Forum Crans Montana : l’avenir maritime de l’Afrique en débat


C’est dans le cadre feutré d’un hôtel casablancais que Jean-Paul Carteron, président fondateur du Forum International Crans Montana, a dévoilé les contours de ce qui s’annonce comme l’un des événements majeurs dédiés au développement maritime africain en 2025. Devant des représentants des médias marocains et étrangers, l’homme à la tête de cette institution quadragénaire a déployé sa vision d’une Afrique maritime modernisée, sécurisée et interconnectée. «Notre événement sera organisé durant le mois d’avril à Casablanca, mais on sera en 2026 à Dakhla», a annoncé d’emblée M. Carteron, soulignant ainsi la continuité d’une réflexion stratégique de long terme sur l’économie maritime africaine. L’édition 2025, intitulée «Le Commerce international de l’Afrique : la sécurité maritime et la sécurité des ports et routes navigables», rassemblera ministres, Chefs d’État, experts et acteurs économiques de premier plan.
L’Afrique maritime face à des défis sécuritaires majeurs
La question de la sécurité maritime africaine s’impose comme une préoccupation centrale du Forum, et pour cause : l’économie du continent dépend à 90% de l’industrie maritime et de sa fiabilité. Jean-Paul Carteron n’a pas manqué de le rappeler : «La sécurité des routes navigables est un point fondamental», insistant sur le fait que ce secteur est aujourd’hui confronté à des menaces multiples qui freinent son développement. Parmi les principales menaces identifiées au programme du forum figurent la piraterie, particulièrement active dans la Corne de l’Afrique et le Golfe de Guinée, les actes terroristes contre les navires et installations offshore, le transport illégal d’armes de destruction massive, de migrants, de drogues et d’armes. Les vols à main armée en mer, la pêche illicite et les menaces environnementales complètent ce tableau préoccupant.
«Nous nous réjouissons de pouvoir compter sur la coopération de l’Agence nationale des ports du Maroc, du port de Casablanca et de toutes les grandes organisations maritimes», a précisé le fondateur du forum, évoquant l’importance d’une approche collaborative pour répondre efficacement à ces défis sécuritaires. L’enjeu est d’autant plus crucial que les récents événements géopolitiques ont bouleversé les routes maritimes traditionnelles. Entre la paralysie des canaux de Suez et Panama et les conflits en mer Noire et mer Rouge, de nouvelles routes maritimes se dessinent, notamment autour du continent africain, créant à la fois des opportunités et des vulnérabilités nouvelles.
La digitalisation, nouveau rempart contre l’insécurité maritime
Face à ces menaces, la digitalisation des ports et des documents maritimes apparaît comme une solution prometteuse, a insisté Jean-Paul Carteron : «Le gros problème du transport maritime aujourd’hui, à part les routes naturellement, c’est la sécurité portuaire et la mise à niveau des infrastructures portuaires, notamment la digitalisation». Cette modernisation numérique concerne autant les infrastructures portuaires que les documents maritimes. La sécurisation et la digitalisation de ces derniers constituent un enjeu stratégique majeur pour lutter contre la fraude, garantir la traçabilité des marchandises et se prémunir contre les cybermenaces croissantes.
Le Maroc figure parmi les précurseurs dans ce domaine et le forum prévoit d’ailleurs une visite du «SMART PORT» de Casablanca devant permettre aux participants de découvrir ces avancées technologiques. «L’ANP est en pointe dans ce domaine», a affirmé M. Carteron, mettant en avant l’expertise marocaine qui pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains. Des entreprises spécialisées comme African Digital Solution, qui sera représentée lors du forum, accompagnent cette transformation numérique de l’activité portuaire.
Dakhla, nouvelle porte atlantique pour le Sahel
Le port de Dakhla et son potentiel de développement occuperont une place privilégiée dans les discussions du forum. Jean-Paul Carteron n’a pas caché son enthousiasme à ce sujet : «Dakhla, c’est la Tanger du sud. Et entre ce qu’on va faire au niveau du port et ce que l’on va faire dans Dakhla, ce que l’on va faire au niveau des zones économiques spéciales qui vont être créées pour favoriser l’implantation d’industriels internationaux, Dakhla va véritablement prendre son plein essor». Ce projet s’inscrit dans une vision plus large portée par l’Initiative Atlantique en faveur des pays du Sahel, qui vise à renforcer l’accès des nations sahéliennes à l’océan Atlantique. Le désenclavement de pays comme le Niger, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad constitue un volet essentiel de cette stratégie.
«Il s’agit du désenclavement de pays qui n’ont pas accès à la mer, et ils sont nombreux, et les principaux subissent actuellement un certain nombre d’aléas sur le plan géopolitique», a expliqué le président du forum, avant d’ajouter : «Mais tout cela, je pense, grâce aux politiques mises en place par S.M. le Roi, va s’apaiser parce que lorsqu’il y a un développement économique, il y a forcément une paix sociale et une amélioration du contexte politique». Le port de Dakhla est ainsi présenté comme un catalyseur potentiel pour toute une région, capable de transformer des territoires où il n’y avait auparavant «que du vent, du soleil, du sable et la mer». Jean-Paul Carteron le qualifie même de «laboratoire du miracle africain», démontrant «que même quand on n’a rien, on peut tout faire».
