Sport

« C’est pénible de les voir débarquer »… Pourquoi certaines femmes ne veulent pas d’hommes au pilates ?

«Un jour j’ai vu un homme dans mon cours de Pilates et j’ai cru qu’il s’était trompé » s’amuse Caitlyn. Dans les studios parisiens à la mode, l’homme est un spécimen rare, tant mieux pour certaines femmes qui rechignent à l’idée de les voir sur les tapis. Mais depuis le début d’année, nouvelles résolutions sportives obligent, plusieurs d’entre elles s’inquiètent de croiser de plus en plus de spécimens masculins dans leur cours de Pilates.

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Des safe place pour les femmes

Sofia pratique la discipline depuis trois ans et l’ambiance girly c’est ce qu’elle vient chercher, « j’en avais marre des salles de sport avec des hommes qui cherchent la performance à tout prix, au pilates j’aime qu’on soit entre femmes, que les cours soient basés sur nos besoins. Petit point positif à ne pas négliger, je n’ai pas besoin de faire attention à mes tenues ». Plusieurs fois dans des discussions, l’importance d’être dans une safe place revient. « Dès que je rentre dans le studio je sais que je vais être dans mon cocon et que rien ne pourra déranger ma quiétude », rajoute la Parisienne.

Contrairement aux hommes qui peuvent faire du sport gratuitement dehors sans trop de soucis (sauf quand il fait -10 degrés), la pratique féminine se fait surtout à l’intérieur pour des raisons matérielles et sécuritaires. « Des femmes ont une histoire avec le sport qui a été marqué par des difficultés et des traumatismes. A l’âge adulte, elles ont enfin trouvé une pratique qui leur convient, donc ce qui peut se passer c’est qu’aujourd’hui elles tiennent à rester entre elles pour garder cet espace où elles se sentent bien sans être jugées, regardées et sexualisées… » explique Marine Romezin, experte des questions d’égalité dans le sport. « Cela me dérange un peu de voir des hommes dans les studios. Eux, ils ont la chance de pouvoir faire tous les sports qui veulent et souvent dans des salles moins chères. Pour une fois que les femmes ont trouvé une pratique qui leur convient, c’est pénible de les voir débarquer », confesse Clara, croisée avant un cours de sport.

Un nouveau marché tourné vers les hommes ?

Pour autant, les hommes ne sont pas bannis des studios de Pilates. Ils ont même leur espace dédié : vestiaire et produits de beauté mais il se peut, qu’inconsciemment ils s’excluent des cours. « Dans les séances que je donne, il y a à peu près 10 % d’hommes », compte Thibaut Tran Van Tuat, coach dans les studios Episod. « Tout le marketing du Pilates est basé sur un esthétisme qui montre des corps fins et sveltes… Cela ne plaît pas aux hommes. » explique le prof.

Il est vrai que dans l’imaginaire collectif, le pilates est associé aux femmes et à la douceur. Une idée fausse que tient à rectifier le coach d’Episod, « il ne faut pas oublier que le Pilates a été inventé par un homme et pour les hommes. Les femmes se sont approprié la discipline ». L’homme dont parle Thibaut Tran Van Tuat est Joseph Pilates. L’Allemand a inventé la discipline pendant la Première Guerre mondiale. Il se retrouve alors en prison dans un camp d’internement. C’est ici qu’il développe les fondements de la méthode Pilates en s’adaptant à l’espace réduit de sa cellule et en enseignant ses exercices aux autres détenus.

Pour surfer sur la grosse tendance du Pilates et même si les femmes râlent un peu, les salles de sport tentent de faire venir les hommes dans leurs cours. « La solution qu’on essaie de mettre en place pour faire venir plus d’hommes c’est de trouver plus de coachs masculins déjà », nous explique le coach sportif qui ajoute que, « si les cours sont donnés par des hommes, peut-être qu’on va démystifier la pratique. ». Une stratégie qui convainc l’experte, Marine Romezin. « Pour les hommes c’est aussi intéressant de sortir des stéréotypes de la masculinité. Sans oublier que certains peuvent aussi avoir les mêmes traumatismes que les femmes avec les sports collectifs à l’école par exemple. »

Selon l’Injep (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire) en 2022, 59 % des femmes ont pratiqué régulièrement une activité sportive (une fois par semaine) contre 62 % des hommes. L’insitut note que les écarts se resserrent entre hommes et femmes, tant sur la pratique occasionnelle que sur la pratique régulière. Une bonne nouvelle donc pour le sport féminin. Pour les hommes qui veulent s’essayer au pilates, Alisson, une habituée des studios, a un petit message, « venez-nous rejoindre, on aime bien vous voir souffrir sur les tapis » dit-elle en rigolant.