Maroc

Majorité gouvernementale : une course électorale avant l’heure ?

«Trois partis d’opposition – le Parti du progrès et du socialisme, le Parti authenticité et modernité, et le Parti de l’Istiqlal – expriment leur rejet de l’instrumentalisation des actions solidaires et caritatives à des fins politiques. Dans une déclaration conjointe, ces formations soulignent que ce phénomène illégal, fondé sur l’exploitation illégitime des données personnelles des citoyens, nécessite l’intervention des autorités compétentes pour dissuader et arrêter ces partis. Elles réaffirment leur opposition aux tentatives de séduction de l’électorat par des méthodes déplorables que l’opinion publique a accueillies avec indignation et réprobation». C’était durant le Ramadan 2021, à quelques mois seulement des élections législatives, communales et régionales du 8 septembre 2021. La partie visée n’était autre que le Rassemblement national des indépendants (RNI), membre de la coalition gouvernementale à l’époque accusé d’instrumentaliser les actions caritatives à des fins politiques via l’association «Joud», réputée proche de lui. Près de quatre ans après, l’on assiste quasiment au même scénario.

Un scénario qui se répète, des acteurs qui changent de camp

L’exploitation des aides sociales aux démunies fait de nouveau l’actualité dans un contexte de course prématurés aux élections de 2026. À cette différence près : le positionnement des acteurs sur l’échiquier politique a changé. En effet, le PAM et l’Istiqlal, qui occupaient autrefois les bancs de l’opposition, font désormais partie de la majorité gouvernementale suite aux élections de septembre 2021. À l’inverse, le PPS, anciennement dans la majorité, se retrouve aujourd’hui dans les rangs de l’opposition. Fait marquant, l’association Joud, qui était au cœur de la polémique il y a trois ans, se retrouve de nouveau au centre des critiques. Ainsi, les partis d’opposition, notamment le PPS, montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer le retour en force de cette association et de ses pratiques, notamment la distribution de paniers alimentaires aux populations défavorisées. La question a même été soulevée, par le PPS, au sein du Parlement, signe de l’importance accordée à cette controverse dans le débat public national.

Des accusations graves qui soulèvent des questions éthiques

Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS, n’a pas mâché ses mots lors de ses multiples interventions médiatiques. «La Fondation Joud n’est autre que le bras associatif du Rassemblement national des indépendants», a-t-il déclaré, qualifiant la distribution massive d’aides alimentaires à l’approche des élections de « manœuvre électoraliste flagrante et de violation manifeste de la loi». Le dirigeant politique va plus loin en soulevant des interrogations sur les sources de financement de cette fondation : «D’où proviennent les millions de dirhams que cette association consacre à la distribution d’un million de paniers du Ramadan à un million de familles marocaines ?» s’est-il interrogé publiquement. Selon les calculs présentés par M. Benabdallah, la valeur de chaque panier est estimée entre 150 et 200 dirhams, ce qui représenterait un montant total oscillant entre 150 et 200 millions de dirhams mobilisés par Joud à cette activité. Une somme colossale dépensée à quelques mois seulement des élections, ce qui alimente les soupçons quant aux intentions réelles de l’association.

Nizar Baraka dénonce publiquement la cherté de la vie, un coup à la coalition de la majorité ?

À l’heure où le pouvoir d’achat des Marocains est mis à rude épreuve, la question de la cherté de la vie s’impose comme un enjeu politique majeur. Les partis de différentes obédiences ne peuvent de ce fait s’empêcher de surfer sur la vague pour se mettre en posture du défenseur de la veuve et de l’orphelin. Dénonçant tour à tour la hausse vertigineuse des prix, la spéculation ou encore l’inaction du gouvernement, ils entendent ainsi gagner en popularité à l’approche des élections de 2026. Mais cette démarche paraît logique pour les formations de l’opposition, pour celles de la majorité, elle dénote une certaine incohérence. Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, une des composantes de la coalition gouvernementale, s’est livré à cette acrobatie. Samedi dernier, il a dénoncé la hausse du coût de la vie, mais tout en dédouanant l’Exécutif dont il fait partie.

Pour mettre en perspective l’ampleur de ces dépenses, le secrétaire général du PPS établit un parallèle saisissant : le montant dépensé par l’association Joud en un seul mois équivaudrait à la valeur totale du financement public alloué à l’ensemble des partis politiques pour la gestion des élections. Une comparaison qui souligne l’asymétrie des moyens déployés et qui pose question sur l’équité du jeu démocratique.

Démentis et preuves contradictoires : le RNI sur la défensive

Face à cette avalanche d’accusations, le chef de file de la jeunesse du RNI a catégoriquement nié toute relation entre la Fondation Joud et son parti. Une défense qui n’a pas tardé à être mise à mal par la vigilance des internautes qui ont fait circuler une vidéo datant de 2021, dans laquelle Aziz Akhannouch, leader du RNI, louait explicitement l’importance et l’étendue des activités sociales de la fondation. Dans cette vidéo devenue virale, M. Akhannouch exprimait sa fierté quant à l’impact de Joud et dénonçait les tentatives de discréditer le travail de l’association. Un élément qui contredit frontalement les dénégations actuelles du secrétaire général de la jeunesse-RNI.

