Foule d’électeurs aux premières élections en Somalie depuis 60 ans
Les élections locales à suffrage direct se sont tenues jeudi à Mogadiscio, un événement considéré comme historique après près de 60 ans sans vote direct dans la capitale somalienne. Près de 400.000 électeurs inscrits étaient attendus pour départager 1.600 candidats pour 390 sièges locaux, tandis que les principaux partis d’opposition avaient boycotté le scrutin, accusant le gouvernement de « processus électoraux unilatéraux ».
Les Somaliens de la région du grand Mogadiscio se sont déplacés en masse jeudi pour participer à des élections locales, les premières au suffrage direct en près de 60 ans dans la capitale de ce pays en proie à l’instabilité. Un important dispositif de sécurité a été mis en place pour prévenir d’éventuelles attaques. Un correspondant de l’AFP a rapporté que dans sept bureaux de vote visités jeudi matin, de longues files d’électeurs, à la fois impatients et excités, faisaient la queue pour remplir pour la première fois leur devoir civique.
Shamso Ahmed, une mère de deux enfants de 29 ans, a exprimé sa fierté en déclarant : « Je suis tellement fière que je n’ai pas l’impression de faire la queue », après plusieurs heures d’attente. Guhad Ali, 37 ans, a également commenté : « C’est un grand jour », tout en montrant son auriculaire taché d’encre, signe qu’il avait voté.
Selon le gouvernement, plus de 10.000 membres des forces de sécurité sont déployés dans la capitale, qui lutte depuis 2006 contre les islamistes shebab, liés à Al-Qaïda. Bien que les combats se poursuivent à 60 kilomètres de Mogadiscio, la sécurité s’est améliorée dans la ville. Cela dit, un attentat raté contre le convoi présidentiel, des tirs d’obus près de l’aéroport et l’assaut d’un centre de détention ont été signalés en moins d’un an.
L’autorité de l’aviation civile a annoncé la fermeture de l’aéroport principal du pays ce jour-là, jour des élections pour la région de Banadir, incluant la capitale. Moalim Mahdi, un responsable de la police, a affirmé à la presse : « La sécurité est assurée à 100% ». Il a encouragé la population à avoir confiance dans les forces de sécurité déployées. Ce scrutin est considéré comme un test avant l’élection présidentielle prévue en 2026, à la fin du mandat de Hassan Sheikh Mohamud.
Après avoir voté au théâtre national, Hassan Sheikh Mohamud a déclaré : « Ceci est le futur du peuple somalien qui va dans la bonne direction », en appelant chaque citoyen à emprunter « le chemin de la démocratie ». Cependant, les principaux partis d’opposition ont boycotté ces élections, accusant le gouvernement fédéral de mener un « processus électoral unilatéral ».
Près de 400.000 électeurs inscrits, sur plus de 2 millions d’habitants de la région, sont attendus aux urnes, selon la commission électorale, pour départager 1.600 candidats pour 390 sièges locaux. Le suffrage direct en Somalie avait été aboli après l’arrivée au pouvoir du dictateur Siad Barre en 1969. Depuis sa chute en 1991, le système politique s’est structuré autour des nombreux clans et sous-clans du pays.
Le suffrage universel est cependant déjà en vigueur dans la région séparatiste du Somaliland, qui a déclaré son indépendance en 1991 sans être reconnue internationalement. En mai 2023, l’État semi-autonome du Puntland, dans le nord, avait organisé des élections locales au suffrage universel, avant de y renoncer par la suite. En août 2024, le gouvernement fédéral a approuvé le retour au suffrage direct, perçu comme une stratégie du président Hassan Sheikh Mohamud pour prolonger son mandat.
Le scrutin pilote de jeudi, basé sur le principe « un homme, une voix », a été reporté à trois reprises cette année. Une note de l’International Crisis Group datant de septembre indique que la situation actuelle en Somalie rappelle la crise politique de Mohamed Abdullahi « Farmajo », durant laquelle des affrontements entre factions claniques avaient eu lieu en 2021 suite à son incapacité à organiser des élections législatives et présidentielles avant l’expiration de son mandat. À l’approche de cette échéance, aucun consensus n’a été atteint concernant le déroulement des élections législatives et présidentielles de 2026, l’opposition menaçant d’organiser un processus parallèle si le gouvernement fédéral insiste sur un vote direct.

