Maroc

Festival Gnaoua : Fehd Benchemsi parle avec cœur de Tagnaouite et de son public

Selon certains professionnels, vous êtes le deuxième artiste, après des noms internationaux, à réussir à attirer un large public dans plusieurs festivals. Quel est, selon vous, le secret de ce succès ?

Fehd Benchemsi : Honnêtement, je ne sais pas… Je fais simplement mon travail avec cœur et sincérité. Ce qui me préoccupe avant tout, c’est la manière dont le spectateur va percevoir ce que je propose. Je peux parfois sembler très exigeant, que ce soit dans la création sonore, le travail de fond ou la conception visuelle. J’ai beaucoup d’estime pour le public : il doit vivre une expérience complète, et repartir pleinement satisfait.

Cette année, vous vous produisez sur une scène majeure du Festival Gnaoua. Quelle signification revêt pour vous cette évolution ?

C’est un immense honneur de jouer au Festival d’Essaouira. Être programmé sur une scène aussi importante, c’est une reconnaissance évidente. J’ai grandi avec ce festival : j’étais là dès les premières éditions. J’ai vu son évolution au fil des années. J’y ai rencontré de nombreux Maâlems qui m’ont inspiré, et avec qui j’ai partagé de précieux moments. C’est une vraie fierté d’y être programmé.

Présentez-vous quelque chose de différent à Essaouira ?

Pas vraiment. Le public d’Essaouira est, selon moi, comparable à celui d’Oujda, de Rabat ou d’autres villes : c’est le même public exigeant, qui mérite toujours le meilleur. Qu’on joue à Khouribga ou à Essaouira, l’engagement doit être le même.

Maâlem Abdeslam Alikane dit que « Tagnaouite » ne consiste pas seulement à jouer du guembri, mais à s’imprégner pleinement des rituels et de l’esprit Gnaoua. Est-ce votre cas ?

Imprégné, non, absolument pas. Mais inspiré, oui, à 100 %. Je ne joue pas le rituel, car je ne suis pas un Maâlem au sens traditionnel. Ce que je sais du rituel, je ne le transpose pas sur scène. Pour moi, ce sont deux univers distincts.

La lila, ce rituel traditionnel, n’est pas toujours très énergique : parfois, le rythme ralentit pour permettre au Maâlem d’être entendu. Quand il chante, les qarqabas baissent d’intensité pour lui laisser la place.

Sur scène, on n’a pas besoin de cela, grâce au matériel de sonorisation. Il y a dans la lila beaucoup de subtilités qui ne peuvent pas toujours être retranscrites en concert.

Ce que j’essaie de transmettre, c’est avant tout une ambiance, à travers une musique dont je suis profondément amoureux.

Peut-on dire que vous appartenez à une génération qui présente la musique Gnaoua autrement ?

Oui, on peut le dire, tout en insistant sur le respect profond que nous lui portons. Nous ne la modifions pas de manière radicale.

Dans notre groupe, le seul véritable changement, c’est l’ajout d’harmonies. Pour le reste, ce sont les mêmes morceaux, interprétés différemment selon les musiciens.

D’un joueur à l’autre, l’interprétation peut être plus ou moins technique, mais les notes restent les mêmes. Ce qui change, c’est l’énergie et le message que le musicien transmet au public.

Quels sont vos projets à court terme ?

Nous sommes actuellement en tournée d’été à travers le Maroc, et ce jusqu’à la mi-août.

Et le cinéma ?

Pour le moment, rien de concret. On vient d’écrire un scénario qu’on va soumettre pour une aide à la production.