Sport

Coupe du monde des clubs 2025 : A quel point cette compétition forcée par Infantino sera-t-elle une mascarade ?

On a beau chercher, personne ne sait autant forcer ses rêves sur cette planète que Gianni Infantino. L’Association européenne des clubs (ECA) longtemps vent debout contre son projet de nouvelle Coupe du monde des clubs évoquée dès fin 2016 ? Le boss de la Fifa n’en a que faire et s’accroche. La pandémie de Covid-19 qui lui coûte la tenue de l’édition 2021 à 24 équipes ? Une simple péripétie, il revient à la charge encore plus fort avec sa version finale à 32 clubs pour l’été prochain. Aucun diffuseur jusqu’à mercredi et l’annonce d’un « contrat historique » avec la plateforme DAZN, à six mois du début de la compétition ?

Tout est sous contrôle, Gianni Infantino portera son plus beau costard, ce jeudi (19 heures) à Miami, pour orchestrer le tirage au sort de son joujou le plus forcé, comme si de rien n’était. Son obstination sans faille pour un tel projet démesuré, alors que le monde du football ne jure plus que par la dérive des calendriers surchargés, plainte du syndicat international des joueurs (Fifpro) à l’appui en octobre, forcerait presque notre admiration. Sauf que désolé Gianni, on ne peut pas du tout s’emballer pour ce nouveau format improbable, pour (au moins) trois raisons évidentes.

Le timing de compétition est horrible

Attention à bien suivre : le 18 décembre, l’incontournable Real Madrid va disputer la finale de la nouvelle Coupe Intercontinentale de la Fifa, aux allures d’ex-Coupe du monde des clubs (seulement six équipes en lice), au stade de Lusail au Qatar (tiens tiens Gianni). La bande à Kylian Mbappé affrontera à cette occasion Al Ahly (Egypte), ou le Botafogo (Brésil) de John Textor, ou Pachuca (Mexique).

Quant à la Coupe du monde des clubs, celle-ci se disputera tous les quatre ans, avec sa grande première du 15 juin au 13 juillet 2025 aux Etats-Unis. Oui oui, un bon mois de compétition (sept matchs au menu pour les deux finalistes) lorsque tout ce beau monde arrivera rincé, quinze jours après la finale de la Ligue des champions par exemple. Et ce tant qu’à faire dans douze stades éparpillés de Seattle à Miami, de Los Angeles à New York. Ça aurait quand même été dommage de laisser une fois de plus un repos aux joueurs sur un été sans Coupe du monde ni Euro, non ?

Ne daignez surtout pas parler à Gianni d’Euro Espoirs (du 12 juin au 5 juillet) ou de Gold Cup, qui détermine le pays champion d’Amérique du Nord (du 14 juin au 6 juillet). De même, le mercato estival 2025 s’annonce folklorique puisqu’une fenêtre spéciale devrait être ouverte du 1er au 10 juin. A la fois pour permettre aux 32 clubs qualifiés de prolonger de deux semaines leurs joueurs arrivant en fin de contrat le 30 juin (à mi-tournoi donc) et pour s’offrir des recrues anticipées en vue de ce Mondial des clubs new-look.

Liverpool, le Barça et l’AC Milan out, pourquoi donc ?

Avouez qu’il serait cocasse d’assister à une Coupe du monde des clubs ultra-élargie sans la meilleure équipe d’Europe. Vu le timing et les critères de qualification (sur quatre ans), on pense surtout à Liverpool qui marche sur la Mersey cette saison avec Arne Slot (5/5 en C1 et 7 points d’avance sur Chelsea et Arsenal en Premier League) mais qui n’aura pas droit à cette folle aventure américaine. Car figurez-vous qu’il n’y a que deux tickets maximum distribués par pays, et que grâce à sa victoire en Ligue des champions en 2021, Chelsea est automatiquement le deuxième élu britannique aux côtés de Manchester City.

Et oui, malgré ses 12e et 6e places en PL en 2023 et 2024, en plein « Todd Boehly Circus ». A six points près sur les critères établis par la Fifa, le FC Barcelone (actuel 3e en C1) est également out, au profit de l’Atlético de Madrid, tandis que l’AC Milan est devancé de peu par la Juventus (et loin de son rival l’Inter).

Parmi les douze équipes européennes présentes, dont le PSG comme seul représentant français, la méritocratie un peu suspecte est heureusement relevée par la présence dans le « gratin mondial » du RB Salzbourg, éparpillé en octobre par notre somptueux Stade Brestois (0-4). Inutile de vous préciser que malgré un palmarès vierge en MLS, l’Inter Miami de Lionel Messi fait partie des deux clubs US conviés à la fête.

Qu'on se rassure, Lionel Messi sera présent avec l'Inter Miami pour disputer la première Coupe du monde des clubs chère à Gianni Infantino.
Qu’on se rassure, Lionel Messi sera présent avec l’Inter Miami pour disputer la première Coupe du monde des clubs chère à Gianni Infantino. - N. Ray Seebeck-Imagn Images/Sipa

Un appât du gain rendu concret par DAZN

Après un cycle de Coupe du monde 2022 royal, avec près de trois millions de tickets vendus pour le Mondial au Qatar et une somme record de 7,2 milliards d’euros de revenus générés sur les quatre années menant à cette compétition reine, Gianni Infantino rêve évidemment en très grand. Cette déclinaison en clubs d’évènement monté de toutes pièces par le successeur de Sepp Blatter à la tête de la Fifa était avant tout tributaire d’un contrat avec un diffuseur. Celui-ci est donc tombé comme par enchantement mercredi, à la veille du tirage au sort. Car jusque-là, il n’y avait côté sponsoring « que » trois partenaires confirmés : Bank of America, le groupe chinois électroménager Hisense et le brasseur de bière belge AB InBev.

Cet accord avec DAZN est estimé à 1 milliard de dollars pour la diffusion exclusive des 63 matchs de cette Coupe du monde des clubs. De quoi réduire en miettes l’espoir de nombreux fans de football de voir ce projet « infantinesque » ne pas aller à son terme. A défaut d’Apple, vers qui s’était tournée en vain la Fifa, c’est donc la plateforme britannique, désormais bien connue des amateurs de Ligue 1, qui a mis le paquet sur « le tournoi de football de clubs le plus largement accessible de tous les temps », comme s’en réjouit le dirigeant italo-suisse.

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Depuis de longues semaines, plusieurs médias font état d’un investissement colossal à venir auprès de DAZN, à hauteur d’1 milliard d’euros, de la part de l’Arabie saoudite, qui sera désignée le 11 décembre pays hôte de la Coupe du monde 2034, étant le seul candidat après un tour de passe-passe cher à la Fifa. Vous suivez ? Si bien que grâce à la mise en place à l’arrache de ce business plan, l’instance mondiale du foot va pouvoir fournir un sympathique chèque d’environ 50 millions d’euros à chaque club participant, et un trophée en or créé par le joaillier de luxe Tiffany & Co pour le vainqueur.

Notre dossier sur la Fifa

De quoi rendre caduque le discours de Carlo Ancelotti en juin dernier : « La Fifa l’oublie : les footballeurs et les clubs ne participeront pas à ce tournoi. C’est négatif pour le Real, et d’autres clubs déclineront l’invitation ». Le Real Madrid avait vite désavoué son emblématique entraîneur dans un communiqué, et les 2 milliards d’euros de revenus visés par Gianni Infantino sur son premier Mondial des clubs d’ampleur ne paraissent plus si utopiques. Chase your dreams.