Barça – PSG : « Laporta n’a pas été transparent »… Le Camp Nou sera-t-il fini avant la Sagrada Familia ?
La réouverture du Camp Nou est prévue pour une inauguration en novembre 2024, après des travaux d’agrandissement à 105.000 places lancés par le président Joan Laporta en mai 2023. Selon le maire Jaume Collboni, « la priorité est la sécurité », et aucun permis ne sera accordé tant que les pompiers et la police municipale n’auront pas donné leur approbation finale.
De notre envoyé spécial à Barcelone,
On pourrait presque penser qu’une malédiction touche la ville de Barcelone et ses monuments emblématiques. Ou peut-être que le retard dans les travaux est simplement une spécialité locale, à ranger entre la Bacalla a la llauna et la zarzuela. En effet, au-delà de la fin des travaux de la Sagrada Familia, prévue pour 2026, soit 144 ans après le début, c’est la réouverture du Camp Nou qui devient une préoccupation récurrente dans la cité catalane.
Un report, deux reports, trois reports…
Depuis deux ans et demi, le FC Barcelone et ses supporters n’ont plus accès à leur stade, qui nécessitait une rénovation. Les quelques travaux réalisés dans les années 90 ne suffisaient plus à cacher une enceinte mythique mais qui n’avait pas encore fait son entrée dans le 21e siècle.
Le président Joan Laporta a donc lancé des travaux ambitieux en mai 2023 : agrandissement à 105 000 places, toit panoramique, tribunes reconstruites ou entièrement rénovées, avec de nouveaux sièges aux couleurs du club et des lumières LED pour accueillir les joueurs. L’inauguration était initialement prévue pour novembre 2024, coïncidant avec les 125 ans du club.
Mais cette promesse s’est avérée illusoire. Après quatre reports et autant de promesses non tenues, le Spotify Camp Nou, ainsi nommé depuis le contrat de naming signé en 2022 avec le géant de la musique en streaming, n’est toujours pas prêt pour le premier match à domicile de la Ligue des champions, prévu ce mercredi contre le PSG. Même la venue de 27 000 spectateurs, correspondant à l’étape 1 de la réouverture, n’est pas réalisable. Les travaux, supervisés par la société Limak, ont pris du retard, en grande partie à cause de problèmes de permis et de plaintes de salariés concernant leurs conditions de travail et de riverains mécontents du bruit.
« Une œuvre gigantesque »
Ce feuilleton de la réouverture fait sourire dans les rues de Barcelone. Christian, un socio rencontré près du stade, doute des promesses de son président concernant les délais. « On savait bien que ça allait prendre du temps. C’est une œuvre gigantesque. Personnellement, j’aurais même dit quatre ou cinq ans », se laisse-t-il aller. « Quand on fait des travaux chez soi, il arrive souvent qu’il y ait six mois de retard. Alors avec un chantier comme celui-là… »
Ce mardi après-midi, il est difficile de croire que la réception du PSG ait pu être envisagée ici il y a encore dix jours. Bien que la zone pelouse-tribunes soit presque achevée, l’extérieur du stade ressemble à un immense chantier. Des ouvriers sont en pleine activité, le bruit des marteaux-piqueurs et des camions couvre celui de la circulation, dense sur la Travessera de Les Corts, la principale artère du quartier. En levant les yeux, on aperçoit également des grues en pleine opération.

Ce chantier a pris la tournure d’un soap opera, avec le Barça d’un côté et la mairie de l’autre. C’est ainsi que les dirigeants catalans ont choisi de communiquer. Face à la grogne grandissante, Laporta et ses équipes, menées par la vice-présidente Elena Fort et le directeur des opérations Joan Sentelles, ont adopté un discours bien rodé. En résumé : « C’est un enjeu pour la ville entière », « tous les documents ont été envoyés », « la balle est dans leur camp ». Ainsi, la responsabilité serait celle d’une mairie jugée trop stricte sur les règles de sécurité, une rhétorique également relayée par des comptes influents sur les réseaux sociaux.
