Maroc

Intelligence artificielle : révolution silencieuse dans les universités marocaines

L’intelligence artificielle n’est pas une simple discipline parmi d’autres : c’est le prisme à travers lequel se redéfinissent les missions fondamentales de l’enseignement supérieur. Aussi, il devient urgent et nécessaire pour les établissements de l’enseignement d’intégrer des programmes de formation spécialisés en IA et en science des données, et ce pour répondre à une demande exponentielle de compétences. D’ailleurs c’est l’une des recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son avis sur «Quels usages et quelles perspectives de développement de l’intelligence artificielle au Maroc ?», publié en juin 2024. Dans cet avis, l’IA est identifiée comme un levier essentiel pour améliorer des services tels que l’éducation, en les rendant plus accessibles, efficaces et personnalisés.

L’IA dans l’enseignement supérieur : Des pas réfléchis dans un paysage en mutation

Ainsi, le CESE recommande «d’intégrer systématiquement la formation en IA dans l’offre éducative nationale et de renforcer les programmes d’enseignement supérieur en IA dans les universités et écoles spécialisées. En parallèle, combler le manque de formateurs en proposant aux profils scientifiques, tels que les mathématiciens, une formation spécialisée en IA». Il est aussi question d’encourager la recherche sur l’intelligence artificielle dans toutes les disciplines à l’université, sans occulter les sciences sociales et humaines, compte tenu de l’impact de l’IA, non seulement technologique, mais également économique, juridique ou sociétal. Cela dit, il faut bien reconnaître, même si ce n’est pas encore au bon rythme, qu’au Maroc, certains établissements d’enseignement supérieur sont en pleine mutation et commencent à proposer des programmes de formation en IA pour répondre à la demande croissante du marché de l’emploi. En effet, l’IA est devenue une technologie clé dans de nombreux secteurs, notamment la santé, la finance, l’industrie et les services. Les entreprises ont besoin de professionnels qui possèdent des compétences en IA pour développer et mettre en œuvre des solutions innovantes. Les établissements d’enseignement supérieur peuvent donc proposer des programmes de formation en IA pour répondre à cette demande.

Ils investissent de plus en plus dans la recherche et le développement de nouvelles technologies et applications de l’IA, ce qui pourrait générer des revenus supplémentaires. Certains de ces établissements arrivent à établir des partenariats avec des entreprises qui utilisent l’IA, ce qui pourrait générer des revenus supplémentaires et des opportunités de recherche.

L’adoption de l’IA a plusieurs avantages indéniables. Cette technologie peut aider les établissements d’enseignement supérieur à réduire les coûts en automatisant certaines tâches administratives et en améliorant l’efficacité des processus. Par exemple, l’IA peut être utilisée pour automatiser la gestion des inscriptions, la gestion des notes, etc.

Les établissements d’enseignement supérieur peuvent également générer des revenus supplémentaires en développant et en commercialisant de nouvelles technologies et applications de l’IA. Par exemple, ils peuvent développer des solutions de formation en ligne qui utilisent l’IA pour personnaliser l’apprentissage, des outils de diagnostic qui utilisent l’IA pour aider les étudiants à identifier leurs besoins en matière de formation, etc. Ils peuvent également améliorer la qualité de l’enseignement en intégrant les nouvelles technologies et applications de l’IA dans les programmes de formation. Par exemple, ils peuvent utiliser l’IA pour créer des simulations de réalité virtuelle qui permettent aux étudiants de pratiquer des compétences pratiques dans un environnement sécurisé.

Vers de nouveaux modèles de formation

Selon le rapport de l’UNESCO «Intelligence artificielle dans l’éducation : Promesses et implications pour l’enseignement et l’apprentissage» (2019), qui traite du rôle de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur éducatif, l’IA peut permettre la création de nouveaux modèles de formation, tels que des cours en ligne personnalisés et des programmes de formation à distance. Les cours en ligne personnalisés peuvent utiliser l’IA pour adapter le contenu et le rythme de la formation aux besoins individuels de chaque étudiant. Les programmes de formation à distance peuvent utiliser l’IA pour fournir des conseils et un soutien personnalisés aux étudiants qui étudient à distance. Les étudiants peuvent également avoir accès à des ressources en ligne, telles que des vidéos, des podcasts, des forums de discussion…Le rapport estime également que l’IA permet la création de nouveaux types de diplômes, tels que des diplômes en ligne qui reconnaissent les compétences acquises par les étudiants à travers des expériences de formation non traditionnelles.

