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Jeux vidéo : Les artistes craignent la fin de partie avec l’IA générative.

Selon une étude de la start-up américaine Totally Human Media, près de 20% des titres publiés en 2025 sur la plateforme de vente Steam ont intégré l’IA générative dans leur développement. Mike Cook, concepteur de jeux et enseignant en IA au King’s College London, estime que l’IA générative est encore rarement visible dans le produit final.


Des personnages hyperréalistes et des univers virtuels créés sur simple demande : bien que les outils d’intelligence artificielle (IA) générative promettent des jeux vidéo plus ambitieux et moins coûteux à produire, ils suscitent des inquiétudes parmi les artistes et les développeurs.

« Le doublage, les illustrations, le code… l’IA générative est déjà beaucoup plus utilisée qu’on ne le pense, mais à très petite échelle », indique Mike Cook, concepteur de jeux et enseignant en IA au King’s College London, qui estime que son utilisation reste encore rare dans les produits finaux.

D’après une étude de la start-up américaine Totally Human Media, environ 20 % des titres publiés en 2025 sur la plateforme de vente Steam auront intégré l’IA générative dans leur développement. Cela représente plusieurs milliers de jeux ces dernières années, y compris des titres très populaires comme « Call of Duty: Black Ops 6 » et la simulation de vie « Inzoi ».

Le consultant en IA Davy Chadwick estime que le développement rapide de l’IA générative devrait permettre de « fusionner plusieurs rôles en un seul en étant assisté par ces outils » et « booster 30 à 40 % de la production ».

Les technologies progressent rapidement : il existe désormais des logiciels capables de générer sur simple demande textuelle des éléments en 3D, tels que des objets ou des personnages, directement intégrables dans un jeu.

« Auparavant, créer un modèle 3D de haute qualité prenait deux semaines et coûtait 1 000 dollars. Aujourd’hui, ça ne prend qu’une minute et 2 dollars », explique Ethan Hu, fondateur de l’entreprise californienne Meshy.ai, qui revendique plus de cinq millions d’utilisateurs.

Avec un partenariat établi avec la start-up Stability AI et le développement de « Muse », son propre modèle pour Microsoft, l’industrie culturelle, qui représente près de 190 milliards de dollars de revenus estimés en 2025 selon le cabinet Newzoo, a vu ses acteurs majeurs multiplier les investissements dans l’IA ces dernières années.

L’objectif est d’améliorer leur productivité tout en « réduisant les coûts et le temps de développement », précise Tommy Thompson, fondateur de la plateforme « AI and Games ». Cependant, dans un secteur ayant connu récemment des vagues de licenciements, « il y a beaucoup de méfiance et de crainte » concernant un outil qui pourrait rendre les travailleurs « plus productifs » mais entraîner des pertes d’emplois, s’inquiète un employé d’un studio français, qui préfère rester anonyme.

Concernant la création 3D, cet employé déplore que « les objets générés par ce type d’IA soient extrêmement chaotiques » et peu optimisés pour un jeu vidéo. « C’est franchement rédhibitoire à l’heure actuelle » car « cela prend autant de temps à retravailler qu’à créer ».

Ces préoccupations incitent les grandes entreprises du secteur à rester discrètes sur l’intégration de l’IA générative dans leurs projets. Microsoft, Electronic Arts, Ubisoft et Quantic Dream ont tous refusé de commenter lorsque l’AFP les a sollicités.

Pour Félix Balmonet, cofondateur de Chat3D, une start-up lyonnaise de génération d’images 3D travaillant avec « deux des cinq plus gros studios au monde », l’objectif de ces logiciels n’est pas de remplacer les artistes, mais de « permettre d’accélérer leur processus de création » en automatisant certaines tâches laborieuses.

L’utilisation de l’IA deviendra-t-elle bientôt incontournable ? « Pour notre prochain jeu, il va falloir qu’on se pose la question de l’utilisation » de ces outils, confie anonymement un directeur de studio français qui vient de terminer un projet de plusieurs années « sans IA » et se déclare « personnellement contre ». La plupart des éditeurs et investisseurs interrogés par l’AFP ont déclaré ne pas considérer l’IA comme un critère lors du financement d’un jeu.

« Il faut faire preuve de prudence quant à son utilisation », souligne Piotr Bajraszewski, responsable du développement commercial du studio polonais 11 Bit Studios. Son dernier projet, « The Alters », sorti en juin, a été critiqué par les joueurs en raison de la présence de textes générés par l’IA, sans que cela n’ait été mentionné au préalable. Le studio a évoqué un simple « oubli » d’un élément « temporaire », mais cela démontre l’attention que certains joueurs portent au travail des créateurs.