici, Noël Le Graët), qui permet de ne pas identifier toute la chaîne des responsabilités et des défaillances systémiques. »

« Peut-on imaginer qu’une fédération dans laquelle toute une génération de cadres et dirigeants a mis sous le tapis des dérives, banalisé des comportements déviants ou discriminatoires, puisse être à la hauteur des enjeux ? », s’interrogeait cette même commission au moment d’évoquer le lourd dossier des violences sexuelles et sexistes que se traîne la FFF depuis des années.

« Le poisson pourrit par la tête »

S’il refuse de nous dire quel camp il soutient durant ces élections, assurant qu’il y a « des gens très compétents dans les deux listes », Eric Borghini a cependant une tout autre lecture des dix-huit mois du mandat de Philippe Diallo, notamment sur la question des violences sexuelles et sexistes que l’on vient d’évoquer. D’accord avec nous pour dire que Noël Le Graët, qui a depuis été blanchi par la justice, a servi de fusible dans cette affaire, il veut croire en revanche que sa démission n’a pas servi à rien.

« Il y a un proverbe chinois qui dit que le poisson pourrit par la tête. Donc en coupant la tête, je pense que ça a refroidi bien des ardeurs chez tous ceux qui auraient eu des velléités à ce niveau, explique-t-il. Je ne suis pas souvent à la Fédération, mais je n’ai pas entendu dire ces derniers temps qu’il y avait eu quoi que ce soit de répréhensible. C’est quand même énorme ce qu’il s’est produit et je veux croire que ça a été un véritable électrochoc pour la Fédération dans son ensemble. »

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« Les gens me parlent plus d’une ambiance morose et résignée, quelque chose de pas très porteur, mais je n’ai pas le sentiment qu’il y ait un climat délétère et violent en interne », confirme en toute honnêteté Pierre Samsonoff. A l’échelle nationale, la FFF a créé une commission fédérale de l’engagement qui définit la nouvelle stratégie de lutte contre les violences sexuelles et sexistes et les discriminations en tous genres. « Il y a eu une réaction sérieuse à la suite du rapport, ce n’est pas resté lettre morte et on a fait notre devoir », poursuit Borghini. « Je pense qu’il y a eu une prise de conscience réelle de ce point de vue là », concède Samsonoff.

Mais c’est loin d’être suffisant pour le possible futur nouveau président de la 3F. « Quand vous regardez l’audition de Philippe Diallo et Jean Lapeyre devant la commission d’enquête, vous comprenez bien que la ligne c’est de dire que tout a changé et que l’actuel président n’était responsable et au courant de rien des agissements de son prédécesseur, souffle le candidat. Le discours c’est de dire  »circulez, il n’y a rien à voir, on a réglé tous les problèmes ». Or c’est faux, il y a plein de problèmes qui n’ont pas été réglés. » Contactée par nos soins, la FFF n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.