Coupe Davis : Du drama avec Arthur Fils mais pas encore la folie des grands soirs pour le retour des Bleus à domicile
De notre envoyé à Orléans,
Il serait prétentieux de dire qu’Orléans a vécu son premier week-end de février au rythme du match de Coupe Davis entre la France et le Brésil, pour fêter le grand retour du format domicile-extérieur. A l’exception d’un écran géant installé place du Martroi sous le regard protecteur de la statue de Jeanne d’Arc, rien sur notre chemin n’indiquait la tenue de l’événement avant de tomber sur les panneaux éphémères d’un vert caractéristique, disposés à l’entrée du vieux palais des sports de la ville. « Il n’y a eu aucune pub dans toute la ville, absolument rien, regrette Patrick, un jeune Orléanais. J’ai su hier qu’il y avait la Coupe Davis ce week-end en lisant le journal local. L’open d’Orléans a plus de pub que la Coupe Davis, et c’est un Challenger 125… »
Pas un problème en soi, les places ont toutes été vendues. Une formalité : la nouvelle arena de 10.000 places accueillant l’équipe de basket locale un peu plus tard samedi, il a fallu se rabattre sur l’ancien palais des sports d’Orléans, bijou architectural des années 1970 à la capacité trois fois plus modeste et dont l’atmosphère suinte plus les cours d’EPS de l’adolescence qu’une compétition internationale en quête de résurrection. Un décor en parfaite adéquation avec la foule grisonnante mais en décalage avec le casting rafraîchissant composé, entre autres, d’Arthur Fils (20 ans), João Fonseca (18) et Giovanni Mpetshi Perricard (21).
Humbert en transe à domicile, Seyboth Wild en mode Brandão
S’il y a un monde entre l’immensité de Melbourne et l’anonymat d’une petite salle du Loiret, celle-ci a quelques atouts acoustiques à faire valoir dans un contexte de Coupe Davis où le principal plaisir réside dans les ambiances électriques chauvines capables de vous liquéfier jusqu’aux tops joueurs aguerris.
Certes le rapport de force en tribunes a été par moments équilibré sous l’effet des supporters brésiliens reconnaissables à leurs maillots de la Canarinha – flocage Neymar Jr de mise – mais il était suffisamment favorable aux Français pour permettre à Ugo Humbert d’entrer dans un état second contre João Fonseca.
« « C’est la première fois que je joue la Coupe Davis en France mais j’ai déjà quelques expériences avec le public français à Bercy, a rappelé le n°1 français après sa victoire (7-5, 6-3). J’ai réussi à me mettre dans ma bulle et me servir de l’énergie du public français ça m’a fait du bien dans les moments plus difficiles. Un match indoor en France, il faut être solide pour me battre (rires). » »
Les supporters français ont également répondu présent pour pourrir Thiago Seyboth Wild, à deux doigts d’en venir aux mains avec Arthur Fils sur la poignée de main finale au filet. En cause, la balle de break convertie par le Francilien à 4-4 dans le 2e set, avec service pour le gain du match à suivre pour la France. En mode Brandão et son classique « j’ai pas touché », le tombeur de Daniil Medvedev à Roland-Garros 2023 a contesté la perte du point pour avoir effleuré la balle faute de Fils. « C’est une erreur gravissime qui a changé le cours du match, ont insisté le joueur et son capitaine, présent à ses côtés en conférence de presse. Indépendamment [du premier set perdu], ça a changé le match. J’aurais pu renverser le match ou faire quelque chose de différent [s’il y avait eu 5-5]. »
Le drama sentait bon la vieille Coupe Davis
L’erreur est tellement manifeste qu’Arthur Fils ne démentira pas la version de son adversaire. « A 4-4 je ne pense pas qu’il ait touché la balle, je ne sais pas si dans le sens inverse il m’aurait donné le point. » Bien vu. Beau joueur, Seyboth Wild l’avait avoué lui-même quelques instants plus tôt, une fois la tension du match retombée. « Je ne l’aurais pas fait et aucun joueur ne l’aurait fait. C’était une mauvaise décision. Ce n’était pas à Arthur de prendre cette décision. » Impossible en revanche de savoir ce qu’il s’est dit entre les deux hommes au filet ou quand le Français est quasiment allé chercher le Brésilien dans son camp pour lui demander des comptes. Selon la version officielle, les deux hommes se sont ensuite parlé dans les couloirs du palais des sports d’Orléans pour calmer le jeu. « On s’entend bien en dehors du terrain, on s’est croisés, on a parlé. On est cool. »
Le capitaine des Bleus lui, a tenu à dédramatiser les choses, avec le supplément humour qui va bien. « Mon rôle c’est de ne pas avoir de visage amoché (rires). Mon rôle, c’est de calmer tout le monde. Calmer Arthur, l’équipe adversaire et le capitaine. Il y a eu un fait de jeu contre eux. Ça rappelle les rencontres un peu chaudes de Coupe Davis. » Effectivement, on a un peu vibré ce samedi. Au buzzer, certes, sur une fin de match décousue, mais la séquence a eu le mérite de réveiller les souvenirs glorieux de cette compétition.
Bonzi et Herbert peuvent déjà terminer le travail
Sportivement, c’est un peu moins ça. Avec son succès en ouverture, Ugo Humbert a posé les premières pierres d’un succès facile de l’équipe de France dans le seul match indécis de la journée contre la valeur montante du tennis mondial. Hélas pour le suspense, heureusement pour la France, João Fonseca, bien que particulièrement solide dans le premier set, n’a pas su offrir au Brésil la victoire qui l’aurait empêchée d’aborder le double de dimanche au bord du précipice.
Car derrière lui, Thiago Seyboth Wild s’est fait croquer par Arthur FIls (6-1, 6-3), aussi efficace que son prédécesseur malgré un trou d’air en début de deuxième manche. Dimanche, à l’heure du goûter, Herbert et Bonzi auront peut-être terminé le travail à 3-0. Pour la hype, il faudra peut-être attendre le 2e tour, également en format domicile-extérieur, au mois de septembre. Si les Bleus valident leur ticket dimanche, ils affronteront la Croatie à la fin de l’été. Le lieu reste à déterminer, mais un match bouillant à Zadar est peut-être ce dont le tennis a besoin pour réanimer une Coupe Davis encore assez loin de sa splendeur d’antan.