Chantiers sociaux : Comment le gouvernement compte pérenniser le financement
Une démonstration limpide et implacable, chiffres à l’appui, devant les Parlementaires
Financement: 100 milliards DH seront mobilisés grâce à l’amélioration des recettes ordinaires tout en préservant, voire en améliorant les équilibres fondamentaux. Le ministre délégué Fouzi Lekjaa a exposé la démarche et, au passage, mis à nu les arguments fallacieux de certains milieux notamment en ce qui concerne Amo Tadamon. Les détails…
35 milliards DH en 2024. 40 milliards en 2026. C’est le budget colossal qui sera alloué annuellement à la généralisation de la protection sociale, via Amo Tadamon et aux aides sociales directes. Le premier programme fera bénéficier près de 3,9 millions de familles démunies, soit quelque 8 millions d’ayants droit. Le deuxième, lui, cible 3,7 millions de ménages qui comptent une population de 5,2 millions d’enfants.
Entre 2020 et 2024, le budget alloué à la santé publique en vertu de la loi de Finances a fait un bond de 65% passant de 18,7 à presque 31 milliards DH. Pour l’éducation, l’évolution a été tout aussi spectaculaire passant de 55,7 milliards DH en 2020 à 74 milliards DH inscrits dans le budget, soit une évolution de +33%. En même temps, le dispositif d’aide au logement, Daam Sakan, récemment lancé, mobilisera un budget annuel consistant de près de 9 milliards DH. Et, enfin, le budget de l’État devra supporter une charge tout aussi colossale de 45 milliards DH au titre des engagements pris dans le cadre du dialogue social notamment en termes d’augmentation des salaires. Face à un tel niveau inédit et historique des budgets à caractère social, la première question qui vient spontanément à l’esprit est de savoir comment le gouvernement pourra-t-il assurer de manière durable ces engagements aux budgets lourds tout en préservant les équilibres fondamentaux des finances publiques?
C’est en réponse à cette question que le ministre délégué en charge du budget, Fouzi Lekjaa, est venu cette semaine devant un parterre de parlementaires exposer les grandes lignes de la démarche suivie qui relève quasiment de l’ingénierie financière. Mais en plus des réponses apportées, la démonstration du ministre délégué a été l’occasion de faire un exercice instructif consistant en un flashback pour savoir «d’où on était partis ». Un arrêt sur image intéressant pour connaître ce à quoi ressemblait la situation à l’instant « T0 » et, au passage, corriger certaines idées fausses et chiffres incorrects souvent galvaudés par certains milieux notamment partisans mais pas seulement. Le premier indicateur examiné est celui de l’endettement souvent utilisé par certains pour dénoncer «les dérapages» en matière de finances publiques. Il se trouve qu’en 2020, la dette publique était de l’ordre de 833 milliards DH, soit 72,2% du PIB. Il faut noter à ce niveau qu’une décennie auparavant, en 2010, le volume de la dette n’était que de 380 milliards DH qui représentaient à peine 45% du PIB. Les chiffres sont têtus : en l’espace de 10 ans, de 2010 à 2020, la dette publique a été plus que doublée. Et c’est d’ailleurs pour cela, en partie, que le Maroc avait perdu en 2021 son Investment Grade auprès des agences internationales de notation. Dans le prolongement de la dette, le deuxième indicateur parlant n’est autre que le déficit budgétaire qui a atteint un sommet en 2020, soit 7,1%, contre seulement 4,2% une décennie auparavant. Ces deux indicateurs chiffrés et leur évolution permettent déjà de corriger certaines fausses thèses que ne manquent pas de défendre certains en donnant l’impression de l’argumentaire implacable mais avec des chiffres faux ou du moins incomplets. C’est d’ailleurs cette même démarche d’imposture qui est utilisée pour tenter de «démontrer», en désespoir de cause, qu’en basculant de l’ancien Ramed au nouveau dispositif Amo Tadamon, des millions de bénéficiaires ont été lésés et exclus.
Fouzi Lekjaa, ministre délégué en charge du budget, est venu cette semaine devant un parterre de parlementaires exposer les grandes lignes de la démarche suivie qui relève quasiment de l’ingénierie financière.
