Boxe : Tyson Fury définitivement au tapis face à Oleksandr Usyk, faut-il vraiment y croire ?
Il est sans doute un peu tôt pour en faire le combat du siècle – on en reparlera ensuite, selon le scénario – mais pour beaucoup, ce qui va se dérouler samedi soir à Ryad s’en approche drôlement. Il y a tout dans ce nouvel affrontement entre Tyson Fury et Oleksandr Usyk, le prestige des poids lourds, l’opposition de style, l’enjeu historique, saupoudrés d’un ingrédient qui rend les choses encore plus piquantes : le sentiment de revanche de la part du favori, qui promet qu’on ne l’y reprendra plus.
Fury près de finir à terre lors du premier combat
« Ça va être un grand moment, et pour avoir vécu de très nombreuses revanches, des trilogies, ce combat est dans la lignée des plus grands, vraiment. Ce n’est pas exagéré que de dire ça », pose Jean-Philippe Lustyk, grande voix de la boxe à la télé et à la radio depuis 40 ans, et qui sera aux commentaires ce samedi sur DAZN.
Il y a sept mois, déjà dans la capitale saoudienne, Fury s’était fait surprendre, dans des proportions que peu avaient anticipées. Non pas que l’Ukrainien soit un vulgaire nobody qui n’avait aucune chance, bien sûr, mais le net avantage de taille (2,06m contre 1,91m) et de poids (126 kg contre 100) en faveur du Britannique laissaient imaginer une autre issue. Car au-delà d’avoir infligé à Fury sa première défaite en 36 combats – aux points sur décision partagée –, l’Ukrainien est celui qui a été le plus proche du KO, lors d’un enchaînement étouffant parti d’un droite-gauche dévastateur laissant son adversaire hagard dans un coin du ring, dans le 9e round.
L’arbitre avait été bien gentil de compter le « Gipsy King » alors qu’il n’était pas encore au sol, rétablissant on ne sait pas bien pourquoi les comptés debout qui n’existent plus. Fury peut-il, cette fois, être battu avant la fin des 12 rounds, pris par la mobilité et l’endurance exceptionnelles de son adversaire ? Peu y croient. Au contraire, même. « Fury peut gagner avant la limite. Sinon, Usyk s’imposera aux points, estime Lustyk. Après, attention, chez les poids lourds ça peut basculer à tout moment. »
« Je pense que ça n’ira pas au bout. De ce que j’ai pu voir, Fury a fait un gros boulot dans sa préparation, je le vois faire la différence, pronostique dans la même veine Joseph Germain, l’entraîneur qui a mené Jean-Marc Mormeck au titre mondial des lourds-légers en 2002. En dehors de ses grimaces et de tous ces à-côtés qui peuvent parfois sonner faux, cela reste un boxeur avec d’énormes qualités, il ne faut pas l’oublier. Physiquement, mentalement, il m’a l’air prêt. »
Le « bien manger bien dormir » version Fury
C’est ce que cherche à nous vendre l’intéressé, en tout cas. Le Mancunien a expliqué dans une interview accordée à DAZN cette semaine qu’il n’avait pas parlé à sa femme depuis trois mois rien que pour se préparer, sa version à lui du « bien manger bien dormir ». « Oui, j’ai beaucoup sacrifié. Mais cela en vaudra la peine, à 100 % », a-t-il assuré. En conférence de presse, il a admis qu’il devrait se montrer « plus concentré et plus intelligent », soulignant en creux que son approche de la première manche n’avait pas été la bonne.
Finalement, il y a cette impression tenace que c’est principalement de lui dont dépendra l’issue de cette revanche. « Il n’y aura pas de surprise avec la performance d’Usyk », considère Jean-Philippe Lutsyk. L’auteur de l’ouvrage Le grand livre de la boxe (Marabout) détaille ce qui fait la force de l’Ukrainien, qui s’inscrit dans la lignée de ses grands compatriotes, Klitschko ou Lomachenko : « Il a cette concentration maximale, cette humilité. Il est à la fois très doué et très sérieux, c’est un extraordinaire technicien, avec des coups peut-être moins puissants mais toujours dans le bon timing et très précis. »
« Un boxeur né, génial sur un ring »
Mais il reste prévisible, alors que Fury est capable de tout. « Les gens ne s’en rendent pas compte, comme ce n’est pas un athlète sculptural, avec les biceps qui ressortent et les muscles dessinés, mais il sent la boxe, il la respire. C’est un boxeur né, qui est génial sur un ring », poursuit le spécialiste. C’est donc lui qui possède la clé. « Il faudra qu’il arrive à travailler entre les coups d’Usyk, c’est-à-dire ne pas attendre qu’il s’arrête pour y aller, mais trouver le moyen de casser ses séquences, avance Joseph Germain. Il a les armes pour ça. »
La reconquête est à ce prix. Pour l’instant, Oleksandr Usyk, devenu après la première manche le premier boxeur à unifier toutes les ceintures de la catégorie depuis Lennox Lewis en 1999, est bien le roi des lourds. Le fait qu’il ait depuis abandonné son titre IBF pour mieux préparer cette revanche ne change pas grand-chose à l’affaire.
TOUS NOS ARTICLES SUR LA BOXE
Grande fierté de la patrie, l’Ukrainien débarque en patron, comme il l’a montré lors de la conférence de presse en venant accompagné d’une petite mallette noire contenant des photos du combat du mois de mai… qu’il a demandé à Fury de dédicacer. Le Britannique a joué le jeu, tout en promettant à son adversaire d’aller admirer le sol de très près samedi. « Tous ceux que j’ai affrontés plus d’une fois ont été mis KO lors de la revanche », a-t-il annoncé. Rendez-vous au premier son de cloche.