Système électoral : les propositions du PJD pour une réforme en profondeur
Les propositions des partis politiques pour les prochaines élections commencent à se préciser. Le PJD a ouvert le bal le 29 août 2025 en dévoilant sa vision pour «restaurer la crédibilité et la transparence du processus électoral». Une initiative qui répond à l’appel Royal visant à préparer, en collaboration avec les acteurs politiques, un cadre général pour les élections législatives, et ce avant la fin de l’année en cours.
Lors d’une conférence de presse tenue à Rabat, le PJD a mis en avant une proposition politique forte, mettant l’accent sur la dimension éthique. Il a préconisé l’adoption d’une charte d’honneur contraignante pour toutes les formations politiques. Cette charte vise, selon le parti de Abdelilah Benkirane, à établir de nouvelles règles du jeu pour garantir l’intégrité du processus électoral face aux menaces de corruption et de manque de transparence qui pourraient l’entacher.
À cet effet, la charte proposée par le PJD imposerait une ligne rouge : l’interdiction formelle de recycler les acteurs politiques impliqués dans des affaires de corruption. Elle scellerait également l’engagement de ne pas recourir à l’achat de votes ou à l’utilisation abusive de l’argent pour influencer les élections. Le parti propose également l’ouverture, tout au long de l’année, d’un débat politique national sur les chaînes publiques et privées. Ce débat, intensif et structuré, inclura des confrontations directes entre les acteurs politiques et garantira une représentation équitable de toutes les opinions.
Listes électorales : 11 mesures pour une couverture exhaustive de l’électorat
Le PJD met aussi l’accent en particulier sur la transparence. Dans ses propositions il demande à ce que les partis politiques puissent obtenir un extrait définitif des listes électorales sous 24 heures après leur demande, dans un format exploitable et contenant toutes les données nécessaires. De plus, il propose de publier les listes électorales et de les mettre à disposition du public par tous les moyens disponibles, afin de permettre aux citoyens de formuler leurs observations. Toute personne ayant un intérêt devrait également se voir reconnaître le droit de contester ces listes. Pour encadrer le processus, le PJD propose de fixer la date limite définitive pour les listes électorales générales au 30 mai 2026, incluant l’expiration de tous les délais administratifs et judiciaires de recours. Les délais de recours sont également concernés : le PJD souhaite faire passer le délai prévu à l’article 16 de la loi n°57.11 sur les listes électorales générales de 10 jours à 20 jours.
Le parti insiste par ailleurs sur la modernisation des outils numériques. Il propose d’ouvrir la possibilité de déposer des demandes d’inscription et de recours via une plateforme électronique devant des commissions administratives et juridictionnelles spécialisées. Les plateformes numériques et les services de messagerie instantanée relatifs aux listes électorales devraient être facilités, simplifiés, accessibles et flexibles pour tous les services liés.
Scrutin, découpage et quotient électoral : le PJD veut refonder les règles du jeu
S’agissant du découpage électoral actuellement en vigueur, le parti estime qu’il ne reflète plus la réalité démographique du pays. Conçu à l’origine pour assurer un équilibre territorial entre les différentes circonscriptions, il crée aujourd’hui des disparités notables. Ce déséquilibre remet en cause le principe constitutionnel de l’égalité électorale et suscite de vives critiques, relève le PJD. Il propose à ce titre une révision du découpage électoral afin que chaque voix exprimée ait la même valeur.
Autre point sensible : le quotient électoral. Depuis son adoption, ce mécanisme a suscité de nombreuses critiques. Il est en effet basé sur le nombre total des inscrits et non plus sur les votes valides. Selon le PJD, ce système va à l’encontre de l’esprit de la démocratie représentative puisqu’il prend en compte les électeurs non votants dans le calcul, faussant ainsi le résultat réel des urnes. Une telle méthode, estime le parti, réduit la légitimité du gouvernement, car elle déforme la volonté populaire et affaiblit le lien de confiance entre citoyens et institutions. Face à ces «dérives», le PJD recommande un retour à la formule antérieure : le quotient électoral calculé uniquement sur la base des votes valides. Concrètement, le nombre de voix exprimées serait divisé par le nombre de sièges attribués à la circonscription, puis les sièges restants seraient distribués selon la règle du «plus fort reste».
Femmes, jeunes et diaspora : des mesures pour une meilleure représentativité
Le parti souhaite aussi renforcer la représentation des femmes et des jeunes, en cohérence avec les dispositions de la Constitution. Il propose de revenir au système adopté lors des élections de 2016, à savoir une liste nationale avec une première partie pour les femmes et une deuxième pour les jeunes de moins de 40 ans, avec la condition que les 12 premiers sièges de chaque partie garantissent une représentativité de l’ensemble des régions du Royaume.
Concernant la participation des Marocains de l’étranger, qui reste limitée, le PJD appelle à une application effective de l’article 17 de la Constitution, qui leur reconnaît le droit de vote et d’éligibilité. Pointant l’absence de mécanismes efficaces pour le vote par procuration, il propose que le vote soit direct dans les pays de résidence, en présence de représentants des partis, à l’image du référendum constitutionnel de 2011. Pour la candidature, il préconise de créer une troisième section dans la liste nationale, exclusivement réservée aux candidatures des Marocains du monde, mais aussi de prévoir des sièges supplémentaires dédiés aux parlementaires qui les représentent.
Campagnes électorales : le PJD prône un encadrement strict du financement
Autre proposition phare : l’encadrement légal des campagnes numériques. Le PJD insiste sur le fait que toutes les dépenses engagées en ligne soient intégrées aux frais électoraux, avec un seuil budgétaire et un nombre de pages à ne pas dépasser. Toute violation de ces règles pourrait constituer un motif de contestation des résultats. Le parti appelle également à élargir la liste des espaces publics disponibles pour les campagnes et à garantir la neutralité des médias publics, en interdisant notamment la couverture médiatique des activités officielles des candidats issus du gouvernement dès l’annonce de leur candidature.
