«The Enclosure of Passion» : l’expo qui fera (long) feu


Pour sa première exposition individuelle, Abdellah Idsidibella n’y est pas allé de main morte. Dans la trentaine d’œuvres présentées – peintures, dessins, bas-reliefs, photographies et installations monumentales –, il interroge, déconstruit, puis recompose notre rapport au beau, à la mémoire et au chaos.
«J’ai cherché un mot pour décrire un dépotoir enfoui et “sale”, là où s’engrangent les instincts les plus bestiaux, et dégradants de l’humanité, et je n’ai pas trouvé mieux que “Zriba”. Mais j’y ai logé la passion, pour représenter l’intimité de nos désirs les plus répressibles», explique l’artiste.
Dans cette grande aventure «Dream Artist», Abdellah a pu compter sur le soutien indéfectible de son coach, Amine Boushaba. C’est d’ailleurs ce dernier qui a assuré le commissariat de l’exposition, tout en gérant les nombreux tracas de production invisibles au public. Il est donc le mieux placé pour résumer l’intention artistique : «Abdellah dépasse le simple refus du beau. Son travail s’apparente à une alchimie de la destruction, où chaque effacement devient une promesse de réinvention».
En effet, «The Enclosure of Passion» (Zribat Al-‘Ishq) fait étalage de textures rugueuses, de formes accidentées, de couleurs tantôt ternes, tantôt incandescentes. Entre les mots griffonnés, les lambeaux de tissus cousus et les papiers alourdis d’objets divers, on en oublie la nature première des supports. L’encre côtoie le charbon dans une série expérimentale, tandis qu’une collection de photographies en noir et blanc traduit le tourment humain à travers des masques d’objets et de désolation.
L’état actuel du monde, les guerres et les conflits qui grondent partout affectent l’artiste. Mais son art est loin d’être une simple expression de colère ou de souffrance. Pour Abdellah Idsidibella, le recours à la destruction devient ici le vecteur d’une esthétique inattendue. Comme le raconte l’artiste : «Je me rappelle d’un feu qui a pris chez nous, à la maison de Tiznit, et du chaos qu’il a laissé derrière. Les matières déformées par la chaleur m’ont frappé par leur puissance visuelle. J’ai voulu retenter l’expérience, pour explorer le pouvoir transformateur du feu». Le résultat parle de lui-même : des œuvres expressives, presque vivantes, émanant littéralement des cendres et du chaos.
À seulement 24 ans, Abdellah Idsidibella affirme déjà une signature esthétique forte, nourrie par un imaginaire personnel et une volonté farouche de faire entendre sa voix dans le paysage artistique contemporain. Né en 2001 et formé à l’École nationale supérieure d’art et de design de Mohammedia après un baccalauréat en arts appliqués, Idsidibella s’est focalisé sur l’expérimentation et l’expression libre. Avec «Zribat Al-‘Ishq», le jeune artiste s’inscrit dans une nouvelle vague marocaine qui investit les marges, interroge l’héritage et invente de nouvelles formes de narration plastique.