Défis et opportunités

Sur ce point, il faut noter que de nombreux établissements d’enseignement au Maroc, notamment les établissements publics, manquent des infrastructures technologiques nécessaires pour adopter pleinement l’IA, notamment en matière d’accès à Internet et d’équipements informatiques. À cela s’ajoute le manque de personnel qualifié et formé aux nouvelles technologies et à l’IA dans le secteur éducatif. La formation des enseignants à l’utilisation de l’IA est cruciale pour son efficacité. Pour rester compétitifs et répondre aux besoins changeants des étudiants, de l’économie et du marché du travail, les établissements d’enseignement supérieur devront investir dans l’IA et la formation des enseignantss à utiliser cette technologie de manière efficace dans leur enseignement et leur recherche. Selon le rapport du CESE sur «Les défis de l’enseignement supérieur au Maroc», qui met en lumière les défis concernant l’intégration des nouvelles technologies dans l’enseignement supérieur au Maroc, la formation du personnel est nécessaire. À noter égalment que la «Stratégie nationale de l’intelligence artificielle-Maroc 2020» et le «Rapport sur l’Éducation au Maroc» de la Banque Mondiale (2018), l’implémentation de solutions basées sur l’IA nécessite des investissements importants, ce qui peut poser un défi pour les établissements à budget limité, en particulier dans les régions défavorisées. À cela s’ajoute la réticence de certains enseignants à cause d’un manque de compréhension des avantages de l’IA ou d’une peur de l’automatisation des processus pédagogiques.

Bien entendu, les établissements d’enseignement supérieur devront également prendre en compte les questions éthiques et de responsabilité liées à l’utilisation de l’IA dans l’enseignement et la recherche. Ils doivent aussi être conscients des risques potentiels liés à l’utilisation de l’IA, tels que la perte d’emplois, la dépendance à l’égard de la technologie…

Le Maroc à l’heure de l’IA

Certaines écoles d’ingénieurs et universités marocaines commencent à intégrer des programmes en IA et en data science. À tire d’exemple, on peut citer l’Institut national des Postes et Télécommunications (INPT) et l’Université Mohammed VI Polytechnique.

L’INPT propose un master en IA et en data science qui vise à former des professionnels capables de concevoir et de mettre en œuvre des solutions d’IA pour résoudre des problèmes complexes dans différents domaines.

L’Université Mohammed VI Polytechnique a également créé un centre international d’intelligence artificielle, appelé «Ai Movement», qui vise à développer des solutions innovantes en IA pour résoudre des problèmes dans différents domaines. Le centre a pour objectif de favoriser l’émergence d’un savoir-faire marocain en intelligence artificielle et en sciences des données.

Le Maroc a également lancé plusieurs initiatives pour promouvoir l’utilisation de l’IA dans différents secteurs, notamment l’industrie, la santé, l’éducation. Le gouvernement marocain a aussi mis en place des programmes pour former des professionnels en IA et en data science, notamment le programme «Maroc Digital» qui vise à former 10.000 professionnels en IA et en data science d’ici 2025.

Ce n’est pas tout. Le Royaume a créé un écosystème entrepreneurial pour l’IA, avec des startups et des entreprises qui développent des solutions innovantes en IA pour résoudre des problèmes dans différents domaines. Ceci en plus de la mise en place des infrastructures pour soutenir l’utilisation de l’IA, notamment des centres de données et des réseaux de communication à haute vitesse.

Des stratégies nationales pour le développement des compétences en IA

Le développement rapide de l’intelligence artificielle (IA) et des technologies qui en découlent a révélé un manque significatif de compétences dans ce domaine. En réponse, de nombreux pays ayant élaboré des stratégies nationales en IA ont placé le développement des compétences au cœur de leurs priorités. Ce besoin est d’autant plus pressant face aux changements sociaux anticipés, notamment la reconfiguration des métiers et des secteurs économiques, résultant de l’adoption croissante de l’IA. Par conséquent, des plans nationaux encouragent également des initiatives de reconversion professionnelle. Dans son avis, le CESE en cite plusieurs. Ainsi, le Canada incarne parfaitement cette démarche avec sa stratégie pan-canadienne en IA. Celle-ci vise à synchroniser les efforts des universités, des gouvernements et des acteurs industriels afin de développer les compétences nécessaires dans le secteur de l’IA. Cette coopération interdisciplinaire est cruciale pour combler le fossé entre la formation académique et les attentes concrètes du marché du travail.

