Démolitions et expropriations à Rabat : Fatiha El Moudni remet les pendules à l’heure

Plus d’une semaine après les critiques virulentes formulées lors d’une conférence de presse par des conseillers de la Fédération de la Gauche Démocratique (FGD), à l’endroit du Conseil de la ville deRabat, l’accusant de ne pas avoir respecté les procédures légales d’expropriation dans le cadre du nouveau plan d’aménagement, la maire de la capitale est finalement sortie de son silence. Lors d’une rencontre avec les médias vendredi dernier, la première depuis son élection, Fatiha El Moudni a fermement défendu la régularité des démarches entreprises, affirmant que toutes les procédures légales avaient été scrupuleusement respectées depuis l’adoption du plan en décembre dernier.
Une expropriation sans distinction sociale
Balayant d’un revers de main les critiques sur d’éventuels abus de pouvoir, Fatiha El Moudni a assuré qu’aucun favoritisme n’avait entaché les opérations et que l’expropriation concernait toutes les couches sociales et l’ensemble des cinq arrondissements de Rabat. Selon elle, ces opérations s’inscrivent dans une stratégie de réaménagement visant à moderniser et fluidifier le réseau routier de la ville.
S’agissant des démolitions en cours dans le quartier de Saniya Al-Gharbia, la maire a précisé qu’elles ne relevaient pas du cadre légal de l’expropriation pour cause d’utilité publique, mais d’accords contractuels à l’amiable entre vendeurs et acheteurs. Cette alternative aurait été privilégiée afin d’éviter aux propriétaires les lourdeurs administratives habituelles.
« Désinformation et calculs politiques »
Profitant de cette rencontre avec la presse, Fatiha El Moudni n’a pas manqué de critiquer vivement l’opposition, visant notamment les conseillers du FGD et certaines figures politiques ayant dénoncé les démolitions, en particulier dans le quartier de l’Océan, les accusant de propager des « contrevérités » à des fins politiques étriqués. Elle a appelé, dans le même sens, l’ensemble des acteurs politiques à privilégier l’intérêt général et à éviter toute surenchère susceptible de perturber la mise en œuvre des projets structurants.
Mettant en avant les ambitions de Rabat de devenir une ville verte et touristique capable d’attirer des investissements d’envergure, la maire a salué le rôle des autorités locales et des administrations publiques dans cette dynamique. Elle a rappelé que ces projets ne bénéficieraient pas seulement aux habitants de Rabat, mais aussi aux villes voisines comme Salé, Témara et Aïn Aouda, en générant de nouveaux emplois.
Réfutant les accusations de déstabilisation de la vie quotidienne des familles à cause des démolitions « arbitraires » en plein mois de Ramadan ou en période scolaire, Mme El Moudni a insisté sur le fait que les procédures avaient été lancées dès décembre 2024. Dans cet ordre d’idées, elle a dénoncé une tentative de semer la confusion en diffusant des informations erronées concernant les droits des locataires.
Justement, concernant les accusations relatives à l’expulsion de locataires de longue date sans indemnité, la maire a rejeté en bloc ces allégations, affirmant que les indemnisations avaient été versées aux propriétaires, qui ont procédé à leur tour à l’indemnisation de leurs locataires. Elle a assuré que les familles les plus vulnérables avaient reçu un soutien direct de l’État. De plus, elle a mis en doute les affirmations selon lesquelles certains habitants auraient été contraints d’évacuer leur logement sous injonction des autorités locales, précisant qu’aucune plainte n’avait été déposée à la commune à ce sujet.
Vente des terrains : cession à l’État ou à des investisseurs étrangers ?
Interrogée sur l’intention de la commune de Rabat de procéder à des cessions de terrains à des investisseurs étrangers, notamment dans des zones du quartier de l’Océan, Fatiha El Moudni a démenti cette assertion, précisant que les transactions avaient été réalisées « à l’amiable » et portaient sur des biens de l’État.
Par ailleurs, il convient de souligner que lors de cette conférence de presse tenue au siège de la commune de Rabat, la maire a donné la parole à plusieurs citoyens ayant bénéficié des compensations financières. Ces derniers ont exprimé leur satisfaction quant aux indemnisations perçues et aux conditions dans lesquelles les démolitions ont été menées, soulignant que leurs anciens logements étaient exigus et insalubres. Ils ont assuré qu’aucune pression n’avait été exercée par les autorités.
Des habitants dénoncent
Mais visiblement, ces témoignages n’ont pas plu à tout le monde, notamment certains habitants directement concernés par les démolitions. Ils ont dénoncé « une mise en scène orchestrée par le Conseil municipal pour donner l’illusion d’une acceptation unanime du processus ». Certains ont même affirmé que des citoyens opposés aux démolitions n’avaient pas été autorisés à prendre la parole et que plusieurs d’entre eux avaient été empêchés d’accéder à la conférence.
C’est dire que la polémique autour des opérations d’expropriation et de démolition menées dans des quartiers de Rabat ne va pas faiblir de sitôt. Une polémique qui illustre les complexités urbaines et sociales inhérentes aux grands projets d’aménagement. Entre volonté de modernisation et de mise à niveau d’une part et les contraintes de la mise en œuvre, il y a un équilibre délicat à prendre en compte. Une véritable gageure pour le conseil de la ville qui doit miser davantage sur la transparence, la communication et le dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes.