Brest – Real Madrid : En regardant le Real dans les yeux, Brest a « rendu fiers » ses supporters
A Guingamp,
Ces Finistériens sont totalement barjots. On n’était pas dans la tête de Florentino Perez, mercredi soir, mais on imagine aisément que c’est à peu de chose près ce qu’a dû se dire le président du Real en entendant le public du Roudourou chambrer les Madrilènes à gorges déployées et balancer des « Olé ! Olé ! » à chaque passe réussie de ses joueurs. On ne jouait alors que la 5e minute et le score était encore nul et vierge. Des zinzins, on vous dit !
Mais cet état d’esprit, à mi-chemin entre la surconfiance en soi et une bonne grosse dose d’autodérision, résume finalement assez bien la philosophie de cette équipe brestoise qui, bien que sèchement battue (3-0), a une nouvelle fois livré une bataille épique en regardant les Merengues dans les yeux, comme si deux mondes (voire deux galaxies) ne les séparaient pas. Face à un Real Madrid qui se devait de gagner en plantant un maximum de pions, dans l’espoir de se qualifier directement pour les 8es de finale, les hommes d’Eric Roy ont entamé la rencontre le couteau entre les dents, sans jamais renier leur ADN, celui du jeu et de la prise de risque.
Ajorque, la VAR et le « tournant du match »
Les premières vagues furent brestoises, les premiers tirs aussi, et on se demande même si ce Real-là se serait finalement réveillé sans ce chambrage en bonne et due forme du public du Roudourou. Piquée dans son orgueil, la Casa Blanca décidera donc de calmer tout ce beau monde et Rodrygo, d’un tir croisé du gauche, jouera les climatiseurs en chef à la demi-heure de jeu (0-1, 27e). Le plus dur était alors fait pour une équipe à qui on ne l’a fait pas. Ce qui n’empêchera pas les Ty Zeff de continuer à jouer et faire reculer le bloc adverse. A la pause, le sentiment dominant était que les Brestois n’avaient pas encore dit leur dernier mot et qu’il ne suffirait de pas grand-chose pour que cette soirée historique bascule dans le surnaturel total.
Et ce moment a bien failli arriver. Trouvé à l’entrée de la surface au retour des vestiaires, le phare Breton Ludovic Ajorque parvenait à maîtriser le ballon au milieu d’une forêt de jambes et à placer un bon vieux pointard des familles pour tromper Thibaut Courtois. La secousse ressentie au Roudourou a probablement dû se prolonger tout au long de la RN12 pour terminer sa course dans le port de Brest. Manque de pot, la VAR est intervenue pour signaler un hors-jeu de rien du tout, nous rappelant au passage que cette foutue technologie – aussi réparatrice d’injustice soit-elle – est aussi et surtout une formidable briseuse de rêve et d’émotions.
« C’est le tournant du match, dira Hugo Magnetti en zone mixte après la rencontre. On apprend qu’il est hors jeu d’une manche ou d’une épaule, et direct après ils mettent le deuxième but… Ça nous a mis un gros coup sur la tête mais on a essayé de se battre jusqu’au bout. » Ce fait de jeu ne pouvait effectivement être autre chose que le début de la fin pour le SB29.
Dans la foulée, sans trop forcer, les Madrilènes portaient le coup de grâce au terme d’une contre-attaque conclue du plat du pied par Jude Bellingham. Froid, clinique, létal, ici c’est le Real. Hugo Magnetti, encore : « C’est une grande équipe. Ce qui m’a frappé, c’est leur manière de gérer les temps faibles, car ils en ont eu pas mal. Mais ils ne se sont jamais affolés et ils ont su marquer aux bons moments. »
Eric Roy partagé entre fierté et frustration
Ce second but aurait pu décourager les Finistériens et ouvrir les vannes madrilènes, laissant alors craindre une peignée aussi injuste que vexante mais, encore une fois, fidèles à ce qu’ils montrent depuis plus d’un an, ces Brestois-là ne sont pas du genre à baisser les bras, jamais. Alors ils se sont remis à l’attaque, obligeant même Courtois à une parade exceptionnelle dans le dernier quart d’heure. Un manque de réussite qui fera dire à Eric Roy que cette défaite est un peu sévère au vu de la physionomie du match.
« Il y a deux sentiments. Un positif par rapport au fait que mon équipe a été actrice de ce match. Mais aussi pas mal de frustration. Je trouve que le score est lourd par rapport à notre production et nos situations créées. Les garçons ont donné le maximum, on n’était pas loin, juge-t-il en conférence de presse. On a senti qu’on a été capable de mettre en difficulté cette équipe. À l’arrivée, aux Expected Goals, il y a un but d’écart (2,5 pour le Real contre 1,5 pour le Stade Brestois) c’est pour ça que je dis que le score est lourd. On peut considérer que, de ressortir avec un peu de déception ce soir, c’est qu’on a peut-être un peu progressé. »
Mais où s’arrêtera le Stade Brestois ?
C’est aussi le sentiment qui nous anime au sortir de ce match pas comme les autres. Terminer un match de C1 face au boss finale du jeu en se disant que tu méritais mieux, c’est déjà quelque part que tu as sacrément grandi en l’espace de quelques mois, quand le club allait chercher Eric Roy pour s’éviter un retour trop rapide en Ligue 2. Aujourd’hui, Brest a non seulement gagné le respect de la France, mais il a su graver son nom au burin sur la carte de l’Europe, alors que pas grand monde ne donnait cher de leur peau en début de campagne.
Auteur d’un bon match malgré les trois buts encaissés, Marco Bizot, la banane jusqu’aux oreilles en zone mixte, ne disait pas autre chose : « Au début les gens se disaient « s’ils prennent quelques points en Ligue des champions, ça sera déjà bien, s’ils arrivent à gagner un match, ce sera fantastique ». A l’arrivée, on a fait bien mieux que ça et c’est juste incroyable de se dire qu’on est qualifiés pour les barrages. C’est historique. On a rendu fier nos supporters, et au-delà, la Bretagne et les Bretons. » « Olé ! », comme on dit désormais dans le Finistère.