De manière similaire, la France a lancé son « plan national pour l’intelligence artificielle », qui comprend des programmes de formation et de reconversion professionnelle visant à répondre à la demande croissante de talents dans le domaine de l’IA. En favorisant des partenariats entre entreprises, établissements d’enseignement supérieur et centres de recherche, la France s’efforce d’adapter ses programmes de formation aux besoins évolutifs du marché tout en capitalisant sur ses capacités en recherche et développement pour transformer ce potentiel en réussite économique.

Pour sa part, la Chine a introduit le «plan de développement de l’IA pour une nouvelle génération», qui met l’accent sur la recherche, l’innovation et la formation à grande échelle en IA. Ce plan aspire à former un vaste réservoir de talents capable de soutenir les ambitions du pays en matière d’innovation technologique et de positionnement en tant que leader mondial dans le domaine de l’IA.

Entretien avec le président de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès

Mustapha Ijjaali : «L’adoption de l’IA dans l’enseignement supérieur est déjà une réalité»

Intelligence artificielle : révolution silencieuse dans les universités marocaines

Le Matin : Dans quelle mesure l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans l’enseignement supérieur est-elle inévitable, et quels sont les besoins en matière de régulation ?

Mustapha Ijjaali : L’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans l’enseignement supérieur est quasi inévitable, voire déjà une réalité, pour plusieurs raisons structurelles, technologiques et socio-économiques. L’intelligence artificielle est en train de bouleverser le marché de l’emploi. Plusieurs experts prédisent que jusqu’à 300 millions d’emplois à temps plein pourraient être automatisés à travers le monde, dans les prochaines années, et ce en raison de la dernière vague de l’IA. Le marché mondial de l’IA pourrait générer un chiffre d’affaires de plus de 500 milliards de dollars d’ici 2028, avec une croissance spectaculaire dans les segments de l’apprentissage automatique et de la robotique basée sur l’IA.

L’Université est plus que jamais appelée à prendre en compte les progrès spectaculaires et le déploiement des technologies d’intelligence artificielle dans tous les volets relevant de ses missions : formation, recherche scientifique, innovation… Son adoption doit intégrer les opportunités et les résistances au niveau de la pédagogie pure (méthodes d’apprentissage et d’évaluation…) et tenir compte des volets éthique, transparence, gestion des données personnelles, propriété intellectuelle… La question posée est «comment» l’intégrer de manière responsable.

Quel est l’état actuel de l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur au Maroc, et quels sont les défis à relever ? Quid de l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès ?

La stratégie du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation vise à mobiliser tous les acteurs pour réussir l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur. Elle s’inscrit dans la dynamique et la volonté nationale de dynamiser le secteur de l’IA.

L’université marocaine dispose d’un potentiel d’enseignants chercheurs qui œuvrent à dispenser une formation et à développer une recherche scientifique orientée vers les technologies de l’IA. Elle s’appuie sur un fort réseau de partenaires internationaux. L’université est amenée à former des générations en mesure de maîtriser l’IA et non pas la subir.

L’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès (USMBA) propose des filières de Master et d’Ingénieur d’État en adéquation avec les besoins du secteur. Les filières proposées abordent des domaines tels que: Intelligence Artificielle et Confiance Numérique, Ingénierie en Science de Données et Intelligence Artificielle, Ingénierie Logicielle et Intelligence Artificielle, Systèmes Embarqués et Intelligence Artificielle, Ingénierie des Systèmes Embarqués et Robotique, Systèmes intelligents et Big Data, Machine Learning Avancé et Intelligence Multimédia…

Au niveau de la recherche scientifique, 22 laboratoires de recherche développent des activités directement liées à l’IA. Leurs activités couvrent plusieurs champs disciplinaires et offrent des domaines d’application très larges : santé, systèmes d’apprentissage, …

Les défis à relever sont étroitement liés aux coûts des ressources technologiques (Serveurs, clouds,…) et leur sécurisation. Les efforts de mutualisation entre les différentes universités contribueront à relever ces défis. La création de réseaux de chercheurs aux niveaux régional et national permettra davantage d’échanges et de partage des résultats des activités de recherche. Il donnera lieu des possibilités de développement et de déploiement d’applications de l’IA dans divers domaines.

Les étudiants sont-ils plus enclins à adopter les technologies d’IA que les enseignants et les administrateurs ? Si oui, pourquoi ?

