Croatie – France : « Il n’y a pas d’idée de jeu », comment les Bleus ont transformé notre excitation en désespoir

Des junkies à la mémoire courte, voilà ce qu’on est. Quatre mois de break et on replonge la tête la première comme si on n’avait rien appris de nos erreurs passées. Malgré l’ennui, réel, les désaccords, nombreux, et une forme évidente de désamour, profond, on était tout heureux de retrouver notre chère équipe de France à l’occasion de cette double confrontation contre la Croatie, en Ligue des nations, dans un format de matchs aller-retour qui se prête habituellement bien aux sensations fortes.
Et puis après une année 2024 marquée par un Euro raté – malgré le parcours jusqu’en demi-finale – et le retrait temporaire du soldat blessé Mbappé lors des deux derniers rassemblements, sans parler de la métamorphose en buteur sanguinaire d’Ousmane Dembélé survenue entre-temps et l’arrivée du très sexy Désiré Doué, ce match contre nos amis croates avait, au moins sur le papier, de quoi donner envie d’allumer sa télé.
Au bout du fil, Régis Brouard ajoute une troisième motif d’espoir que l’on avait oublié : « Le PSG. Vu comment cette équipe nous régale en ce moment et que la plupart de ses joueurs offensifs sont en équipe de France, on pensait peut-être retrouver une forme de continuité en équipe nationale. Je me suis pris à croire qu’on allait peut-être voir un meilleur visage par rapport à ce qu’on a vu ces derniers mois, et au final la montagne a accouché de… ben d’une merde, en fait. »
« Une position bâtarde pour Dembélé »
Les mots sont crus mais le constat est juste. Et on s’en veut ce matin d’avoir été aussi naïfs. Naïfs de croire que le sélectionneur allait changer son fusil d’épaule à un an et demi de la fin de son aventure en bleu, lui qui ne connaît qu’une recette et une recette seulement pour aller loin en compétition internationale. Naïfs aussi de croire que les Bleus de DD pouvaient être autre chose que ce bloc bas infâme avec son milieu à trois en béton armé, avec cette idée qu’injecter un peu de créativité nuirait fatalement à l’équilibre de l’équipe si chère au sélectionneur.
Bon, accordons-lui une chose tout de même. Celle d’avoir essayé de mettre Dembélé dans une position plus axiale, là où il s’éclate actuellement avec son club, mais en oubliant l’essentiel en chemin. A savoir qu’à Paris, Dembouz est en bout de chaîne pour terminer les actions et qu’il n’a pas besoin de trop redescendre sur le terrain pour participer à la création du jeu.
« Tu le mets dans une position axiale, pourquoi pas, mais dans un rôle beaucoup trop bas, acquiesce l’ancien coach de Clermont et Bastia, aujourd’hui à Châteauroux. Il manquait quelqu’un plus haut au milieu du terrain pour accompagner le trio de devant. C’était une position bâtarde pour Dembélé. A Paris, ça court partout et ça crée des brèches. Les gars au milieu, ils dézonent beaucoup, ils créent des espaces dont Dembélé peut profiter en bout de chaîne. En équipe de France, tu ne vois jamais ça. » Sans compter qu’à Paris, le profil créatif des milieux de terrain est l’exact opposé du trio de l’enfer Rabiot-Tchouaméni-Guendouzi, sorti du chapeau de Deschamps uniquement pour aller à la mailloche.
Le chemin est tout tracé jusqu’aux Etats-Unis
« Ce n’est pas la même animation (qu’au PSG) ni les mêmes joueurs, a défendu DD après la rencontre. Ce sont des options différentes. » Merci oui, on a bien vu. « Deschamps privilégie des profils de travailleurs, des mecs qui courent, qui vont au duel, point barre. Il n’y avait aucune connexion technique entre le milieu et l’attaque, du coup on s’est mis à subir le jeu des Croates sans rien proposer en face. On en revient toujours au même problème, à savoir que le jeu de l’équipe de France est axé sur l’exploit individuel », résume, dépité, Brouard.
Un style minimaliste, qui va à contre-courant du football moderne à l’œuvre dans la plupart des grands clubs européens qui, eux, ont la volonté de récupérer très rapidement le ballon à la perte de balle grâce à un contre-pressing intense.
« Mais ce n’est pas nouveau, ça fait des années que l’équipe de France ne fait aucun pressing, tempère le consultant sur la chaîne L’Equipe. C’est leur culture, ils ne font qu’écran, ou alors ils attendent la faute technique, mais tu n’as aucune volonté de récupérer vite le ballon et d’asphyxier l’adversaire dans les premières secondes après la perte. Là, c’est un bloc bas, on ressert les lignes et on ferme les intervalles, c’est un concept. »
Un concept que l’on va donc devoir encore subir jusqu’à la Coupe du monde 2026, qu’on le veuille ou non car, dans l’esprit du sélectionneur, c’est sa seule manière de gagner des titres. « DD est dans l’adaptation permanente à l’adversaire. Il n’y a pas d’idée de jeu et d’organisation, d’animation, par rapport aux joueurs qu’on a. Il est tellement obnubilé par son équilibre défensif que dans son esprit, mettre des joueurs créatifs ça veut forcément dire trop de déséquilibre », conclut Brouard.
NOTRE DOSSIER SUR LES BLEUS
Si la perspective n’a rien de très emballant, au moins nous voilà prévenus et, promis, juré, on ne nous reprendra plus à croire à aux miracles et aux rédemptions footballistiques de la part de Deschamps le bétonneur. « La France est un drame », titraient hier nos confrères espagnols de As. Oui, mais un drame qui touche (bientôt) à sa fin.