Maroc

Hassan Benaddi : le salut passe par une coalition PAM-Istiqlal, sans le RNI

Le gouvernement «semble à bout de souffle», face à une situation sociale de plus en plus critique, affirme sans détour à Hassan Benaddi, membre fondateur du Parti authenticité et modernité (PAM) et analyste politique. Lors de son passage à l’émission «L’Info en Face», diffusée sur Matin Tv le 26 février, il a alerté quant à la lassitude grandissante de la population, notamment au sein de la société civile, des intellectuels et des influenceurs. Un constat qui révèle, selon lui, un profond malaise au sein de la classe politique marocaine. Dans cette interview, M. Benaddi a pointé les échecs du gouvernement et a plaidé pour une révision des pratiques politiques, un retour aux fondamentaux et un renouvellement des partis pour redonner espoir aux citoyens.

Un gouvernement dans le déni et en manque de cohérence

Pour l’invité, la majorité des Marocains, qu’ils soient de la société civile, du monde intellectuel ou de la classe ouvrière, expriment un rejet croissant du gouvernement actuel. «Le gouvernement a échoué à apporter des solutions concrètes, et ce sentiment ne fait que s’amplifier», a-t-il affirmé. Pour lui, cette situation ne doit pas être vécue comme une fatalité, mais plutôt comme un signal d’alarme appelant à revoir les pratiques politiques et à prendre des décisions courageuses.

Le gouvernement, dirigé par le Rassemblement national des indépendants (RNI), peine à adopter une ligne d’action cohérente, estime l’invité, jugeant peu probable un changement de cap significatif. «Il est très difficile d’imaginer ce gouvernement opérer un véritable revirement», a-t-il estimé. Selon lui, bien que la coalition de la majorité dispose encore de quelques mois de manœuvre, l’impasse persistera si aucune réorientation majeure n’est engagée. «Le RNI et son approche font l’impasse sur les véritables problèmes du pays», a-t-il déploré, ajoutant que certaines décisions ont même altéré les prestations de certaines institutions clés. «Ils ont attaqué des organismes essentiels, comme le Haut-Commissariat au Plan, ce qui prouve qu’ils ne sont pas prêts à affronter la réalité !»

Le défi de la crédibilité et du renouvellement au PAM

Quant au Parti authenticité et modernité (PAM), malgré son rôle central dans l’histoire politique récente, pour M. Benaddi, il doit impérativement se remettre en question. «Le PAM, fondé sur des valeurs précises, semble aujourd’hui avoir renié ses principes», a-t-il déploré. Certes, «J’ai été le premier secrétaire général du PAM, et bien que je ne sois pas en quête d’un poste, je continue de défendre les principes du parti et l’avenir du pays», a-t-il fait remarquer.

Nizar Baraka dénonce publiquement la cherté de la vie, un coup à la coalition de la majorité ?

À l’heure où le pouvoir d’achat des Marocains est mis à rude épreuve, la question de la cherté de la vie s’impose comme un enjeu politique majeur. Les partis de différentes obédiences ne peuvent de ce fait s’empêcher de surfer sur la vague pour se mettre en posture du défenseur de la veuve et de l’orphelin. Dénonçant tour à tour la hausse vertigineuse des prix, la spéculation ou encore l’inaction du gouvernement, ils entendent ainsi gagner en popularité à l’approche des élections de 2026. Mais cette démarche paraît logique pour les formations de l’opposition, pour celles de la majorité, elle dénote une certaine incohérence. Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, une des composantes de la coalition gouvernementale, s’est livré à cette acrobatie. Samedi dernier, il a dénoncé la hausse du coût de la vie, mais tout en dédouanant l’Exécutif dont il fait partie.

Après une période marquée par des tensions internes et des désaccords sur le leadership, notamment avec l’ancien secrétaire général aujourd’hui ministre (de la Justice NDLR), Hassan Benaddi revient sur son engagement au sein du PAM. «C’était une situation complexe, mais malgré les critiques, une nouvelle génération a émergé au sein du parti», a-t-il expliqué. M. Benaddi affirme d’ailleurs qu’il soutient toujours le projet du PAM et ne renie rien de ce qui a été accompli. Néanmoins, il reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire pour redonner de la vigueur à ce mouvement. «Le problème, c’est que certains au sein de la coalition semblent ne pas saisir les véritables enjeux», souligne-t-il, déplorant la frustration grandissante, notamment envers le gouvernement actuel.

