Maroc

La mort et l’éveil spirituel : Un rappel pour mieux vivre

La mort n’est pas une tragédie, mais une réalité inscrite dans l’ordre naturel des choses. Elle est la grande égalisatrice, celle qui efface les distinctions sociales, les ambitions démesurées et les illusions que l’on se construit sur notre propre importance. C’est elle qui donne du poids à nos choix, qui nous rappelle que chaque instant a une valeur. Celui qui vit en l’oubliant risque de s’éparpiller dans des futilités, alors que celui qui l’intègre se recentre sur l’essentiel.

Vivre en harmonie avec les autres : la sagesse des relations humaines

Al-Ghazali nous met en garde : la véritable perte n’est pas de mourir, mais d’arriver à la fin sans avoir compris pourquoi l’on a vécu. L’oubli de la mort pousse l’être humain à l’insouciance, à l’accumulation, à la dispersion dans des désirs sans fin. Il compare cette quête insatiable à un homme qui boirait de l’eau salée : plus il en boit, plus sa soif grandit. Ce n’est que lorsqu’il réalise que la source de son malheur réside dans cette consommation excessive qu’il peut enfin retrouver la sérénité.

Se rappeler notre finitude ne signifie pas vivre dans l’angoisse, mais au contraire, mieux apprécier ce que nous avons. La conscience de la mort est une invitation à interroger le sens de notre existence. Si ma vie s’arrêtait demain, aurais-je vécu selon mes valeurs ? Ai-je accordé trop d’importance à ce qui, en réalité, n’en a pas ? Que restera-t-il de moi au-delà de ma propre existence ? Ces questions ne sont pas de simples exercices philosophiques, elles sont essentielles pour qui veut donner un sens profond à son passage sur terre.

Al-Ghazali insiste sur l’importance de vivre avec conscience, non pas en se détournant du monde, mais en faisant des choix alignés avec une quête d’élévation intérieure. Il rappelle que l’être humain est souvent prisonnier de ses habitudes et de ses attachements matériels, comme un voyageur qui s’installe dans une auberge en oubliant qu’il est censé poursuivre sa route. Celui qui se rappelle que son séjour est temporaire agit différemment : il ne gaspille pas son temps, il ne s’accroche pas à des illusions, il se concentre sur l’essentiel.

La mort, selon lui, est un passage et non une fin. Elle marque la transition entre ce qui est visible et ce qui est plus grand que nous. S’y préparer, ce n’est pas se retirer du monde, mais vivre de manière à ne rien regretter. Il ne s’agit pas de craindre l’au-delà, mais de construire, par nos actes et nos intentions, un héritage qui nous survivra. Car la véritable postérité n’est pas dans les richesses accumulées ou les honneurs reçus, mais dans le bien que l’on a semé, dans la sagesse que l’on a transmise, dans les cœurs que l’on a touchés.

Cette prise de conscience transforme la manière dont on envisage le quotidien. Elle invite à privilégier la qualité à la quantité, à choisir ce qui enrichit l’âme plutôt que ce qui la distrait. Elle pousse à la simplicité, non par ascétisme, mais par lucidité : l’accumulation matérielle, si elle n’est pas mise au service d’une cause plus grande, est une charge plus qu’un bénéfice.

Mais cette réflexion sur la mort ne doit pas nous isoler ou nous rendre passifs. Au contraire, elle est une impulsion pour mieux vivre, pour intensifier notre présence à chaque instant, pour aimer plus sincèrement, pour être plus justes dans nos relations, plus généreux dans nos actes. La conscience de la finitude nous rappelle que nous ne sommes que de passage, et que chaque jour est une opportunité précieuse d’apprendre, de grandir et de nous élever.

Et c’est bien là la clé du bonheur selon Al-Ghazali : faire de chaque jour une occasion de se transformer, d’apprendre, d’aimer et de grandir.

Dans le prochain et dernier article, nous verrons comment appliquer cette sagesse au quotidien et prolonger ce cheminement intérieur : le bonheur, une quête de chaque instant.