Maroc

Les séries marocaines du Ramadan 2025 sous le feu des critiques

Chaque année, les séries et sitcoms diffusés pendant le mois de Ramadan suscitent de nombreuses critiques. Cette année, les productions marocaines sont particulièrement pointées du doigt. Les sitcoms, loin de faire rire, peinent à captiver le public. Un autre point récurrent est la répétition des mêmes visages et personnages d’une série à l’autre, parfois interprétés de manière stéréotypée, ce qui nuit à la créativité. Les réseaux sociaux regorgent de critiques dénonçant le manque de nouveauté, de variété et de profondeur dans les scénarios. Les spectateurs semblent être perdus face à des personnages qui se ressemblent et se répètent d’une production à l’autre, sans évolution réelle. «On allume la télévision pour écouter des voix marocaines pendant le repas, mais les programmes ternissent l’atmosphère conviviale de ce moment», indique Kenza, une jeune maman casablancaise. «Les sitcoms marocains peinent à susciter le rire, et les comédiens semblent se livrer à des performances qui finissent par les ridiculiser inutilement», ajoute un autre téléspectateur qui préfère regarder des chaînes internationales.

La répétition des mêmes acteurs, souvent confinés à des rôles similaires, a également créé un malaise, ce qui est perçu comme un manque d’innovation. Certains critiques soulignent que cela empêche les comédiens de démontrer toute la richesse de leur talent. Les chaînes de télévision et les producteurs, accusés de privilégier la facilité et les garanties commerciales, continuent de faire appel aux mêmes visages et aux mêmes sociétés de production.

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Abdelkarim Ouakrim, un observateur averti de l’industrie, exprime un constat sévère. Selon lui, les productions marocaines n’ont pas évolué ces dernières années, et les mêmes problèmes persistent, notamment des scénarios faibles, la répétition des mêmes visages et un manque d’originalité dans la comédie. Il souligne que la qualité des performances des acteurs varie énormément d’un interprète à l’autre, et que certains s’enferment dans des rôles stéréotypés.

Au Maroc, le scénario des productions télévisées est souvent perçu comme étant en crise, bien que, dans certains cas, la qualité de la réalisation vienne atténuer cette faiblesse, comme dans «Dem Lmechrouk» et «Rahma», selon certains critiques.

Cependant, certains spectateurs estiment que «Dem Lmechrouk» s’apparente davantage à un drame égyptien, notamment que l’idée initiale de la série provient de l’Égyptienne Hajar Ismael. Néanmoins, l’équipe de la série affirme que le scénario s’inspire de la société marocaine, en soulignant que Hajar vit au Maroc et que le scénario a été co-écrit avec des collaborateurs marocains. «Il est vrai que l’idée de la série vient de la talentueuse Hajar Ismael qui a participé à l’écriture, mais il convient également de rendre hommage au scénariste principal de la série, Amine Ismaïl, qui a précédemment écrit des séries ayant une grande valeur artistique et esthétique, et qui ont eu un profond impact sur la scène artistique.

Il convient, également, de mentionner les contributions de Arabi Ajbar et de Samir Kassiri à l’écriture des épisodes de la série. Le réalisateur de la série, Ayoub Lhanoud, possède une vision et des orientations artistiques marquées, et, à mon avis personnel, il a joué un rôle de chef d’orchestre dans cette œuvre d’art», a réagi le comédien Ayoub Gretaa sur les réseaux sociaux. Selon lui, la preuve de réussite de cette série est le record de plus de 10 millions de vues enregistré dès son premier épisode. Il souligne aussi les choix de réalisation judicieux des scènes, la musique d’accompagnement, et plus encore. «Il y a la cohérence des événements, leur alignement avec les mouvements de la caméra, et leur harmonie avec les expressions et les réactions des acteurs. Quant à ceux qui prétendent que les événements sont déconnectés de notre réalité, je leur dis que ce sont des éléments issus du Maroc, et qu’une partie des événements du scénario a été vécue dans la région de Settat, voire plus encore».

Selon certains critiques, une collaboration entre le Maroc et l’Égypte pourrait offrir une plus grande visibilité aux productions marocaines à l’international. D’autres soulignent que la collaboration arabe est une démarche positive, qui ne peut être que fructueuse, car elle favorise le rapprochement des sociétés arabes et la mutualisation des talents et des ressources.

