Menace sur les transferts des MRE de France
Politique. L’extrême droite en France compte recourir à des moyens extrêmes pour refouler les sans-papiers sur le Vieux Continent. Parmi les pistes avancées en cas d’arrivée au pouvoir, le blocage des transferts financiers des particuliers. Éclairages.
Marine le Pen, figure du Rassemblement national, et Jordan Bardella, président du même parti d’extrême droite, ont à maintes reprises affiché leur volonté de «suspendre les transferts de fonds financiers privés» pour faire pression sur les pays afin que ces derniers acceptent de recevoir les sans-papiers expulsés de France. Au-delà du débat juridique et constitutionnel concernant l’applicabilité de cette mesure, la menace existe bel et bien. Pire encore, l’idée semble être partagée même par des voix considérées comme étant de gauche. Ce fut le cas pour l’ancien ministre, Arnaud Montebourg. Ce dernier avait proposé dès 2021 de bloquer temporairement les transferts d’argent privé – via Western Union – vers les pays qui «refusent de reprendre» leurs immigrés clandestins présents sur le territoire français. Si les politiques français ne citent pas directement le Maroc, il est de notoriété publique que les divergences concernant le dossier de l’immigration ont été l’un des points d’achoppement ayant participé à envenimer les relations au cours des trois dernières années entre les deux pays. Aujourd’hui et alors qu’un travail important a été accompli des deux côtés pour aller vers un rétablissement de la confiance, les pistes proposées dans le programme politique de l’extrême droite pourraient tout chambouler si la menace de bloquer les transferts est officiellement remise sur la table. Un parti comme le Rassemblement national sait très bien que les transferts financiers de particuliers sont importants pour beaucoup de familles. La France arrive souvent en tête des pays émetteurs de transferts. Les chiffres sont à cet égard édifiants. Les transferts de fonds effectués par les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont atteint 46,38 milliards de dirhams (MMDH) à fin mai 2024, contre 45,282 MMDH un an auparavant, selon l’Office des changes. Ces transferts ressortent ainsi en hausse de 2,4% ou de 1,098 MMDH, précise l’Office des Changes dans son bulletin sur les indicateurs mensuels des échanges extérieurs du mois de mai. Les transferts de fonds effectués par les Marocains résidant à l’étranger (MRE) poursuivent leur tendance haussière pour atteindre un record de 117,5 milliards de dirhams en 2024, en amélioration de 1,9%, selon les projections de Bank Al-Maghrib. «Les données disponibles laissent présager une poursuite de la tendance haussière des transferts des MRE, avec des améliorations de 1,9% en 2024, à 117,5 MMDH, et de 5,3% en 2025, à 123,7 MMDH», précise BAM dans son rapport sur la politique monétaire, publié à l’issue de la deuxième réunion trimestrielle de son Conseil au titre de l’année 2024. C’est dire que les transferts financiers des MRE restent importants sur les plans économique, financier et social.
Restrictions
Ce n’est pas la première fois qu’une menace plane sur les transferts financiers à partir de l’Europe. Bank Al-Maghrib avait en 2023 alerté sur les conséquences d’une directive européenne sur les transferts. La même source avait annoncé que les autorités marocaines mèneraient des négociations avec la Commission européenne au sujet de la directive (CRD VI), qui entre en vigueur le 1er janvier 2025. Il a été question ainsi de négocier avec la Commission européenne de l’impact de cette nouvelle directive européenne qui risquait de restreindre les flux monétaires des Marocains résidant à l’étranger (MRE). La directive (CRD VI), applicable à compter du 1er janvier 2025, réforme en profondeur le traitement des succursales d’établissements de crédit de pays tiers (comme le Maroc) au sein de l’Union européenne. La directive est présentée comme un outil essentiel du développement, visant à favoriser l’intégration financière dans l’Union européenne. Cela dit, ladite directive impose aux filiales de banques étrangères opérant en Europe de mettre à la disposition des clients potentiels des produits et services financiers européens et non ceux de leur pays d’origine. L’été 2023, la Banque centrale avait annoncé qu’une commission menée par le ministère des affaires étrangères aura des discussions avec l’Union européenne pour que les transferts de fonds des MRE ne soient pas entravés par la directive européenne relative aux succursales bancaires de pays tiers. Concrètement, le ministère des affaires étrangères avait mis en place une task force qui comprend notamment le ministère des finances, Bank Al-Maghrib et les banques marocaines, pour discuter avec l’Union européenne de ce sujet crucial. Les responsables marocains auraient eu par la suite des signaux positifs de la part de leurs homologues européens après les premiers échanges. Par ailleurs, un autre défi était posé par l’adoption de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers. Le Parlement avait décidé à l’unanimité lors d’une séance législative le report du vote de deux projets de loi portant approbation, respectivement, de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays et de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, paraphé par le Royaume du Maroc le 25 juin 2019. Dans une déclaration à l’issue de cette séance, le ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a affirmé que le Maroc veille à préserver les droits de la communauté marocaine résidant à l’étranger lors de la conclusion de conventions internationales. Le ministre a souligné que le Maroc, tout en étant engagé dans l’effort international visant la lutte contre l’évasion fiscale, le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, ne peut entreprendre aucune action susceptible de porter atteinte aux droits de la communauté marocaine à l’étranger.
C’est le titre de la boite
Echange automatique
Finances. Le projet de loi 77.19 est un texte en vertu duquel le pays donne son assentiment à l’accord multilatéral entre les autorités compétentes pour l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, signé par le Maroc le 25 juin 2019. Cet accord constitue un cadre juridique à caractère international régissant un ensemble de bases et de normes entre les pays parties afin de promouvoir l’obligation fiscale et lutter contre l’évasion fiscale à travers l’approfondissement de leurs relations en matière de taxes réciproques. L’accord puise sa référence dans les dispositions de la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale qui autorise deux parties ou plus à procéder à l’échange automatique des renseignements à des fins fiscales, via leurs autorités compétentes. Il faut préciser que le Maroc avait également signé la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, adoptée à Paris le 24 novembre 2016. C’est le fameux BEPS de l’OCDE qui est un cadre réglementaire réalisé sous l’égide de l’OCDE et du G20. Ce cadre crée, dans le domaine de la fiscalité internationale, un ensemble unique de règles pour protéger l’assiette imposable tout en offrant aux contribuables une prévisibilité et une certitude accrues. Au total, 15 actions ont été identifiées pour équiper les gouvernements d’instruments nationaux et internationaux pour lutter contre l’évasion fiscale en s’assurant que les profits soient taxés à l’endroit même où ceux-ci sont générés et où a lieu la création de valeur. Il s’agit notamment d’élaborer des dispositions conventionnelles type et des recommandations relatives à la conception de règles nationales visant à neutraliser les effets d’instruments et d’entités hybrides (double non-taxation, double déduction, report à long terme). Il est question, en outre, de refonder les travaux relatifs aux pratiques fiscales dommageables en donnant la priorité à l’amélioration de la transparence, notamment par le biais de l’échange spontané obligatoire de renseignements sur les décisions relatives à des régimes préférentiels.