Les étudiants (Digital natives) sont habitués aux smartphones et aux outils numériques. Ils perçoivent l’IA (outils : ChatGPT, MidJourney, etc.) comme une extension naturelle de leur environnement. Pour les étudiants, le défi à relever est lié à l’accès au matériel informatique et à l’internet. La mise en place de formations et d’ateliers sur les opportunités offertes par l’IA devrait permettre de combler le fossé qui existe en les générations. Il devient urgent d’investir dans l’éducation à l’IA et de rendre ses outils accessibles à tous. C’est un enjeu économique et sociétal.

Quelles sont les stratégies mises en place par l’université pour promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat parmi les étudiants et les chercheurs ?

Outre l’offre de formation proposée, la Cité de l’Innovation de l’USMBA œuvre à promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat. Un programme annuel est élaboré et validé en concertation avec nos partenaires. La cité propose des ateliers, des compétitions, des Hackathons aminés par des acteurs socio-économiques et des enseignants chercheurs. La Cité de l’innovation met au profit des étudiants son réseau de partenaires et de collaborations nationales et internationales. Elle offre des possibilités d’incubation de projets de création d’entreprises innovantes. Actuellement, plusieurs Startups sont hébergées et travaillent dans le domaine du numérique.

Comment votre établissement compte-t-il renforcer ses partenariats avec les universités étrangères et les entreprises pour offrir des opportunités de mobilité et de recherche aux étudiants et aux enseignants-chercheurs ?

L’Université a signé plus de 160 conventions de coopération cadre avec des universités et institutions internationales. Ce réseau de partenariats contribue au rayonnement de l’université et offre des possibilités de mise en place de projets ambitieux dans des domaines porteurs tels que l’IA. L’USMBA a mis en place un dispositif d’encouragement de la mobilité internationale des enseignants chercheurs et des doctorants. Les projets financés dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale viennent soutenir ce dispositif.

Quelles sont les prévisions pour l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur pour la rentrée universitaire 2025, tant dans le secteur public que privé ?

À travers les 25 filières toutes orientées IA et ses applications, dispensées dans ses facultés et écoles, l’USMBA a l’ambition de contribuer de belle manière à cette dynamique nationale. Cinq de ses établissements contribuent au contrat programme lancé par notre Ministère de tutelle, qui vise le renforcement des talents Digitaux à l’horizon 2027.

Les activités de recherche développées par les 22 laboratoires, qui œuvrent dans le domaine de l’IA, constituent une source de production scientifique de qualité et d’innovation. Notre ambition est que les résultats des travaux de recherche de nos laboratoires soient également valorisés par le dépôt de brevets et la création d’entreprises innovantes (startups).

Comment l’investissement dans l’IA peut-il contribuer à la création d’un nouveau modèle économique pour les établissements d’enseignement supérieur ?

L’intégration stratégique de l’IA dans l’enseignement supérieur servira de levier pour créer un nouveau modèle économique, en transformant les établissements en acteurs innovants et compétitifs en générant de la valeur et en ouvrant des perspectives financières durables.

Entretien avec le président de l’Université Mohammed V de Rabat

Pr. Mohamed Rhachi : «Nous avons fait évoluer nos programmes pour qu’ils reflètent les compétences nécessaires dans un monde où l’IA joue un rôle de plus en plus important»

Intelligence artificielle : révolution silencieuse dans les universités marocaines

Pr. Mohamed Rhachi

Le Matin : Quels sont les principaux défis que rencontre l’université dans l’adoption de l’IA dans ses pratiques pédagogiques et comment comptez-vous les surmonter ?

Pr. Mohammed Rhachi : L’intégration de l’IA dans nos pratiques pédagogiques est une aventure passionnante, mais elle n’est pas sans défis. Par exemple, nous devons faire face à un manque de ressources technologiques et à la nécessité de former nos enseignants et étudiants à ces nouveaux outils. Il y a aussi une certaine réticence au changement, ce qui est tout à fait normal quand on bouscule des habitudes bien ancrées. Sans oublier les questions éthiques, comme la protection des données ou les biais potentiels des algorithmes.

Pour surmonter ces obstacles, nous misons sur plusieurs leviers, principalement : sensibiliser, coopérer nationalement et internationalement et investir dans des infrastructures modernes, organiser des formations pour accompagner notre communauté. Nous voulons aussi créer un cadre éthique solide pour que l’IA soit utilisée de manière responsable et équitable. C’est un travail d’équipe, et nous avançons pas à pas.

Comment l’université adapte-t-elle ses méthodes d’enseignement pour répondre aux défis posés par l’IA ? Y a-t-il des initiatives spécifiques pour intégrer l’IA dans les programmes académiques ?