Ce qu’il manque encore
De son côté, la municipalité tente de rester objective. Après une visite du chantier au début de la semaine dernière, les journalistes ont reçu des explications concernant les raisons objectives qui ont poussé les autorités à s’opposer aux travaux. Il s’agissait principalement de lacunes sur les issues de secours, les rampes et les escaliers mal finis, ainsi qu’un problème d’accessibilité pour les véhicules, rapporte le journal Sport.
Deux jours plus tard, le maire Jaume Collboni a lui-même pris la parole pour clarifier la situation. « Lorsque les techniciens disent que le lieu n’est pas sûr, notre devoir est de refuser le permis, comme nous le faisons pour toute autre installation à Barcelone », a-t-il rappelé. « La priorité est la sécurité. Tant que les pompiers et la police municipale n’ont pas donné leur approbation finale, aucun permis ne sera accordé. » Lluis, un habitant du quartier, note :
« Laporta parle avec son cœur, la mairie avec la raison, voilà pourquoi ça ne colle pas. Il veut ouvrir, mais s’il y a un problème, qu’une structure tombe, qu’est-ce qu’on fait ? Qui est responsable ? Non, je trouve que la mairie a tout à fait raison de temporiser. Le problème de Laporta est qu’il n’a pas été transparent. Il promettait des dates de réouverture alors qu’il savait très bien que ce ne serait pas possible. Dans le quartier, les gens sont assez en colère. » »
Les commerces, bars et boutiques de souvenirs qui tirent profit de la présence du Camp Nou doivent commencer à trouver le temps long. Ce mardi, d’ailleurs, toutes les devantures affichant les couleurs du club étaient fermées. « C’est un gros enjeu pour eux », souligne Christian, notre socio. « On sait que ce stade rénové va générer beaucoup d’argent. Alors les gens s’impatientent. »
Un enjeu économique majeur
Même la mairie et les dirigeants barcelonais s’accordent à dire que les derniers ajustements ne devraient plus prendre beaucoup de temps. D’après L’Equipe, la municipalité a donné lundi après-midi des signaux positifs concernant une éventuelle réouverture après la prochaine trêve internationale, soit pour la réception de Gérone, le 18 octobre, ou celle de l’Olympiakos en Ligue des champions trois jours plus tard. Il devient impératif que cela se fasse, car si le Barça insiste tant depuis des mois, c’est que l’enjeu financier est d’une importance capitale.
La situation financière désastreuse du club est bien connue. Il fait face à une dette colossale, estimée à plus de 3 milliards d’euros, et n’enregistre de nouveaux joueurs que grâce à des astuces qui commencent à agacer la Ligue espagnole – comme l’épisode de Dani Olmo et Pau Victor en janvier dernier.
Laporta sous pression
Ces problèmes fragilisent Joan Laporta, revenu à la présidence en 2021 après un premier mandat dans les années 2000. Il a pris le risque de vendre les droits d’exploitation des sièges VIP du Camp Nou à des investisseurs qataris et émiratis pour un montant de 100 millions d’euros sur 20 ans, afin d’assurer le fonctionnement immédiat du club. Toutefois, cette vente ne pourra entrer dans les comptes tant que le stade ne sera pas opérationnel.
Laporta a également contracté un prêt de 1,45 milliard d’euros auprès de la banque américaine Goldman Sachs pour financer les travaux et rembourser une partie de la dette. Le remboursement des intérêts, estimés à près de 45 millions d’euros, débutera en décembre. Quant à Spotify, la société suédoise s’engage à verser seulement cinq millions par an, au lieu de 20€, tant que l’enceinte n’est pas remplie à 90 %.
L’ancien conseiller municipal de Barcelone subit une pression énorme, et la réouverture de son stade est censée être l’élément déclencheur d’un cercle vertueux. Du moins, c’est le plan théorique. Pour conclure, un passage du journal El Confidencial, qui a récemment pointé du doigt le président du Barça : « La garde prétorienne de Laporta, tout comme le président lui-même, s’est habituée à mentir sans aucune conséquence. Du moins, jusqu’aux élections de 2026. »