Le PJD plaide par ailleurs pour une révision du système de financement public des élections. À cet égard, il propose entre autres : la possibilité de ne pas exiger le remboursement des avances financières accordées aux partis, dès lors qu’elles sont justifiées, le remboursement de la TVA sur les dépenses électorales, la prise en charge directe par l’État de certaines dépenses de campagne, ou encore le relèvement du plafond des petites dépenses justifiées à 2.000 dirhams, dans la limite de 20% du total déclaré. Le parti propose également d’élargir les catégories de dépenses subventionnées par l’État, en y incluant notamment la préparation des programmes électoraux et les frais judiciaires liés aux recours électoraux.
Bureaux de vote, procès-verbaux et participation : comment le PJD veut renforcer les garanties organisationnelles
• Carte d’identité, notification et bureaux de vote : le PJD recommande d’interdire l’usage d’une simple photocopie de la carte nationale pour voter, afin de prévenir toute fraude. Le parti propose aussi de renforcer le système de notification des électeurs, qu’il soit électronique ou traditionnel, afin de s’assurer que chaque citoyen reçoive effectivement sa convocation. Concernant la gestion des bureaux de vote, le parti souhaite une procédure claire et transparente pour la désignation de leurs présidents et membres, en excluant les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur de ces fonctions, ce dernier étant à la fois organisateur et contrôleur du scrutin.
- Procès-verbaux et sanctions : le PJD insiste également sur la nécessité d’une remise immédiate et authentifiée des procès-verbaux aux délégués des candidats, contre accusé de réception. Pour garantir cette transparence, il appelle à durcir les sanctions contre tout président de bureau refusant de remettre ou de signer le procès-verbal, en érigeant ce manquement en crime électoral imprescriptible. Le parti propose aussi de rendre obligatoire l’inclusion des observations des représentants de listes dans les PV, et de sanctionner tout refus de les prendre en compte.
- Droits des représentants et conservation des bulletins : pour protéger les observateurs, le PJD recommande de retirer au président du bureau le droit d’expulser un représentant de liste, laissant au parquet le soin de trancher en cas d’infraction. De plus, il demande l’obligation de conserver tous les bulletins de vote, y compris les bulletins annulés ou contestés, jusqu’à l’expiration des délais de recours. Ces bulletins pourraient alors être réexaminés par la Cour constitutionnelle.
- Participation des électeurs : pour encourager la participation, le PJD propose d’accorder trois heures de congé électoral aux salariés du public et du privé. Il recommande également de lever l’interdiction faite aux représentants des partis d’utiliser téléphones et appareils électroniques, leur permettant ainsi de documenter et contrôler plus efficacement le déroulement du scrutin.
Transparence électorale : le PJD insiste sur le rôle central des ministères de l’Intérieur et de la Justice
Parmi ces mesures, le parti propose un renforcement du contrôle judiciaire des listes électorales. Les juges compétents devraient être autorisés à suivre l’évolution des listes à travers tous les outils techniques et logistiques nécessaires, assurant ainsi une supervision complète du processus. De plus, afin de faciliter le traitement des recours, les juges devraient bénéficier d’un accès automatique et sans entrave à tous les documents administratifs pertinents, tels que ceux relatifs aux conditions d’inscription, de radiation et de régularité des opérations électorales. Il propose également d’élargir les compétences du juge des référés pour lui permettre d’annuler les décisions administratives prises par les autorités publiques, telles que la distribution des bureaux de vote, la répartition des sièges, la limitation des espaces de campagne électorale ou encore l’interdiction de l’exploitation de certains lieux.
Dans le même sillage, le PJD suggère de nommer au niveau du parquet général, dans chaque circonscription électorale, un référent chargé de la communication directe avec les candidats et les observateurs accrédités dans le cadre du suivi du processus électoral. Ce dernier aura la charge de réceptionner les plaintes et réclamations concernant les infractions pouvant nuire à l’opération électorale et à sa crédibilité, en particulier l’utilisation de l’argent pour influencer les électeurs. Cette mission pourra être renforcée par la création d’une ligne directe spéciale pour signaler ce type de pratiques. Le formation politique recommande aussi de donner compétence aux tribunaux de première instance pour juger des infractions constatées dans les bureaux de vote au cours du scrutin, permettant ainsi aux substituts du procureur d’intervenir immédiatement pour régler les litiges.
Sur le plan technique, le parti propose de réduire de moitié le nombre de bureaux de vote secondaires, qui s’élève actuellement à plus de 43.000. L’objectif est d’instaurer un meilleur équilibre entre les électeurs et les bureaux, avec un ratio de 500 électeurs par bureau en zone urbaine et 1.500 en zone rurale, tout en tenant compte des contraintes géographiques des zones reculées.
Autre point souligné : l’amélioration de l’implantation des bureaux de vote. Le PJD insiste sur la nécessité de choisir des sites proches, accessibles et neutres, afin de faciliter la participation et d’éviter que les écoles soient presque exclusivement utilisées. Le parti propose d’ouvrir d’autres espaces publics adaptés à l’accueil des électeurs. Le PJD plaide également pour que la liste complète des bureaux de vote, avec leurs adresses exactes, soit remise aux partis politiques dès le début de la campagne électorale. Une mesure qui vise à garantir une meilleure transparence et à donner aux formations politiques les moyens de superviser efficacement le déroulement du scrutin.