Parallèlement, la série «Rahma» diffusée sur «MBC5», qui a remporté un vif succès cette année, a captivé les téléspectateurs grâce à sa forte dimension émotionnelle. Le personnage principal, joué par Mouna Fettou, a touché de nombreuses personnes, particulièrement celles qui se reconnaissent dans la lutte de nombreuses femmes marocaines pour soutenir leurs enfants aux besoins spécifiques. La série est rapidement devenue populaire et très recherchée sur le net démontrant qu’une écriture sincère et un traitement réaliste des problèmes sociaux peuvent séduire le public.

Le critique Abdelkarim Ouakrim : «En observant les œuvres dramatiques télévisées marocaines, on remarque une absence totale de vision artistique véritable dans l’écriture»

Les séries marocaines du Ramadan 2025 sous le feu des critiques

Le Matin : Comment évaluez-vous l’évolution de la qualité des productions télévisées marocaines ramadanesques au cours des dernières années ?

Abdelkarim Ouakrim : Malheureusement, il n’y a pas de progrès dans la qualité des productions télévisées marocaines diffusées pendant le mois du Ramadan ces dernières années, y compris cette saison. Nous nous retrouvons à répéter chaque fois les mêmes observations et critiques. Les points faibles restent les mêmes et rien ne change : les scénarios sont très faibles, les mêmes visages d’acteurs reviennent d’une production à l’autre, et la comédie ne porte que le nom, car elle ne respecte pas les véritables standards du genre.

Comment évaluez-vous la performance des acteurs marocains dans les productions de ce Ramadan ?

La performance des acteurs varie d’un acteur à l’autre et d’une actrice à l’autre. Dans la même œuvre dramatique, on trouve un acteur ou une actrice exceptionnel(le), tandis que d’autres jouent de manière stéréotypée, répétant le même style de jeu dans tous leurs rôles. Par exemple, Abdelilah Didane, bien qu’il soit présent dans de nombreuses séries cette année, ce qui est un point négatif et perturbe le spectateur, a une prestation qui varie d’un personnage à l’autre, car il fournit un effort d’interprétation respectueux et ne cherche pas la facilité. De même, des actrices comme Sandia Tajedin, Mouna Fettou… contrastent avec la performance d’autres acteurs et actrices dont le jeu reste figé dans une prestation stéréotypée et répétitive.

La qualité de la performance des acteurs résulte-t-elle d’un manque de compétences personnelles ou d’un défaut de direction et de mise en scène ?

Bien sûr, la nature du personnage et la direction du réalisateur jouent un rôle important dans l’image que l’acteur ou l’actrice renvoie à l’écran. Si le personnage est écrit de manière superficielle et qu’il n’a pas de dimensions psychologiques et sociales, il est impossible pour l’acteur de le jouer correctement, peu importe l’effort qu’il déploie ou ses talents. De plus, la direction et la gestion du réalisateur ont un effet visible sur la performance finale de l’acteur, et lorsque cette direction fait défaut, le rythme de la performance de l’acteur ou de l’actrice en pâtit.

La faiblesse de l’écriture est considérée comme l’un des plus grands problèmes de la fiction télévisée marocaine, selon les observateurs. Pourquoi les chaînes et les producteurs n’ont-ils pas réussi à surmonter cet obstacle jusqu’à présent ?

Je pense qu’il n’y a pas de réelle volonté de la part des chaînes de télévision marocaines et des sociétés de production de faire appel à de véritables scénaristes. Elles préfèrent se tourner vers des personnes qui acceptent des rémunérations dérisoires et qui ne s’opposent à rien, alors qu’il existe de vrais scénaristes qui pourraient apporter quelque chose à l’écriture scénaristique dans la fiction télévisée marocaine, mais ils sont négligés et non sollicités.

De plus, pour améliorer la fiction marocaine, il faudrait adapter des textes littéraires marocains et mondiaux et les transposer à l’écran.

À mon avis, il faudrait ouvrir la possibilité de soumettre des scénarios aux chaînes de télévision et choisir les meilleurs, puis les imposer aux sociétés de production, qui devraient veiller à leur mise en œuvre sans y apporter de modifications majeures.

Quelles sont les principales erreurs commises par les scénaristes ? Pensez-vous qu’il y a une véritable crise de la créativité ?