Ce qui surprend M. Benaddi, c’est la décision de certains membres du PAM, après les élections, d’accepter des positions secondaires. «Cela va à l’encontre des principes d’indépendance politique», a-t-il affirmé. Ce manque de cohérence, selon lui, nuit à la crédibilité du parti. Pour regagner la confiance des électeurs, ce politicien insiste sur la nécessité d’un leadership renouvelé et d’un projet plus clair et concret. Pour lui, le parti doit accepter de se réinventer et d’assumer ses responsabilités pour éviter de sombrer. «Le PAM et d’autres partis comme l’Istiqlal doivent impérativement se réinventer et prendre leurs responsabilités», a-t-il insisté, pointant un manque de vision et d’action cohérente au sein de la coalition gouvernementale. «Si le PAM, l’Istiqlal et d’autres partis ne prennent pas les mesures nécessaires pour changer la situation, ils risquent tout simplement de disparaître. C’est une question de responsabilité politique», a-t-il mis en garde.

Le défi de restaurer la confiance des citoyens

D’autant, estime l’analyste politique, que le désamour de la politique va grandissant, comme le prouve le faible taux de participation observé lors des élections partielles «qui reflète un désengagement grandissant de la population envers le système électoral». «Ces scrutins ont enregistré des taux de participation extrêmement bas, ce qui est particulièrement préoccupant», s’alarme Hassan Benaddi. Ce manque d’implication citoyenne soulève, selon lui, une question essentielle de légitimité. De même, «lorsque des décisions majeures sont prises au Parlement alors que l’abstention atteint de tels niveaux, cela traduit clairement un problème de représentativité», a-t-il insisté. Face à cette situation, M. Benaddi souligne l’urgence de rétablir la confiance des citoyens en réengageant le dialogue sur des lois fondamentales, notamment celles portant sur l’enrichissement illicite ou encore sur la liberté de la presse.

Pour l’invité de Rachid Hallaouy, redresser la situation demeure possible, mais cela exige des décisions courageuses. Dans cette optique, il estime qu’une nouvelle coalition nationale, sans la participation du RNI, pourrait constituer une alternative crédible pour l’avenir du pays. «Il est urgent de préparer une nouvelle coalition, mais sans le RNI», a-t-il soutenu, appelant à une alliance entre le PAM, l’Istiqlal et d’autres partis politiques. Selon lui, un tel renouvellement pourrait insuffler une dynamique positive à la scène politique marocaine, à condition qu’il s’accompagne d’une profonde restructuration des idées et des pratiques. «Le PAM et l’Istiqlal, malgré leurs erreurs, ont encore la possibilité de reconstruire un projet politique», a-t-il souligné.

Les jeunes, un levier pour l’avenir politique

Hassan Benaddi estime que les jeunes Marocains représentent un potentiel immense pour l’avenir du pays. «Ils font partie de la troisième génération à avoir grandi dans un environnement démocratique, propice au débat et à l’émergence de nouvelles idées», c’est pourquoi leur engagement en politique est essentiel, dit-il. Toutefois, pour encourager cette implication, les partis politiques doivent impérativement se renouveler et devenir plus attractifs. «Si nous tendons la main à ces jeunes talents, ils enrichiront les rangs de la politique marocaine et participeront au changement», assure-t-il.

En tout état de cause, pour Hassan Benaddi, la situation actuelle du pays est loin d’être une fatalité. Un changement de cap est non seulement nécessaire mais possible, à condition que les partis, notamment le PAM et l’Istiqlal, prennent leurs responsabilités. Il est ainsi urgent de rétablir la légitimité politique, de redonner confiance aux citoyens et d’offrir une place aux jeunes pour renouveler le paysage politique marocain. Selon cet analyste politique, si ce tournant est pris, le Maroc pourrait encore retrouver le chemin du progrès.