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6 % de masse graisseuse, des stats persos, un mental forgé à Wolfsbourg : comment Dodi Lukebakio s’est construit

Que se sont dit les deux hommes à la Friends Arena ? “Honnêtement, je ne me souviens plus de ce que le coach m’a soufflé dans l’oreille”, a glissé Lukebakio dans un sourire. Celui d’un joueur qui, à 25 ans, a atteint une forme de plénitude qui en a étonné beaucoup. Comme si la Belgique du football avait dû attendre cette soirée pour redécouvrir son deuxième meilleur buteur de l’histoire en Bundesliga avec 34 réalisations, une de plus qu’Émile Mpenza, neuf de moins que Thorgan Hazard.

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”C’est un peu surprenant”, convient, amusé Jérémy Pastel qui gère les intérêts du gaucher depuis 2019. Et cette soirée suédoise qui en appelle d’autres n’est finalement que le prolongement d’un processus enclenché il y a plusieurs années. Qui fait désormais de Lukebakio un joueur complet qui n’a pas fini de progresser et qui plaît à de nombreuses directions sportives européennes comme Lyon, Séville ou même Paris qui ont tenté de l’attirer en janvier et qui vont revenir à la charge cet été. Comment l’ancien Anderlechtois s’est construit ? Explications d’une évolution en trois dimensions.

Des séances physiques individuelles en plus

À l’instar de nombreux joueurs, Dodi Lukebakio travaille avec un préparateur physique individuel : Jordan Chengé. “On a testé plusieurs préparateurs, dévoile Pastel. Le travail avec Jordan a commencé à l’époque de Wolfsbourg, à l’été 2021. On s’est aperçus qu’il fallait accentuer ses forces et bosser sur les petites faiblesses qu’il pouvait avoir.”

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« Je me suis dit que les grandes stars comme Cristiano, Lebron James ou Kobe Bryant avaient un préparateur physique personnel. Qui suis-je alors pour ne pas le faire aussi ? », confie Lukebakio. « Il m’a aidé dans les moments difficiles. »

Un axe de travail s’est dégagé : le gainage. “Il arrivait à Dodi de parfois perdre son équilibre sur certaines actions, poursuit Pastel. Là, ce n’est plus le cas.” Le résultat d’une collaboration qui prend la forme d’une à deux séances hebdomadaire, avant, après ou même parfois entre les entraînements en club, avec la venue à Berlin de Chengé, basé à Bruxelles. Le tout dans une démarche complémentaire avec ce que le joueur peut connaître au Hertha, en fonction de son ressenti et de ses besoins du moment.

Il est tombé à 6 % de masse graisseuse.

”Tout est pensé aussi en complément de ce que le coach lui demande, pour faire la différence, ce qui a permis de corriger des choses”, reprend Pastel. À commencer aussi par cette critique sur son manque de repli défensif qui se conjugue désormais au passé. Et son agent de rappeler : “Plus personne ne lui en parle en Allemagne, Dodi a connu une grosse évolution sur les données chiffrées. Avec le travail accompli, il est capable de presser, de défendre et personne ne peut lui reprocher son manque de pressing.” Le tout grâce à ce travail physique qui lui a permis de tomber à 6 % de masse graisseuse. Preuve de son perfectionnisme, le joueur réfléchit à s’attacher les services d’un cuisinier personnel dans un futur proche.

Une stat pour mieux gérer les un contre un

L’approche physique se veut intégrer au sportif. “En fait, tout est mêlé”, détaille Pastel. Si Chengé œuvre sur le physique, il peut aussi travailler sur le jeu après avoir échangé avec Serge Costa. Passé par le Standard et Courtrai notamment, le Franco-Portugais décrypte les performances de Lukebakio.

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Le rituel est le même à chaque rencontre : un briefing avant le match, un autre après avec une utilisation poussée de la vidéo dans des conférences téléphoniques. Le souci du détail est poussé à l’extrême : “On a mis en place une stat qui lui permet de mieux appréhender les un contre un : à quel moment il doit y aller ou ne pas y aller. À quel moment il doit prendre de la vitesse pour faire mal à son adversaire dans son dos ou donner. On lui donne un indice pour qu’il lise au mieux la situation”, nous dévoile Costa avant de prendre en exemple les deux ballons de buts délivrés par le gaucher à Solna. “Sur sa première passe décisive, son centre est le bon choix. Il fallait mettre le ballon sur la tête de Lukaku, vu son profil, quand d’autres joueurs préfèrent le recevoir au sol. Sur la deuxième passe décisive, il y avait de l’espace dans le dos du Suédois et il l’a joué à fond. On veut du changement de rythme sur les un contre un : stop and start. C’est à lui de donner et d’être maître du tempo.”

« On veut qu’il réussisse à prendre les meilleures décisions parce qu’il sait tout faire. »

Tout ceci est mesuré. “On travaille la pertinence de ses prises de décision dans le dernier tiers, résume Costa. Avec son talent, il peut dribbler et éliminer comme un ailier. Mais il peut aussi comme un numéro dix délivrer les bons ballons. Dodi a une palette très large et on veut qu’il réussisse à prendre les meilleures décisions parce qu’il sait tout faire.”

Un mental définitivement forgé à Wolfsbourg

Dans la construction de Lukebakio, son passage à Wolfsbourg a marqué un point de basculement. Lui-même nous avait confié en être ressorti “forgé mentalement”. “Pour la première fois, j’ai eu des matchs où je ne rentrais pas et cela m’a fait beaucoup réfléchir.”

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Discret, pour ne pas dire pudique, le gaucher n’aime pas s’étaler. “Il y avait de l’incompréhension à l’époque”, explique Pastel qui a beaucoup accompagné son joueur durant cette saison délicate en prêt (2021/2022). “Il s’est reconcentré. Il a gagné en maturité et a encore affiné sa compréhension des ressorts humains, des dynamiques de vestiaire. Il comprend encore mieux les hommes. Et sa foi, dans laquelle il a grandi, l’a aidé à relativiser.”

Comme son évolution personnelle : marié depuis 2019, le jeune papa est devenu encore plus casanier qu’il ne l’était avec une routine simple : entraînement, repos, match. “Wolfsbourg a été perturbant, mais il a les armes pour gérer cela, reprend Pastel. Il a su trouver les explications et les solutions. Et il a gagné en sérénité. Comme en maturité.”

S’il n’a que 25 ans, Lukebakio navigue dans le monde pro depuis ses 18 ans et ses débuts remarqués en octobre 2015 lors d’un Anderlecht – Club Bruges. Et il arrive maintenant dans ses plus belles années. Prêt à s’imposer en sélection.