Un exécutif isolé face à des promesses sans lendemain.
Le Maroc souffre d’un déficit de 32.000 médecins et 65.000 infirmiers, avec seulement 7 médecins pour 10.000 habitants, alors qu’il en faudrait 23 selon l’OMS. En 2023, le pays a perdu 157.000 postes, et le taux de chômage est de 13,1% au niveau national, 35,8% chez les jeunes et 19,9% chez les femmes.
Alors que le chef du gouvernement continue de projeter un optimisme dans les médias, la réalité sociale, économique et territoriale du Maroc montre un visage très différent : un chômage persistant, des services publics en crise et des inégalités régionales de plus en plus marquées. Face à cette gouvernance tournées sur elle-même, une question émerge : qui pourra porter l’alternative démocratique et sociale nécessaire au pays ?
Le chef du gouvernement incarne un exécutif enfermé dans ses promesses et déconnecté de son environnement : tel est le constat amer d’une gouvernance qui peine à transformer ses slogans en résultats concrets. Derrière les discours télévisés de cohésion et de succès, la réalité est implacable : un système de santé en souffrance malgré la mise en place de la couverture médicale, un marché de l’emploi en crise malgré les programmes présentés, et une reconstruction du Haouz qui semble avancer plus rapidement sur les plateaux de télévision que sur le terrain.
À ces échecs sociaux s’ajoute une méthode de gouvernance autoritaire, fermée à tout dialogue avec l’opposition, les syndicats et la société civile, incapable de construire des compromis démocratiques durables. Plus préoccupant encore, les fractures territoriales se creusent : le fossé s’élargit entre le Maroc des métropoles et celui des campagnes, entre les grands projets d’infrastructures et les régions laissées pour compte. Face à ces réalités, une question essentielle se pose : comment les partis socialistes et progressistes, dirigés par l’Union socialiste des forces populaires (USFP), peuvent-ils incarner le changement nécessaire, corriger ces dérives et réorienter le pays vers la justice sociale et l’équité territoriale ? Car l’enjeu dépasse le simple bilan d’une majorité : il concerne l’avenir de la démocratie marocaine, la confiance entre citoyens et institutions, et la capacité du pays à retrouver une trajectoire de progrès partagé.
Un échec flagrant dans la gestion du social
Il est essentiel d’examiner le cœur de la promesse gouvernementale : la dimension sociale. C’est sur ce terrain que le décalage entre discours et réalité est le plus frappant. La couverture médicale universelle, présentée comme une révolution, reste une illusion. En effet, derrière les 31 millions de bénéficiaires annoncés, le pays souffre d’un manque de 32 000 médecins et 65 000 infirmiers. Le Maroc ne compte que 7 médecins pour 10 000 habitants, bien loin des 23 recommandés par l’OMS. Près d’un Marocain sur deux renonce aux soins pour des raisons financières ou d’accès (HCP, 2023). En matière d’emploi, la promesse d’un taux de chômage inférieur à 9 % a viré à la désillusion : 13,1 % au niveau national, 35,8 % chez les jeunes et 19,9 % chez les femmes. En 2023, le pays a perdu 157 000 postes. Les programmes sociaux lancés par le gouvernement, censés dynamiser le marché du travail, se résument à des contrats précaires et temporaires. Quant à la reconstruction du Haouz, elle est devenue un symbole criant de l’écart entre les chiffres et la réalité : 51 000 maisons et 300 écoles annoncées, mais des milliers de familles vivent toujours sous des tentes.
Une gouvernance fermée au dialogue
Si l’échec social est manifeste, la méthode de gouvernance l’est tout autant. L’absence de dialogue est désormais une constante, exacerbant la crise de confiance entre les citoyens et les institutions. Le chef du gouvernement agit comme si la majorité parlementaire suffisait à légitimer toutes ses décisions. L’opposition, pourtant force constitutionnelle de proposition et de contrôle, est réduite au silence. Les débats parlementaires se limitent à des réponses convenues et répétitives, sans véritable engagement. Le dialogue social, promettant de devenir une priorité, est aujourd’hui à l’arrêt. Les enseignants mobilisés depuis plus de deux ans, les médecins dénonçant la précarité, et les syndicats demandant l’application des accords signés, témoignent d’un pouvoir sourd aux revendications. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a d’ailleurs alerté sur l’absence de concertation, qui fragilise toute réforme structurelle.
Des fractures territoriales qui s’aggravent
L’isolement du chef du gouvernement ne se limite pas à son rapport avec les institutions et les syndicats : il se traduit également par une incapacité à répondre aux fractures territoriales. Selon le HCP, la pauvreté monétaire touche près de 20 % des zones rurales, et dépasse 25 % dans certaines régions montagneuses. Le développement reste concentré dans les grandes villes et le long des côtes, laissant à l’écart des provinces entières. Cette inégalité territoriale nourrit un sentiment d’abandon et menace la cohésion nationale. Alors que le discours officiel évoque « l’équité » et la « cohésion sociale », la réalité est tout autre : les infrastructures modernes se multiplient dans les métropoles, tandis que les zones rurales manquent encore de routes praticables, de dispensaires équipés et d’écoles accessibles.
Pour une alternative progressiste et démocratique
L’échec du chef du gouvernement n’est pas seulement économique ou social : il est politique. Il réside dans l’incapacité d’ouvrir un espace de dialogue, de reconnaître l’opposition comme acteur institutionnel, d’intégrer les syndicats et la société civile dans l’élaboration des réformes. En se coupant de son environnement, l’exécutif alimente la défiance et creuse le fossé démocratique. Face à cet isolement, l’avenir ne peut se construire que par l’émergence d’une alternative claire. Les partis socialistes et progressistes, à leur tête l’USFP, portent la responsabilité historique d’incarner ce changement. Leur mission est de replacer la justice sociale et l’équité territoriale au cœur du projet national, de réhabiliter le dialogue comme méthode, et de réconcilier les citoyens avec leurs institutions. L’histoire retiendra moins les promesses non tenues que la capacité des forces progressistes à proposer un chemin crédible vers un Maroc plus juste, plus équitable et plus démocratique.
Trois observations s’imposent enfin
Le chef du gouvernement intègre dans son analyse des chiffres remontant à 2020, alors que son investiture a eu lieu en 2021 et que sa première loi de finances n’a été adoptée qu’en 2022. Ses déclarations chiffrées présentent des discordances flagrantes, sans cohérence avec la réalité vécue, et il suffit de comparer ses propos aux données officielles de Bank Al-Maghrib pour constater les écarts. En l’écoutant, on a moins l’impression d’entendre un chef du gouvernement rendant compte de sa mission nationale qu’un chef de parti vantant ses propres réalisations et exploits.
Par Mohamed Assouali
Secrétaire provincial de l’USFP à Tétouan

