Biathlon : L’équipe de France féminine résistera-t-elle aux « séismes » ?
À Östersund (Suède) ce samedi (13h15), le relais féminin sera au centre des attentions lors de la première étape de la Coupe du monde de biathlon. Julia Simon a été condamnée le 24 octobre à 3 mois de prison avec sursis plus 15.000 euros d’amende pour l’affaire de vol et de fraude à la carte bleue.
La première course de la nouvelle saison de Coupe du monde de biathlon à Östersund (Suède) ce samedi à 13h15 sera-t-elle l’occasion d’un « statement » à la française ? Tous les regards se tourneront vers le relais féminin, en particulier sur les Bleues, qui suscitent un grand intérêt. Comment expliquer qu’elles aient remporté 15 médailles aux Mondiaux 2024 et 2025, tout en comptant cinq des huit meilleures biathlètes de la dernière saison de Coupe du monde, malgré une actualité extra-sportive et judiciaire qui affecte le groupe depuis fin 2022 ?
Il s’agit bien entendu de l’affaire de vol et de fraude à la carte bleue impliquant Julia Simon, qui a connu des rebondissements majeurs avant le début de cette saison olympique. En effet, après avoir modifié sa défense en confessant sa faute le 24 octobre devant le tribunal correctionnel d’Albertville (Savoie), la lauréate du Globe de Cristal 2023 a été condamnée à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 15.000 euros. Justine Braisaz-Bouchet, autre membre clé de l’équipe de France féminine de biathlon, avait déposé une plainte contre sa coéquipière dans le cadre de cette affaire sans précédent dans la discipline, qui avait émergé dans les médias en juillet 2023.
L’Unité d’intégrité du biathlon ne donne pas suite
Bien que Julia Simon ait échappé à une procédure de l’Unité d’intégrité du biathlon, qui dépend de l’Union internationale de biathlon (IBU), la commission de discipline de la Fédération française de ski (FFS) l’a sanctionnée le 6 novembre en lui imposant une interdiction de compétitions et d’entraînements d’un mois ferme (plus cinq moi avec sursis). C’est la raison pour laquelle la biathlète, détentrice de dix titres de championne du monde, ne participera pas à la compétition à Östersund.
Lors du « media day » organisé le 12 novembre en visioconférence par l’équipe de France de biathlon, alors que Julia Simon était également suspendue lors du stage à Bessans (Savoie), il a été question des résultats très homogènes des Bleues, de leurs ambitions pour la saison à venir et pour les JO de Milan-Cortina 2026, ainsi que de la forte complicité entre Lou Jeanmonnot et Justine Braisaz-Bouchet.

Au tour de l’affaire Jeanne Richard d’éclater
Le service de communication des équipes de France de biathlon avait insisté pour demander « un traitement des sujets purement sportifs », afin d’éviter la brûlante actualité en coulisses. Cependant, sportif et extra-sportif sont plus que jamais liés avant ce retour à Östersund, car en plus de l’affaire Julia Simon, Jeanne Richard aurait, selon le site Dicodusport et Le Dauphiné Libéré, tenté de falsifier les réglages de la carabine d’Océane Michelon en fin de saison dernière.
C’est un nouvel événement qui secoue la planète biathlon, que l’entraîneur des Bleues, Cyril Burdet, n’a pas souhaité commenter lors du « media day » à Bessans. Interrogé par 20 Minutes sur la sanction interne que pourrait avoir reçue Jeanne Richard, qui a été écartée du début de préparation, et sur la forte probabilité que Julia Simon réintègre l’équipe dès la fin de sa suspension pour la deuxième étape de Coupe du monde à Hochfilzen (Autriche, du 12 au 14 décembre), Cyril Burdet n’a pas caché son agacement.
« J’en ai marre de répondre à des questions extra-sportives. L’affaire de Julia est terminée, les faits ont été avoués, jugés et condamnés. On va suivre le processus. Pour l’instant, on respecte la condamnation, on en prend acte, on assume. Et derrière on se concentre uniquement sur le sportif parce que c’est ça notre rôle. »
« Comme le monde de l’entreprise », selon Michelon
La FFS a finalement répondu la semaine dernière par communiqué : « Contrairement à certaines rumeurs diffusées ces derniers jours dans plusieurs médias, aucun acte de nuisance entre athlètes de l’équipe de France de biathlon n’a été établi. En début de saison, la Fédération a seulement eu à traiter un manquement aux règles de la vie de groupe qui, au terme d’une enquête interne, a donné lieu à une sanction ».