Or, là aussi, les chiffres officiels sont implacables et ne laissent de place à aucun doute. Les statistiques de l’Agence nationale de l’assurance-maladie (ANAM), autorité habilitée par excellence, montrent ainsi qu’au moment du passage de Ramed à Amo Tadamon, en 2022, le nombre de bénéficiaires dont les dossiers ont été effectivement transférés est de 10 millions contrairement au faux chiffre souvent brandi de 18 millions par certains pour aboutir à la conclusion fallacieuse que 8 millions de personnes ont été exclues. Le chiffre de 18 millions, utilisé par les manipulateurs de statistiques, est en fait le cumul de toutes les personnes qui se sont inscrites au Ramed entre 2012 et 2022. La réalité est tout autre : En 2022, le nombre de bénéficiaires effectifs dont les cartes Ramed étaient actives n’était précisément que de 10.695.969. Début 2023, les ménages bénéficiaires d’Amo Tadamon étaient au nombre de 3,8 millions, 10 millions en tout avec les ayants droit. Soit le même effectif que pour l’ancien Ramed. Exit donc l’imposture de l’exclusion.
Maintenant, pour ce qui est de la question de la durabilité du financement des programmes sociaux, qui nécessiteront plus de 90 milliards DH, la réponse apporte elle aussi des éléments qui mettent à nu le reste de l’argumentaire tronqué. Dans une démonstration limpide, chiffres officiels à l’appui, le ministre délégué en charge du budget explique que sur les exercices 2021 à 2023, les recettes ordinaires de l’État ont enregistré une hausse annuelle moyenne de 12,5% passant de 229 milliards à 324 milliards DH en 2023. Au passage, flashback et comparaison obligent, cette évolution était à peine de 2,5% par an sur la décennie 2011-2021.
En d’autres termes, la poursuite de l’évolution des recettes ordinaires de l’État sur les trois prochaines années au même rythme équivaut à un surplus dégagé de 100 milliards DH qui couvrirait ainsi les 90 milliards DH des programmes sociaux. La couverture sera donc assurée sans pour autant mettre en péril les équilibres budgétaires et surtout sans faire appel à l’endettement. Et ceci n’est pas une vue de l’esprit. En 2023 déjà, le poids de la dette a été ramené à 71,7% du PIB contre 72,2% en 2020 tandis que le déficit budgétaire est descendu à 4,2% en 2023 pour atteindre 4% en 2024 puis 3% attendus en 2026. Et c’est d’ailleurs une maîtrise parfaite des équilibres budgétaires qui a valu au Maroc en 2022, 2023 et 2024 une série de marques de reconnaissance officielle de la part de partenaires internationaux comme la Banque mondiale et le FMI sans oublier la nette amélioration des notes accordées par les agences. Et cette fois-ci, il ne s’agit pas d’imposture ou d’argumentaires fallacieux à l’emporte-pièce mais bel et bien de faits et de chiffres avérés et dûment et scientifiquement authentifiés par des experts à l’international.
Repères chiffrés
– 94 milliards DH, c’est le budget à mobiliser et pérenniser le financement
de trois chantiers majeurs que sont
* La généralisation de la protection sociale : 40 milliards DH
* Les aides sociales directes : 45 milliards DH
* Aides au logement «Daam sakane» : 9 milliards DH
– Budget annuel de la santé publique : 30,69 milliards DH en 2024
contre 18,7 milliards en 2020
– Budget annuel de l’éducation nationale : 73,9 milliards DH en 2024
contre 55,6 milliards DH en 2020
– 100 milliards DH mobilisés à travers l’augmentation des recettes ordinaires
du budget de l’Etat
– 10 millions de bénéficiaires Amo Tadamon dès le début 2023. A la fin 2022,
le nombre de cartes Ramed effectivement actives était de 10,6 millions
– Les équilibres budgétaires préservés et les indicateurs améliorés :
* Déficit budgétaire : 4,2% en 2023 contre 7,1% en 2020. 3,5%
prévu en 2025 et 3% en 2026
* Poids de la dette publique/PIB : 71,7% en 2023 VS 72,2% en 2020.