Perturbations météorologiques : politique proactive incontournable en planification urbaine.
Dr Saïd Chakri, expert en environnement et climatologue, a évoqué les perturbations météorologiques que connaît le Maroc et leurs impacts extrêmes en raison du changement climatique. Le Maroc figure parmi les pays les plus représentés à l’échelle mondiale avec seize éléments inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
L’expert en environnement et climatologue, Dr Saïd Chakri, s’exprime dans un entretien accordé à la MAP sur les perturbations météorologiques affectant le Maroc, leurs conséquences extrêmes dues au changement climatique ainsi que leurs impacts tant négatifs que positifs.
**Comment le changement climatique intensifie-t-il les effets des perturbations météorologiques ?**
Les récents événements climatiques au Maroc résultent de perturbations considérées comme des phénomènes naturels. Toutefois, sous l’influence de certains facteurs, notamment le changement climatique, ces perturbations engendrent désormais des effets extrêmes, se traduisant par des précipitations importantes sur de courtes périodes.
La Direction générale de la météorologie a précisé qu’il s’agit d’une dépression d’altitude froide isolée, de type cut-off, se maintenant sur une large zone du Maroc. Cette masse d’air très froide cause des perturbations difficiles à prévoir, dont certains effets peuvent être soudains, comme cela a été observé à Safi.
Des phénomènes similaires ont déjà eu lieu dans d’autres pays, à l’instar des inondations de Valence en Espagne en 2024, qualifiées par certains spécialistes de dépression froide isolée. Bien que cette dépression soit stable au-dessus du Maroc, elle entraîne des conséquences imprévisibles, obligeant à rester vigilant.
**Quels sont les impacts négatifs et positifs de ces perturbations ?**
Ces phénomènes climatiques causent souvent des dégâts, particulièrement lorsqu’ils s’ajoutent à des facteurs aggravants tels qu’un manque de préparation, des infrastructures insuffisantes et une inadaptation face aux risques. Cela appelle à un travail structuré sur plusieurs axes pour y répondre, incluant la planification préventive, le renforcement des infrastructures et l’éducation des citoyens sur l’importance des alertes météorologiques et de la gestion des risques.
Les effets extrêmes des perturbations, aggravés par le changement climatique, entraînent des précipitations torrentielles en un temps très court, rendant ainsi la réponse plus difficile et augmentant le bilan des dégâts.
Cependant, ces perturbations présentent également des avantages. Les fortes pluies contribuent à reconstituer les nappes phréatiques et les ressources en eau de surface, surtout après plusieurs années de déficit pluviométrique au Maroc. Elles favorisent également un bon lancement de la saison agricole.
**Comment s’adapter aux effets extrêmes ?**
Il est essentiel de prendre les mesures nécessaires en matière d’infrastructures et d’établir une politique proactive, notamment en matière de planification urbaine. Les changements climatiques représentent une réalité constante, intensifiant les effets extrêmes des dépressions isolées de manière souvent imprévisible.
Le réchauffement planétaire accroît l’évaporation d’importantes quantités d’eau. Plus la température augmente, plus les dépressions froides provoquent de fortes pluies et des vents violents.
Il est donc crucial d’intégrer le changement climatique dans la planification urbaine et l’aménagement du territoire, via des cartes des zones à risque d’inondation, l’interdiction de constructions près des oueds et cours d’eau, des investissements accrus dans les infrastructures, ainsi que la sensibilisation des citoyens sur les comportements à adopter en cas de perturbations météorologiques. La mise en place d’une stratégie nationale multidimensionnelle pour prévenir et gérer ces catastrophes s’avérerait également utile.
**Le Maroc, un acteur clé du patrimoine immatériel de l’UNESCO**
Avec seize éléments inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, le Maroc se classe parmi les pays les plus représentés au plan international. Depuis 2008, le Royaume fait reconnaître des traditions témoignant de la richesse et de la diversité de son héritage, la dernière inscription étant le caftan marocain, en décembre de cette année.
Ces reconnaissances touchent à divers domaines, allant des arts vivants aux pratiques sociales, en passant par la gastronomie et l’artisanat. Certaines traditions sont spécifiques au Maroc, tandis que d’autres partagent un héritage commun dans plusieurs pays méditerranéens.