Une stratégie adoptée par l’ensemble de la majorité gouvernementale

Si le RNI se trouve actuellement sous le feu des critiques, il n’est pas le seul parti à recourir à ce que certains qualifient de «manœuvres pré-électorales». Les autres formations politiques de la majorité gouvernementale, notamment le Parti de l’Istiqlal et le PAM, initient également des actions visant à mobiliser de potentiels électeurs, à 18 mois des élections législatives prévues en 2026. Selon de nombreux observateurs de la scène politique marocaine, le dynamisme actuel des partis politiques masque en réalité des pratiques récurrentes observées à l’approche de chaque échéance électorale.

Le Parti de l’Istiqlal, par exemple, a récemment lancé l’initiative «2025, année du bénévolat», présentée officiellement comme un projet destiné à renforcer la culture du volontariat au sein de la société marocaine. Toutefois, le timing de ce lancement suscite des interrogations légitimes quant à sa véritable motivation. Certains analystes y voient davantage une tentative de redorer l’image politique du parti qu’une vision stratégique à long terme pour le développement du bénévolat. Cette démarche intervient alors que le parti fait face à des défis internes et des turbulences au sein de la majorité gouvernementale, ce qui accrédite l’hypothèse d’une manœuvre de repositionnement anticipant une éventuelle reconfiguration des alliances politiques.

La course aux jeunes électeurs : un enjeu stratégique

Dans un contexte similaire, la jeunesse du Parti authenticité et modernité (PAM) tente, à travers l’initiative «Jeel 2030» (Génération 2030), de s’adresser spécifiquement aux jeunes électeurs sous le slogan mobilisateur «Dignité et Espoir». Selon les déclarations officielles du parti, «cette initiative vise à intégrer les jeunes dans le débat public et à leur permettre de contribuer aux politiques publiques». Une démarche qui s’inscrit elle aussi dans cette effervescence pré-électorale, cherchant à capter l’attention d’une catégorie déterminante pour les résultats des prochaines élections.

Au-delà des motivations réelles de ces initiatives, la vigilance doit être de mise. Il est en effet primordial de porter un regard critique et lucide sur les actions des partis politiques, particulièrement lorsque celles-ci se parent des atours de la bienfaisance. La distinction entre générosité authentique et calcul électoral constitue un exercice de discernement essentiel pour la maturité démocratique. La bataille des œuvres caritatives ne fait que commencer, et risque de s’intensifier à mesure que l’échéance électorale s’approche.

Le PPS dénonce les «pratiques électoralistes» des partis de la majorité

La réunion ordinaire du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS), tenue le mardi 18 mars 2025, a dressé un constat alarmant sur la situation économique et sociale du pays. Hausse des prix, précarisation croissante de larges franges de la population, montée du chômage… le parti a pointé du doigt l’échec du gouvernement à répondre aux attentes des citoyens. Par ailleurs, il a vigoureusement dénoncé le recours à des «pratiques électoralistes contraires à l’éthique démocratique», plaidant pour une mobilisation des forces progressistes en vue d’une véritable alternative politique.

Une crise sociale alarmante et des pratiques électoralistes condamnables

Selon le parti dirigé par Nabil Benabdallah, l’Exécutif a non seulement échoué à prendre des mesures efficaces pour atténuer l’impact des crises que vit le pays, mais il s’est engagé dans une course prématurée aux élections de 2026. Dans ce contexte, il a condamné ce qu’il considère comme une instrumentalisation des actions caritatives à des fins électorales. Il a pointé du doigt certaines composantes du gouvernement, notamment le parti au pouvoir, qui utiliseraient des ressources publiques pour distribuer des aides sous couvert de solidarité, afin de booster son électorat. Pour le PPS, ces pratiques constituent une violation des principes démocratiques et une entorse grave aux lois encadrant la bienfaisance publique. Ainsi, le parti appelle les autorités publiques compétentes à agir rapidement et fermement pour mettre fin à ces manœuvres déloyales et sanctionner leurs auteurs, afin de préserver l’intégrité du processus démocratique.

Démolitions et relogements : nécessité d’une approche respectueuse des droits des citoyens

Le bureau politique du PPS a par ailleurs abordé l’opération de démolition-relogement qui s’inscrit dans le cadre de nouveau plan d’aménagement de Rabat. Tout en reconnaissant l’importance des projets de mise à niveau urbain, il a insisté sur la nécessité d’une approche respectueuse des droits des citoyens concernés.

Le parti a ainsi plaidé pour une planification rigoureuse garantissant la mise en place de toutes les conditions nécessaires avant toute démolition. Ce qui inclut selon lui, la concertation préalable avec les habitants, la proposition d’alternatives satisfaisantes et la mise en œuvre de solutions justes et équitables pour toutes les catégories affectées (propriétaires, locataires, commerçants et professionnels). Dans cet esprit, le Parti a mis en garde contre toute précipitation pouvant engendrer des tensions sociales, appelant à une gestion plus humaine et inclusive de ces opérations.

Pour un front démocratique et progressiste

Sur un autre registre, et face aux «dérives» qui touchent le champ politique, le PPS estime nécessaire de renforcer l’union des forces démocratiques et progressistes. Il a appelé à cet effet les partis politiques, les syndicats, les associations et les acteurs de la société civile à se mobiliser pour constituer une alternative crédible et porteuse d’un projet démocratique et réformiste.

Le parti a fait part de son intention de prendre des initiatives concrètes en ce sens, en engageant des discussions avec d’autres formations partageant les mêmes ambitions de réforme. L’objectif est de dynamiser la vie politique, de raviver l’espoir au sein de la société et de proposer des solutions aux défis actuels.