Collège : Pourquoi l’abandon des deux heures de sport en plus n’émeut personne ? (sauf Léon Marchand)
Grisé par les Jeux olympiques de Paris, le gouvernement voulait en finir avec la sédentarité des adolescents en généralisant le dispositif des deux heures de sport supplémentaires par semaine, expérimenté dans certains collèges. Mais finalement non… Lancé dans 300 établissements, contre 700 escomptés au départ, et « perçu encore comme complexe à mettre en œuvre », le dispositif sera « recentré » sur les collèges prioritaires, a tranché le gouvernement dans le bulletin officiel du 7 novembre.
Et n’en déplaise au champion olympique Léon Marchand, qui a relancé le débat en commentant sur X et avec un émoji clown l’abandon du projet, ces deux heures de sports étaient très loin de faire l’unanimité dans les collèges. Depuis leur lancement, il y a deux ans, elles sont sous les feux des critiques des professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) du secondaire.
Un dispositif « déconnecté » des collèges
Le dispositif consiste en quoi ? Il part du constat qu’un tiers des garçons et seulement un quart des filles âgés de 11 à 14 ans pratiquent l’heure d’activité physique et sportive quotidienne, recommandée par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Pour lutter contre ce décrochage de la pratique, deux heures de sport en plus par semaine ont été proposées sur la base du volontariat dans certains établissements prioritaires par des associations ou clubs sportifs, pendant le temps périscolaire.
Résultat : ceux qui s’inscrivaient (soit une vingtaine d’élèves par établissement au final) étaient déjà sportifs… « Les élèves moins enclins à la pratique sportive ne sont pas les premiers à adhérer au dispositif puisque neuf volontaires sur dix sont déjà impliqués dans des activités sportives en dehors de l’EPS », objective l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) dans son rapport de janvier 2024. « On sait très bien que le seul dispositif qui pourrait répondre réellement à cette problématique de sédentarité, ce serait de mettre plus d’EPS avec des horaires obligatoires, mais pour tout le monde, pointe Coralie Benech, cosecrétaire générale du Snep-FSU, le syndicat des professeurs d’EPS. Pour accrocher des élèves pas très sportifs, il faut que les professeurs d’EPS fassent le lien avec l’Union nationale du sport scolaire (UNSS). Là, c’est déconnecté des établissements scolaires. »
Le syndicat national Force ouvrière des lycées et collèges (snFOlc) y voit aussi un danger pour le statut des professeurs d’EPS. « On est opposés à ce mélange des genres puisque les associations et les clubs sportifs assurent ces heures et non des enseignants diplômés, avance Léa Carruge, membre du secrétariat national. C’est une remise en cause du professeur d’EPS devant ses élèves. »
10 % des élèves sans aucun cycle piscine
Ce syndicat prône donc un renforcement de la pratique sur le temps scolaire, en rajoutant une heure de sport, de la 5e à la 3e (pour atteindre quatre heures comme en 6e) et la remise en état des infrastructures sportives, parfois très vétustes. Parce que si l’on estime que 85 % des gymnases sont à rénover avant 2030 pour répondre aux nouvelles normes énergétiques, les piscines sont, elles, encore carrément à construire dans certains secteurs.
« 10 % des élèves n’iront pas à la piscine de toute leur scolarité car elle est située trop loin de leur établissement ou son tarif est trop cher à supporter, alors qu’apprendre à nager fait partie des priorités nationales », déplore Coralie Benech. Sans compter qu’il faut parfois compter jusqu’à trois quarts d’heure de déplacement pour se rendre sur les installations sportives. Autant de temps perdu pour la pratique.
Et au lieu de mettre sur pied un énième dispositif, le syndicat Snep-FSU défend l’idée de consolider ceux qui existent déjà, en ouvrant par exemple une section sportive dans chaque établissement. Celle-ci permet aux élèves qui le souhaitent de pratiquer une discipline, en lien avec des clubs, mais sous la supervision des professeurs d’EPS.
Augmenter les heures de cours
Pour donner le goût du sport aux adolescents, pas de solution miracle. Il faut augmenter le temps de pratique et recruter davantage d’enseignants, ce qui est possible dans une discipline qui ne connaît pas de crise de vocation. « Plus l’élève prendra du plaisir au cours de sa scolarité et sera en réussite, et plus il continuera une activité sportive plus tard, estime Coralie Benech. Et en augmentant le temps de pratique, on lutte contre les inégalités et on permet à l’élève de progresser. »
Toute l’actualité sur les collèges et les élèves
Pour FO, les arts plastiques et la musique sont aussi des matières mises en danger par les récentes politiques du gouvernement. « On les pousse vers l’associatif à la place de l’enseignement scolaire, dénonce Léa Carruge. Et dans certains établissements, les élèves n’ont plus de cours dans ces disciplines, sans qu’on s’en émeuve ». A la clé, c’est pour elle une remise en cause de l’école de la République où chaque enfant doit recevoir la même qualité d’instruction, peu importe où il vit.