Maroc

L’Ordre des dentistes alerte sur la prolifération des pratiques illégales

Des soins dentaires réalisés par des personnes sans diplôme, des anesthésiants périmés administrés en toute impunité, des patients laissés avec des handicaps irréversibles… Le tableau dressé par l’Ordre national des médecins-dentistes (ONMD) est glaçant. Dans un communiqué ferme, l’Ordre appelle à une mobilisation urgente face à ce qu’il qualifie de «prolifération des pratiques illégales de la médecine dentaire».

«Ces interventions sont réalisées par des individus n’ayant reçu aucune formation académique ni reconnaissance légale, et souvent dans des locaux insalubres, hors de tout contrôle sanitaire. Des lieux qui ne respectent pas les normes minimales d’hygiène et de sécurité sanitaire, exposant les citoyens à des complications médicales graves, voire fatales», alerte l’ONMD.

Des pratiques dangereuses… et banalisées

L’Ordre s’inquiète du développement de ces pratiques dans des ateliers artisanaux dissimulés sous l’appellation de «fabricants de prothèses dentaires», où sont réalisés, en toute illégalité, des actes qui relèvent exclusivement de la compétence des médecins-dentistes. Ces faux praticiens y reçoivent des patients, leur posent des prothèses, leur administrent des produits, le tout «dans une illégalité flagrante et au mépris des règles déontologiques de la profession».

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Les conséquences, elles, sont parfois dramatiques. L’Ordre évoque des cas récurrents de décès, de handicaps permanents ou d’infections sévères. «Décès dus à l’utilisation de produits anesthésiants falsifiés ou périmés, surdosages administrés de manière aléatoire, cas de handicaps permanents ou de maladies infectieuses contractées dans des conditions d’hygiène déplorables», précise le communiqué.

Pourtant, le cadre juridique est clair. L’exercice de la médecine dentaire au Maroc est régi par la Loi n° 07.05 relative à l’Ordre national des médecins-dentistes, l’article 184 de la Loi 31.08 sur la protection du consommateur, et la Loi 84.12 encadrant l’utilisation des dispositifs médicaux. Ces textes exigent un doctorat en médecine dentaire, une inscription à l’Ordre et des autorisations précises pour manipuler des appareils radiologiques ou des produits anesthésiants.

Malgré cela, l’ONMD constate que ces pratiques illégales se développent à un rythme inquiétant, y compris dans des zones urbaines bien connues, ce qui rend leur présence d’autant plus visible et banalisée, malgré les efforts du ministère de l’Intérieur et les missions d’inspection ayant révélé et consigné de graves irrégularités dans des procès-verbaux officiels.

Une menace pour la santé… et pour l’image du Maroc

Au-delà du strict enjeu sanitaire, l’Ordre met en garde contre les conséquences économiques et réputationnelles de ce phénomène. Alors que le Royaume aspire à devenir un acteur de référence dans le tourisme de santé, notamment dans le domaine des soins dentaires et esthétiques, ces pratiques entachent l’image d’un Maroc «crédible et sûr». Le communiqué précise : «Le Maroc se prépare à accueillir de grandes manifestations touristiques et sportives internationales. Une vigilance renforcée est donc essentielle pour garantir les normes les plus strictes de sécurité sanitaire».

La situation est jugée si préoccupante que «certaines ambassades étrangères ont émis des alertes officielles à leurs ressortissants, les mettant en garde contre les risques liés à des soins reçus dans des établissements non agréés au Maroc». Un signal fort qui souligne l’ampleur des répercussions possibles, tant sur la santé publique que sur l’économie nationale.

Conscient des besoins croissants en soins dentaires, le gouvernement a lancé un vaste chantier de renforcement des capacités de formation. Le nombre de facultés de médecine dentaire est désormais porté à onze, ce qui, à terme, devrait permettre de répondre pleinement – voire excéder – la demande nationale. Objectif : Garantir «des soins de qualité, accessibles, sécurisés et respectueux de la déontologie et de la loi en vigueur». Pour enrayer la prolifération de ces pratiques, l’ONMD appelle les autorités locales à passer à l’action. Il demande notamment «la fermeture des locaux des illégaux non autorisés et la sanction de tout prothésiste dentaire dépassant le cadre de son autorisation, qui se limite à la fabrication de prothèses sur prescription du médecin-dentiste».

Pour l’Ordre, la lutte contre l’exercice illégal de la médecine dentaire est aujourd’hui une priorité de santé publique, mais aussi un impératif de souveraineté sanitaire. Il s’agit de «protéger la santé des citoyens conformément à la Constitution», mais aussi de préserver la dignité d’une profession réglementée, et de défendre l’image d’un pays qui place la qualité des soins au cœur de ses ambitions.