Le groupe semble donc vivre (presque) bien ? « On reste chacune à notre place, a nuancé Océane Michelon récemment dans L’Equipe. C’est comme le monde de l’entreprise. On est professionnelles. » Cela démontre à quel point le storytelling des copines, qui se seraient réconciliées pour conquérir des titres, est risqué.
Dans L’Equipe, Justine Braisaz-Bouchet s’est exprimée avec « fair-play » à propos de Julia Simon le 12 novembre : « Je respecte sincèrement l’athlète. À partir du moment où on me respecte aussi et que je peux faire ma mission, qu’on n’entrave pas ma carrière sportive, il n’y a pas de sujet ». La clé du succès de Lou Jeanmonnot et des autres semble donc résider dans ce respect mutuel entre individues, malgré l’absence d’une vraie force de groupe.
Fourcade admet « une situation qui pèse »
Interrogé mardi par Le Dauphiné Libéré, Martin Fourcade a reconnu le contexte tendu autour de l’équipe de France féminine. « C’est une situation qui pèse sur le biathlon français car cela a forcément un impact sur le reste du groupe depuis trop longtemps maintenant, analyse le sextuple champion olympique. Malgré tous ces séismes, je trouve que le groupe a gardé une unité, même si ça n’est pas simple. Il y a pas mal de maisons où ça aurait implosé. Les filles ont réussi à rester professionnelles et humaines. Elles ont montré, avec leurs résultats et leurs performances, qu’elles arrivaient aussi à en faire une énergie, c’est assez étonnant ».
Cela paraît même bluffant si l’on considère la densité habituelle de l’équipe gagnante Jeanmonnot-Simon-Michelon-Richard-Braisaz Bouchet, renforcée par Camille Bened, Gilonne Guigonnat et Amandine Mengin, retenues pour Östersund jusqu’au 7 décembre. Martin Fourcade souligne le rôle central de Cyril Burdet, qui est en poste depuis avril 2022. Ce dernier a récemment assuré vouloir « complètement se concentrer sur cette équipe incroyable pour la saison et pour les Jeux », afin de dissiper certaines rumeurs d’un éventuel départ anticipé.

Cyril Burdet, expert en management
« C’est dur de garder une unité de groupe dans cette situation, souligne l’ancien biathlète de 37 ans. On a la chance d’avoir à la tête de cette équipe Cyril Burdet, qui mise beaucoup sur le management humain. C’est sa marque de fabrique depuis toujours et il a réussi à conserver la confiance de toutes, ce qui est une prouesse face à cette difficulté. » Malgré les tempêtes Julia Simon et Jeanne Richard, l’équipe semble prête à aborder une saison décisive.
Avec un cap dicté par les directives de la fédération, relayées dans un communiqué de presse la semaine dernière, plaçant « l’intégrité, l’équité et le respect mutuel au premier rang de ses valeurs, indispensables au bon fonctionnement et à la cohésion du groupe ».
Landmark Tandrevold trouve la situation « triste »
« La FFS félicite l’ensemble des athlètes du groupe France pour leur état d’esprit exemplaire et leur attitude combative, et remercie le staff technique pour son engagement quotidien permettant aux athlètes d’évoluer dans les meilleures conditions et d’aborder les prochaines échéances avec ambition et sérénité », conclut ce même communiqué. « Ambition et sérénité » donc, ce qui semble trop beau. Pourtant, du côté de la concurrence, la situation est perçue autrement.
Notre dossier sur le biathlon
Proche de Julia Simon, la Norvégienne Ingrid Landmark Tandrevold a confié mi-novembre aux médias de son pays : « Une chose pareille ne se serait jamais produite dans notre équipe, c’est certain. À la longue, ça devient une usure mentale. C’est triste de penser que vous êtes si souvent ensemble loin de chez vous, que vous voyagez autant, et que vous n’êtes même pas amies. J’ai beaucoup de chance de m’entraîner avec mes meilleures amies. » Entre amitié chez les Norvégiennes et podiums à foison pour les Françaises, y compris aux JO de Milan-Cortina ?

