Vente de faux médicaments : la menace en ligne s’étend au Maroc

Si certains pays africains font face à une véritable explosion de ce fléau, le Maroc demeure, pour l’instant, relativement préservé. «Comme pour tout ce qui n’est pas formel, il est difficile d’obtenir des données fiables», souligne Abderrahim Derraji, docteur en pharmacie et fondateur du site Pharmacie.ma. «Au Maroc, ce phénomène reste exceptionnel par rapport à d’autres pays africains, même si certains médicaments franchissent nos frontières malgré les efforts des autorités. Depuis quelques années, on observe néanmoins l’apparition de médicaments vendus via les réseaux sociaux et certaines plateformes d’e-commerce. Tout produit qui ne transite pas par le circuit légal et dont la traçabilité n’est pas connue doit être considéré comme contrefait et présenter un risque pour les patients.»
Un suivi renforcé, mais un défi persistant en ligne
Au Maroc, les saisies concernent surtout «la vente en ligne de médicaments d’origine inconnue». Il cite l’intervention récente de la Direction du médicament et de la pharmacie, déclenchée après un signalement de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) : «Les responsables de ces trafics avaient en leur possession 20.000 boîtes de vitamine C, 500 boîtes d’un médicament à base de zinc, ainsi que d’autres produits d’origine inconnue.» La CSPM a, également, demandé à la plateforme Jumia de retirer des annonces pour de véritables médicaments tels que Différine, Minoxidil ou Clovate. D’autres produits circulent régulièrement en ligne, comme des traitements contre le dysfonctionnement érectile ou des médicaments utilisés pour provoquer un avortement.
Automédication et facteurs aggravants
Les dangers sont réels : «Ces médicaments peuvent être inefficaces, comme un antipaludéen falsifié qui laisse la maladie évoluer jusqu’à aggraver l’état du patient. Ils peuvent aussi être sur-dosés ou contenir des substances dangereuses.» Même lorsqu’un particulier revend un médicament qu’il avait acheté pour lui-même, les conditions de stockage ne sont pas garanties. «Il peut alors être utilisé pour une mauvaise indication, avec un risque d’intoxication. Il ne faut pas oublier que les médicaments sauvent des vies, mais peuvent également mettre en danger les patients s’ils sont mal pris».
Une coopération active entre acteurs
Pour limiter la circulation de ces produits dangereux, Dr Derraji recommande la création d’un système de notification : «Une sorte de “Webvigilance” permettant aux usagers et aux professionnels de santé de signaler toute vente en ligne illégale, Conseil non professionnel ou publicité interdite.» Il suggère aussi la mise en place, au sein de l’AMMPS, d’un service dédié, doté de ressources qualifiées, capable de détecter rapidement les infractions. Enfin, il insiste sur la nécessité de poursuivre les campagnes de sensibilisation pour rappeler les risques liés aux médicaments d’origine inconnue.


