Maroc

Médiation administrative : un gouvernement ne révélant ni privilèges, ni abus.

En 1999, SM le Roi Mohammed VI inaugurait une nouvelle ère : moralisation du service public, transparence, proximité et responsabilité. En 2025, 80 au rang mondial en efficacité administrative, 58% des citoyens jugent l’administration injuste, et 31% estiment que le favoritisme est devenu indispensable.


Quand la façon dont le gouvernement aborde la médiation administrative révèle le peu d’importance que ses membres accordent à l’impact de leurs choix politiques sur les citoyens, cela indique que l’État traverse une période de turbulences profondes. Initialement conçue pour protéger les citoyens contre les abus de l’administration, elle se trouve aujourd’hui affaiblie, entourée d’une bureaucratie qui ne se conforme plus à la loi, mais à ses propres réseaux.

Dans un contexte où l’exécutif ferme les yeux sur les excès et banalise les privilèges, la question n’est plus seulement de savoir qui protège le citoyen, mais qui protège la médiation elle-même ? Une médiation forte suppose un État sérieux. Or, cette majorité a choisi de se dissimuler derrière les logiques fallacieuses de l’administration, plutôt que de l’encadrer, transformant un outil constitutionnel d’équité en simple alibi démocratique.

Le contraste est frappant. En 1999, SM le Roi Mohammed VI inaugurait une nouvelle ère de moralisation du service public, de transparence, de proximité et de responsabilité. Vingt-cinq ans plus tard, cet élan fondateur a été détourné. Les orientations royales sont répétées, mais elles ne sont pas appliquées avec rigueur. L’administration continue d’étouffer sous la lenteur, la complexité et l’opacité.

Les chiffres parlent : le Maroc occupe le 80e rang mondial en efficacité administrative, 58 % des citoyens jugent cette administration injuste, 31 % estiment que le favoritisme est devenu indispensable, et 75 % des plaintes adressées au Médiateur concernent la violation des droits ou le non-respect des délais. La situation est telle qu’un ancien ministre du RNI a déclaré publiquement que « ce ne sont pas les élus qui gouvernent les territoires, mais l’administration ». Ce que l’USFP dénonce depuis des années devient ainsi un constat national partagé.

La décision royale d’instaurer le 9 décembre comme Journée nationale de la médiation administrative n’est pas un simple geste symbolique. Elle réactive un projet institutionnel commencé avec Diwan Al-Madalim en 2001 et qui s’est consolidé avec la constitutionnalisation du Médiateur en 2011.

Mais que vaut une journée nationale dans un État où les recommandations du Médiateur sont ignorées, où les jugements administratifs ne sont pas exécutés, et où l’exécutif protège davantage les abus que les victimes ? Le gouvernement applaudit la médiation… pour mieux contourner ce qu’elle exige : discipline, transparence et responsabilité.

Sous cette majorité, le soutien accordé au pouvoir administratif a laissé place à un environnement où les lobbies et les réseaux rivalisent désormais avec l’État lui-même. Dans le domaine de la santé, 32 000 professionnels font défaut, avec une moyenne de 17 médecins pour 10 000 habitants, tandis que 54 % des dépenses de soins sont à la charge des ménages. Dans le secteur éducatif, les classes atteignent 44 élèves, et chaque année, plus de 300 000 jeunes abandonnent l’école. Concernant les marchés publics, près d’un quart souffre d’absence de concurrence ou de conflits d’intérêts.

Sur le plan territorial, 78 % des présidents de communes dénoncent la domination administrative, et moins de 30 % des compétences régionales ont réellement été transférées aux régions. L conclusion est implacable : la majorité a laissé l’administration gouverner, les réseaux prospérer et les inégalités se creuser.

Le Maroc a besoin d’une médiation forte, mais celle-ci nécessite avant tout un gouvernement qui ne freine pas son action. Le 9 décembre doit devenir un miroir national, une évaluation annuelle de la manière dont l’État traite ses citoyens. Mais cette journée perdra son sens tant que la bureaucratie restera incontrôlée, tant que la justice administrative ne sera pas appliquée, tant que les institutions élues continueront d’être marginalisées.

La génération digitale l’a compris avant les partis : par ses vidéos virales et son exigence de transparence, elle a mis en lumière l’effondrement du service public et l’incapacité du gouvernement à convaincre. Son indignation n’est pas passagère ; elle constitue un avertissement.

Si la médiation administrative veut redevenir un levier d’équité, elle doit s’accompagner d’une volonté politique ferme : réduire l’arbitraire, renforcer la justice administrative, restaurer la confiance et replacer le citoyen au centre de l’action publique. Sans cela, la médiation restera un principe noble, prisonnier d’un système qui protège l’abus plutôt que le droit.

Par Mohamed Assouali