Nous essayons de rester à l’écoute des évolutions technologiques et de les intégrer de manière réfléchie dans nos méthodes d’enseignement. Par exemple, nous explorons des outils d’apprentissage adaptatif qui permettent de personnaliser les parcours des étudiants en fonction de leurs besoins. Nous avons aussi commencé à introduire des cours sur l’IA dans plusieurs filières, pas seulement en informatique, mais aussi en sciences sociales, en gestion, et même en médecine. Nous avons également lancé des initiatives concrètes, comme la création de laboratoires de recherche dédiés à l’IA et l’organisation d’événements pour stimuler l’innovation, comme des hackathons. L’idée est de donner à nos étudiants et enseignants les moyens de s’approprier ces technologies et de les utiliser de manière créative.

Est-ce que les programmes de formation à l’Université Mohammed V de Rabat ont évolué pour inclure des compétences liées à l’IA ? Si oui, comment cela se manifeste-t-il ?

Absolument ! Nous avons fait évoluer nos programmes pour qu’ils reflètent les compétences nécessaires dans un monde où l’IA joue un rôle de plus en plus important. Par exemple, nous avons introduit des cours sur l’intelligence artificielle, le machine learning et la science des données dans plusieurs filières. Nous avons aussi créé des diplômes spécialisés pour ceux qui veulent approfondir ces domaines. Mais ce n’est pas tout : nous encourageons nos étudiants à appliquer ces connaissances dans des projets concrets, que ce soit à travers des stages, des travaux de recherche ou des collaborations avec des entreprises. L’objectif est de leur donner une expérience pratique qui les prépare aux défis du marché du travail.

Comment voyez-vous l’évolution de l’enseignement supérieur dans les 10 à 15 prochaines années avec l’IA ? Quelles sont les grandes orientations stratégiques pour l’université à cet égard ?

Je crois que l’IA va profondément transformer l’enseignement supérieur dans les années à venir. Imaginez des cours sur mesure, adaptés au rythme et aux besoins de chaque étudiant, ou des outils qui permettent aux enseignants de se concentrer sur ce qu’ils font de mieux : inspirer et guider. L’IA pourrait aussi faciliter la collaboration entre universités du monde entier, ouvrant des perspectives incroyables pour nos étudiants et chercheurs. Chez nous, à l’Université Mohammed V de Rabat, nous voulons être acteurs de cette transformation. Notre stratégie repose sur trois piliers : renforcer nos infrastructures numériques, développer des partenariats internationaux pour rester à la pointe de l’innovation, et encourager la recherche appliquée pour répondre aux besoins de notre société. Nous voulons que nos étudiants soient non seulement prêts pour l’avenir, mais aussi capables de le façonner.

Quel est votre plan d’action pour la rentrée prochaine ?

L’Université Mohammed V de Rabat s’engage résolument à intégrer l’intelligence artificielle graduellement dans ses programmes académiques et de recherche, visant à renforcer l’innovation et la compétitivité nationale. Ces initiatives visent à positionner l’université comme acteur clé dans le domaine de l’intelligence artificielle au Maroc; et ce, dans les domaines de :

– L’éthique et la gouvernance : En l’absence d’une règlementation en la matière, un premier chantier de réflexion consistera à mettre à niveau la politique de

l’Université pour encadrer l’utilisation de ces technologies, en matière d’impact de l’IA, de manière à garantir un environnement qui protège toutes les parties prenantes de notre écosystème (enseignants chercheurs, étudiants, administratifs, partenaires et usagers).

– La formation : Il s’agit tout d’abord de vulgariser l’IA et ses usages, en mettant à disposition des cours en ligne gratuits, permettant de former un large public aux

bases de l’IA. Il s’agit également d’encourager de plus en plus les formations interdisciplinaires, combinant des compétences en informatique, en éthique, en

droit et en sociologie pour préparer des experts capables de répondre aux défis globaux de l’IA.

– La recherche scientifique : L’Université Mohammed V de Rabat compte s’engager dans un axe nouveau prônant une intelligence artificielle orientée vers notre contexte local et régional. À titre d’exemple, il s’agit d’adapter les modèles qui tournent à l’international vers le contexte local et régional. Ce sera une recherche appliquée, de sorte à pouvoir la tester, à «ciel ouvert», en faisant de l’Université elle-même son champ d’essai, et le contexte préalable à son application dans le contexte de sa région.

L’université Mohammed V de Rabat ambitionne ainsi de créer des solutions innovantes en intelligence artificielle pour transformer les défis locaux en opportunités nationales, régionales et même mondiales.

Propos recueillis par Najat Mouhssine