Parmi les éléments emblématiques figurent le savoir-faire lié à l’arganier, crucial pour la vie sociale et économique des populations du sud-ouest du pays, notamment via le travail des femmes rurales. Les arts vivants sont également bien représentés, notamment avec la danse Taskiwin du Haut Atlas, en danger de disparition, et la musique Gnaoua, mélange de rituels et de performances artistiques.
Le patrimoine équestre est incarné par la Tbourida, et le malhoun illustre la poésie populaire chantée, portant mémoire collective et dialogue social. L’inscription récente du caftan marocain a reconnu un savoir-faire vestimentaire transmis au fil des générations, symbole d’identité culturelle et pilier de l’artisanat marocain.
À travers ces inscriptions, le Maroc affiche son engagement pour la sauvegarde et la transmission d’un patrimoine vivant, au cœur de son identité nationale. Comme l’a souligné l’ambassadeur et délégué permanent du Royaume auprès de l’UNESCO, Samir Addahre, la position du Maroc dans les efforts mondiaux pour le patrimoine immatériel remonte à bien avant l’adoption de la Convention de 2003.
« Notre pays a été parmi les principaux rédacteurs de ce texte ayant révolutionné le concept de patrimoine, en intégrant les aspects immatériels, notamment les traditions et savoir-faire, éléments d’identité des communautés », a affirmé le diplomate, rappelant que « depuis l’adoption de ce cadre normatif, le Maroc a milité pour l’inscription d’éléments de son patrimoine vivant sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité ».
Dans une interview, M. Addahre a mentionné que malgré l’établissement d’un quota d’une inscription tous les deux ans, le Royaume a maintenu une dynamique soutenue de soumission de candidatures, traduite par l’inscription récente de nouveaux éléments emblématiques comme le melhoun et le caftan marocain, respectivement en 2023 et 2025.
Le Maroc a également élargi sa présence par le biais d’inscriptions multinationales ne soulevant pas les contraintes du quota, tant que celles-ci ne concernent pas des spécificités uniques à l’identité marocaine.
Les efforts déployés par le Royaume pour préserver et promouvoir le patrimoine de ses communautés, combinés à son implication active dans les réflexions thématiques dirigées par le Secrétariat de la Convention de 2003, lui ont valu la reconnaissance des États parties, du Secrétariat, et de l’ensemble de la communauté internationale, a souligné l’ambassadeur.
Concernant l’inscription récente du caftan, M. Addahre a fait savoir que le Maroc a soumis une version actualisée de son dossier « Le caftan marocain : art, traditions et savoir-faire », qui a été évalué positivement par l’organe d’évaluation de la Convention.
« Le caftan marocain, tout comme d’autres éléments séculaires du patrimoine culturel, fait l’objet de tentatives d’usurpation », a regretté M. Addahre, précisant que « la diplomatie marocaine s’est fortement mobilisée pour contrecarrer ces manœuvres et réussir l’inscription d’un aspect fondamental de notre culture ».
L’ambassadeur a également noté que d’autres éléments du patrimoine culturel immatériel du Royaume seront proposés à l’UNESCO, comme le savoir-faire ancestral autour du zellige, considéré comme un symbole distinctif de l’architecture marocaine.
« L’inscription prochaine de cet élément, déjà reconnu par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), sur la liste de l’UNESCO, lui donnera une visibilité accrue, avec un soutien double de la communauté onusienne », a ajouté M. Addahre.
Ainsi, à travers une politique proactive et une diplomatie culturelle soutenue, sous l’égide de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc renforce sa position d’acteur de référence au niveau mondial dans la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les inscriptions successives à l’UNESCO témoignent non seulement de la richesse de son héritage vivant, mais également de l’engagement soutenu du pays pour transmettre les arts, traditions et savoir-faire ancestraux aux futures générations, a ajouté M. Addahre.
En continuant cette dynamique, avec des candidatures pour le zellige prévues pour le cycle 2027, le Royaume affirme sa détermination à mettre en valeur son identité culturelle sur la scène internationale tout en contribuant à la protection du patrimoine commun de l’humanité.