En observant les œuvres dramatiques télévisées marocaines, on peut remarquer qu’il y a une absence totale de vision artistique véritable dans l’écriture. Les personnages ne sont pas bien écrits au point que l’on puisse croire à leur crédibilité et qu’ils semblent être faits de chair et de sang. On les voit agir sans motivations ni véritables désirs, sans une véritable boussole dramatique. Ainsi, n’importe quel personnage peut accomplir un acte à n’importe quel moment sans préparation préalable ou sans cohérence avec sa propre construction, s’il en a une. En réalité, la plupart des personnages ressemblent à des caricatures, sans ancrage dans la réalité vécue.

Quant aux événements, ils ne sont pas construits de manière rationnelle et cohérente sur le plan dramatique, mais se distinguent par leur caractère chaotique. Il n’existe aucun enchaînement logique et justifié des scènes, et il y a, de surcroît, un étirement injustifié des situations, visant uniquement à remplir les heures et les minutes des épisodes par un non-sens dramatique.

Comment améliorer le niveau de l’écriture dramatique au Maroc ?

Parmi les propositions susceptibles d’améliorer l’écriture dramatique télévisée marocaine, il y a l’ouverture aux talents littéraires et l’attraction d’écrivains issus de la littérature, car il est plus facile pour un écrivain de se lancer dans l’écriture dramatique. En outre, il serait pertinent d’adapter des œuvres littéraires pour les transformer en créations dramatiques.

Avec le temps, il serait également possible d’ouvrir des ateliers d’écriture, sans pour autant en faire la norme, car l’écrivain doit être un auteur de vision. L’œuvre dramatique doit porter sa conception et son regard personnel.

Pensez-vous que la répétition des mêmes visages dans toutes les œuvres dramatiques et comiques nuit à l’expérience de visionnage ?

Bien sûr, la répétition des mêmes visages a un impact négatif sur l’expérience de visionnage. En effet, voir le même acteur ou la même actrice dans des œuvres dramatiques télévisées diffusées successivement crée une confusion chez le spectateur, le rendant moins concentré dans le processus de visionnage.

Y a-t-il des acteurs qui ont réussi à se distinguer malgré leur apparition répétée dans plusieurs œuvres ?

L’unique acteur qui a réussi à se distinguer, malgré sa présence répétée dans plusieurs œuvres dramatiques durant cette saison ramadanesque, est Abdelilah Didane. Cela s’explique par le fait qu’il ne se répète pas et qu’il apporte une véritable dimension aux personnages qu’il incarne, en travaillant sur leur profondeur et en évitant la facilité dans l’interprétation des rôles, contrairement à ce que l’on a pu observer chez d’autres.

Que faudrait-il changer dans les productions télévisées marocaines pour les rendre plus attrayantes et professionnelles ?

Il existe un élément fondamental qui, bien qu’il soit souvent négligé, reste crucial dans le processus de production des séries dramatiques télévisées marocaines. Il s’agit de la collaboration systématique des chaînes de télévision avec les mêmes sociétés de production, au point que ces dernières sont devenues les seules à pouvoir remporter les appels d’offres pour leurs projets, ce qui peut aboutir à une forme de monopole. Cette situation soulève des questions sur la nécessité de garantir une plus grande transparence dans les processus de sélection des sociétés de production et de promouvoir une concurrence équitable.

Comment encourager les jeunes talents et leur donner l’opportunité de s’exprimer sur la scène télévisuelle marocaine ?

Cela devrait effectivement se produire, en ouvrant la porte à la concurrence et en évitant le monopole de certains visages sur la scène dramatique télévisée marocaine. Il est regrettable de constater que même des talents issus de générations différentes sont marginalisés, et que leur potentiel reste malheureusement ignoré.

Quelles œuvres arabes recommandez-vous de regarder pendant le Ramadan 2025 ?

Je suis actuellement trois séries égyptiennes que je trouve acceptables et qui, à mon avis, surpassent toutes les œuvres dramatiques marocaines diffusées en ce moment. Il s’agit de la série «Qalbi wa Miftahahu» réalisée par Tamer Mohsen, «Al-Sharnaka», et «Ikhwati» réalisée par Mohamed Shaker Khodair. Ce sont des séries de 15 épisodes que je recommande vivement.