Covid-19, cinq ans après : le jour où tout a basculé

Mars 2020. Le virus se propage dans le monde, la prudence est de mise, mais nul n’imagine encore l’ampleur de ce qui s’annonce. Au Maroc, l’angoisse gagne doucement les esprits. En l’espace de quelques jours, tout s’accélère. Du 9 au 15 mars, le Royaume entre dans une phase de mobilisation progressive mais résolue, portée par les Hautes Instructions de S.M. le Roi Mohammed VI, qui anticipe et orchestre la riposte face à la menace.
Les vols vers plusieurs pays sont suspendus, même si les retours des Marocains bloqués à l’étranger restent autorisés. Les liaisons maritimes avec la France et l’Espagne sont stoppées. L’inquiétude gagne les esprits. Le 13 mars, l’annonce tombe : les établissements d’enseignement ferment à partir du 16 mars, jusqu’à nouvel ordre. Du jour au lendemain, des millions d’élèves, d’étudiants et d’enseignants basculent dans l’enseignement à distance, dans un pays où les fractures numériques sont encore visibles. Le 16 mars, c’est au tour des cafés, restaurants, salles de sport, hammams, théâtres et cinémas de baisser leurs rideaux. Les lieux de vie s’éteignent, les écrans s’allument. On compte les cas, on consulte les chaînes en continu, on échange des liens vers les premières visioconférences.
Puis le 19 mars à 18 h, le Maroc franchit un cap. Le ministère de l’Intérieur décrète l’état d’urgence sanitaire, avec restriction de la circulation sur tout le territoire national. Une mesure inédite, impensable quelques semaines auparavant. Mais la réalité s’impose. «Ce jour-là, j’étais de permanence à l’hôpital. Il y avait une tension étrange. Pas de panique, mais un silence pesant. On savait que c’était le début d’une nouvelle époque», se souvient Hind B., infirmière à Casablanca.
Un système de santé mobilisé et recentré autour du citoyen
Avant même que la pandémie ne frappe de plein fouet, le Maroc avait conscience des limites de son système de santé : inégalités régionales dans l’accès aux soins, pénurie de ressources humaines, équipements parfois obsolètes… Mais face à l’urgence, c’est une chaîne sanitaire résolument solidaire qui s’est mise en mouvement. Dès les premières semaines de la crise, hôpitaux publics, cliniques privées, unités militaires et centres de santé locaux se sont coordonnés pour contenir la progression du virus. Des hôpitaux de campagne ont été déployés rapidement, comme à Casablanca, Benslimane ou encore à Sidi Yahia, augmentant la capacité d’accueil et soulageant les structures existantes. «On a redécouvert ce que voulait dire “service public”. On a tout mis en commun, chaque lit comptait, chaque infirmier était précieux», explique Dr Salma E., médecin dans un hôpital provincial. Pour répondre à l’afflux des patients, des centres de prise en charge Covid-19 ont été dédiés, des protocoles nationaux de traitement ont été définis rapidement, et des équipes médicales itinérantes ont été déployées dans les zones rurales.
Mais au-delà des chiffres, c’est une vision stratégique portée par S.M. le Roi Mohammed VI qui a guidé la réponse marocaine. Dès le début de la crise, le Souverain a placé la santé du citoyen au cœur de toutes les décisions, ordonnant la création d’un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie, doté initialement de 10 milliards de dirhams et rapidement abondé par des contributions publiques et privées. Ce fonds a permis de financer l’achat de matériel médical, de soutenir les structures hospitalières, et d’accompagner les plus vulnérables face aux conséquences économiques de la crise.
L’heure est venue de faire un bond qualitatif en matière de réforme du système national de santé, selon une vision intégrée fondée sur les principes de justice, d’équité sociale et de généralisation de la couverture médicale. Cette Vision Royale s’est traduite dès 2021 par le lancement de la réforme de la couverture sociale universelle, avec un objectif clair : garantir l’accès aux soins pour tous les Marocains à l’horizon 2025. Un chantier colossal qui comprend la restructuration des infrastructures hospitalières, le renforcement du capital humain et la révision des modes de gouvernance du secteur. Dans cette dynamique, des CHU sont en cours de construction à Errachidia, Béni Mellal, Guelmim et Laâyoune. Parallèlement, le ministère de la Santé a lancé une stratégie de digitalisation du parcours de soins, avec un dossier médical unifié et une meilleure traçabilité des actes médicaux. La pandémie n’a pas seulement révélé des vulnérabilités. Elle a servi de catalyseur pour une réforme profonde, pilotée avec méthode, dans une logique de long terme.
Masques, tests, vaccins : une réponse souveraine et rapide
Alors que le monde peine à s’approvisionner en masques, le Maroc lance dès avril une production locale qui atteint 10 millions d’unités par jour. Les industries textiles reconverties assurent l’autonomie nationale, au point de permettre l’export vers d’autres pays. Sur le plan du dépistage, le Royaume développe ses propres kits PCR «made in Morocco», une première en Afrique. Et quand les vaccins deviennent accessibles, la campagne de vaccination marocaine se distingue : gratuite, rapide, inclusive. «J’ai été vacciné dans un centre de quartier à Salé. Je m’attendais à une pagaille, mais c’était fluide. Je suis sorti fier», se souvient Adil, fonctionnaire. Le Maroc lance ensuite la construction d’une unité industrielle à Benslimane pour produire localement les vaccins, dans le but affiché de garantir la souveraineté sanitaire du Royaume.
Cinq ans après, les traces demeurent. L’élan aussi
La pandémie a laissé dans son sillage des cicatrices profondes : des vies perdues, des entreprises fermées, des enfants éloignés de leurs bancs d’école… Mais elle a aussi révélé la capacité du Maroc à se réinventer dans l’urgence, à fédérer ses forces vives autour d’une cause commune, à agir vite, parfois mieux que des nations plus puissantes, et à placer l’humain au centre de ses priorités. Sous l’impulsion de S.M. le Roi Mohammed VI, le Maroc a su transformer la crise en tremplin. Le lancement de la couverture sociale universelle, les réformes du système de santé, les investissements dans la souveraineté pharmaceutique et la mobilisation des territoires pour une meilleure équité sanitaire, en sont les preuves les plus tangibles.
Aujourd’hui, le pays garde en mémoire les silences du confinement, les applaudissements aux fenêtres, les files devant les centres de vaccination, et la solidarité tissée dans l’épreuve. Parce que le plus grand enseignement de cette crise, c’est peut-être celui-ci : dans l’adversité, c’est la cohésion, la vision et la dignité qui tracent le chemin.