IA : une enquête révèle que les géants de la tech siphonnent la ‘totalité de la musique mondiale’
John Phelan, directeur général de l’International Confederation of Music Publishers (ICMP), dénonce que « les plus grandes entreprises technologiques mondiales ainsi que des entreprises spécialisées dans l’IA » se livrent à « la plus grande violation de droits d’auteur jamais observée ». Selon l’ICMP, la musique 100% générée par intelligence artificielle représente 28% des contenus mis en ligne chaque jour sur Deezer.
« Les plus grandes entreprises technologiques mondiales, ainsi que des sociétés spécialisées dans l’IA comme OpenAI, Suno, Udio et Mistral, sont accusées de commettre la plus grande violation de droits d’auteur jamais observée », a dénoncé John Phelan, directeur général de l’International Confederation of Music Publishers (ICMP), auprès de l’AFP.
Depuis près de deux ans, cette organisation internationale d’éditeurs musicaux, basée à Bruxelles et regroupant des majors et de gros labels indépendants, a mené une enquête sur les façons dont les services d’intelligence artificielle (IA) générative se nourrissent. Ses résultats, publiés le 9 septembre dans le média musical Billboard, reposent sur des ressources en ligne, des documents révélés, des études de modèles de ces IA et des analyses par des experts.
L’ICMP affirme que l’IA générative n’est pas problématique tant qu’elle est « conforme à la loi », citant l’exemple de l’éditeur de musique Kobalt, qui a annoncé en août avoir conclu un accord avec Eleven Music, une plateforme de génération de morceaux par IA. Cependant, « la violation des droits d’auteur est un vol », insiste M. Phelan, ajoutant que ces pratiques se font « à des fins commerciales ».
Interrogés par l’AFP, OpenAI n’a pas souhaité commenter, tandis que Google, Mistral, Suno et Udio n’ont pas répondu. Pour collecter des fichiers audio, les entreprises mises en cause dans l’enquête auraient recours au « scraping » du web, une méthode qui utilise des robots d’indexation, c’est-à-dire des programmes conçus pour explorer automatiquement Internet, selon l’ICMP. Cette dernière précise qu’elles « pensent » que ces sociétés s’approvisionnent à partir de services sous licence tels que YouTube (détenu par Google) et d’autres sources numériques, comme des plateformes musicales.
Les paroles sont aspirées pour alimenter certains modèles, selon l’ICMP, qui évoque l’agent conversationnel chinois DeepSeek, reproduisant les chansons de Sabrina Carpenter et d’Edith Piaf, ou celles de Taylor Swift et d’Aya Nakamura sur Gemini, l’assistant IA de Google. Les générateurs comme Suno et Udio peuvent également produire des morceaux dont les voix, mélodies et styles musicaux imitent ceux d’artistes originaux tels que les Beatles, Mariah Carey, Depeche Mode ou les Beach Boys, d’après l’organisation.
Face à ce bouleversement, les ayants droit réclament une régulation renforcée, notamment à travers le règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA Act), afin d’obtenir de la transparence sur les données utilisées et de garantir leurs revenus. « Il est essentiel de comprendre l’ampleur de la menace qui pèse sur les auteurs, compositeurs et éditeurs », avertit Juliette Metz, présidente de la Chambre syndicale des éditeurs de musique et membre de l’ICMP. « Il ne peut y avoir d’utilisation de musique protégée par le droit d’auteur sans licence », rappelle-t-elle.
Aux États-Unis, la start-up Anthropic, à l’origine de l’IA Claude, a annoncé le 6 septembre avoir accepté de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d’indemnisation pour les auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l’entreprise pour avoir illégalement téléchargé des millions de livres. De son côté, la Recording Industry Association of America, une organisation interprofessionnelle américaine, a intenté en juin 2024 une action en justice contre Suno et Udio. Un an après, sans avancées notables, les trois majors Universal, Warner et Sony ont commencé des négociations avec ces entreprises dans le but d’aboutir à un accord de licence.
Les géants de la technologie se prévalent souvent du « fair use », une exception au droit d’auteur qui permet, dans certaines conditions, l’utilisation non consentie d’une œuvre. Cependant, la musique générée à 100 % par intelligence artificielle commence à s’imposer sur les plateformes de streaming. Selon la plateforme française Deezer, elle représente 28 % des contenus mis en ligne chaque jour, une augmentation notée mi-septembre, liée à des « activités frauduleuses ».