Les partenariats stratégiques pour dynamiser le développement portuaire africain
Le forum s’affirme également comme une plateforme de collaboration internationale, réunissant des acteurs clés du développement portuaire et maritime. «On va pouvoir ouvrir une sorte de triangulation Abou Dhabi, Maroc, Afrique subsaharienne», a révélé Jean-Paul Carteron, soulignant l’importance d’alliances stratégiques pour le développement du secteur. Parmi les participants notables figurent Nasser Alnadi, chief executive officer de Dubai Port Customs and Free Zone, numéro 2 du groupe DP World, ainsi que le nouveau group managing director de CMA CGM basé à Casablanca. Ces présences témoignent de l’intérêt croissant des grands groupes internationaux pour le potentiel maritime africain.
«Les Émirats, comme le Maroc, cherchent à faire des affaires, à faire du business, et non pas à la recherche d’influence politique», a précisé M. Carteron, mettant en avant la complémentarité entre «la gouvernance, les idées, les stratégies» du Maroc et «l’argent qu’on trouve du côté des Émirats». La création de zones économiques spéciales autour des hubs portuaires représente également un axe majeur de développement. Ces zones permettraient d’attirer des investissements internationaux et de stimuler la croissance économique locale. «Le point le plus important pour ce qui peut être fait, notamment à Dakhla, c’est justement la création de zones permettant l’implantation industrielle dans des conditions favorables», a souligné le fondateur du forum.
Un forum aux multiples facettes
Au-delà des questions strictement maritimes et portuaires, le forum abordera plusieurs thématiques connexes, reflétant une approche holistique du développement africain. Une session sera notamment consacrée à la santé et aux pandémies, mettant en lumière le rôle des transports maritimes dans la propagation des maladies. «Les moyens de transport, transport maritime notamment, sont les moyens de transport des pandémies», a rappelé Jean-Paul Carteron, soulignant l’importance de cette question à l’heure où «on annonce les prochaines» pandémies et où «toute l’économie s’arrête lorsqu’il y a une pandémie mondiale».
La promotion de la femme dans le secteur maritime constitue un autre volet important du forum. Une session dédiée, orchestrée par l’African Women’s Forum, examinera comment surmonter les barrières de genre dans une industrie traditionnellement masculine. «L’industrie maritime se protège d’une manière très genrée et en général ce sont les hommes qui travaillent dans le maritime, mais on doit pouvoir ouvrir», a plaidé M. Carteron, rappelant que «l’industrie maritime est une ouverture considérable pour les femmes» et que cette question relève des droits humains fondamentaux.
Une constellation de participants de haut niveau
Quant à la liste des participants au forum, elle impressionne par sa diversité et son niveau. Plusieurs Chefs d’État ont déjà confirmé leur présence, dont le Grand-Duc Henri de Luxembourg et Azali Assoumani, Président des Comores. Côté marocain, le ministre des Affaires étrangères, M. Bourita, et le ministre du Transport et de la logistique, Abdessamad Kayouh. Des responsables portuaires de premier plan participeront également, outre le directeur général du port de Casablanca et le président du port de Pointe Noire au Congo. Des représentants d’entreprises clés du secteur, comme DP World et CMA CGM, enrichiront les discussions de leur expertise.
«Nous sommes à -34 jours par rapport au forum le 24 avril, et les noms que je vais vous indiquer sont manifestement les premiers. Il y en aura d’autres, et beaucoup d’autres, qui sont en voie de confirmation», a précisé le président fondateur, laissant entrevoir un événement encore plus riche en participants de haut niveau. «Le forum existe depuis 40 ans, et depuis 40 ans, on a constaté année après année une évolution», a rappelé Jean-Paul Carteron. Le rendez-vous est pris pour le 24 avril à Casablanca, où la sécurité maritime africaine sera au cœur des discussions.
Jean-Paul Carteron : grâce à la vision éclairée de S.M. le Roi, les provinces du Sud sont devenues un pilier de l’intégration africaine et mondiale
Grâce à la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les provinces du sud du Royaume s’imposent aujourd’hui comme un pilier de l’intégration africaine et mondiale, a affirmé, jeudi à Casablanca, le président-fondateur du Forum Crans Montana, Jean-Paul Carteron. La diplomatie Royale a joué un rôle déterminant dans cette avancée, a-t-il souligné lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation de la prochaine édition du Forum, prévue du 24 au 26 avril prochain à Casablanca. Il a rappelé, à cet égard, l’Initiative Royale visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’océan Atlantique, soulignant ses retombées positives sur la sécurité maritime et le désenclavement de cette région.
Dans cette perspective, M. Carteron a noté que l’édition de cette année du Forum prévoit plusieurs sessions dédiées à la Vision Royale concernant la promotion de l’Atlantique comme levier de développement économique et social, ainsi qu’au rôle stratégique du nouveau port de Dakhla, élément clé pour le développement de l’Afrique de l’Ouest et l’intégration régionale. Il a également souligné que le Forum s’inscrivait dans une dynamique de renforcement des liens entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne.
Abordant le thème de cette édition du Forum «Le commerce international requiert sûreté maritime et sécurité des ports et routes navigables», M. Carteron a insisté sur l’importance capitale de la sécurité maritime pour le développement du continent, rappelant que 90% de l’économie du continent reposait sur la circulation en mer. Il a, dans ce sens, énuméré plusieurs défis majeurs qui entravent la fluidité de la navigation maritime, tels que le terrorisme et le crime organisé. «La sécurisation des voies maritimes est essentielle pour le développement de l’Afrique», a-t-il insisté. Le président-fondateur du Forum a salué le partenariat avec l’Agence nationale des ports (ANP) et les grandes organisations maritimes internationales, mettant en avant l’opportunité qu’offre cet événement pour promouvoir l’image du Maroc en tant que modèle de stabilité, de crédibilité et de sécurité.