Bialiatski et Kolesnikova : Deux figures de la lutte contre Loukachenko
Ales Bialiatski a été condamné en 2023 à 10 ans de prison dans une affaire de « trafic de devises ». Maria Kolesnikova a été condamnée en 2021 à 11 ans de prison pour « complot » contre le pouvoir entre autres chefs d’accusation.
Les militants bélarusses Ales Bialiatski et Maria Kolesnikova, récemment libérés de prison, représentent deux aspects de l’opposition au régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko : la défense acharnée des droits humains et la révolte d’une « classe créative » réprimée lors des violences de 2020.
Ales Bialiatski, âgé de 63 ans, a fondé Viasna (« Printemps ») en 1996, qui est devenu le principal groupe de défense des droits humains et une source clé d’informations sur les répressions au Bélarus. Ce militant s’est opposé aux persécutions politiques et à la peine de mort, qui reste en vigueur au Bélarus, en répertoriant soigneusement les arrestations, les procès et les peines d’emprisonnement dans le but de révéler l’opacité du système judiciaire.
Né en 1961, Bialiatski a initialement œuvré, pendant ses études en philologie, pour protéger la langue, l’histoire et la culture bélarusses, menacées par la russification soviétique. Son engagement pour les droits, malgré la répression exercée par les autorités, lui a valu le prix Nobel de la Paix en 2022, qu’il a partagé avec l’ONG Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).
Il avait déclaré en août 2020, peu après la réélection contestée de Loukachenko : « Tant dans les petites villes que dans les villes régionales et la capitale, il y a une véritable terreur. » Il ajoutait : « L’objectif est très simple : conserver le pouvoir à tout prix et semer la peur dans la société. » Bialiatski a été arrêté en 2021 et condamné en 2023 à 10 ans de prison pour une affaire de « trafic de devises », que son organisation qualifie de fictive. Plusieurs autres responsables de Viasna sont encore incarcérés.
L’arrestation de Bialiatski s’inscrivait dans un mouvement plus large de répression contre la contestation, qui a également vu émerger une autre figure de la résistance anti-Loukachenko : Maria Kolesnikova.
Musicienne de formation, Kolesnikova a été l’une des leaders des manifestations massives contre la réélection jugée frauduleuse de Loukachenko en 2020. Avec le soutien de Moscou, le gouvernement bélarusse a réprimé la contestation par des milliers d’arrestations, des exils forcés et de lourdes peines d’emprisonnement.
En septembre 2020, les services de sécurité bélarusses ont enlevé Kolesnikova et l’ont conduite à la frontière ukrainienne, la tête couverte d’un sac. Les autorités visaient à l’expulser pour la rendre moins audible au Bélarus. Cependant, Kolesnikova a réussi à sauter d’une fenêtre de la voiture et à déchirer son passeport, ce qui a rendu son expulsion légalement impossible. Dans une interview à la BBC depuis sa prison, elle a déclaré : « La prison est un endroit répugnant mais je m’y sens libre. » En 2021, elle a été condamnée à 11 ans de prison pour « complot » contre le pouvoir, entre autres accusations.
Détenue à l’isolement, presque coupée du monde extérieur, ses proches ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude concernant la détérioration de son état de santé.
La trajectoire de Maria Kolesnikova illustre la politisation d’une partie de la classe moyenne bélarusse depuis les années 2010. Née en 1982 à Minsk, elle a choisi de devenir flûtiste professionnelle, contrairement à ses parents ingénieurs. Dès 17 ans, elle commence à donner des cours, puis s’installe en Allemagne pour étudier.
De retour au Bélarus, elle s’engage dans des projets artistiques et tisse des liens au sein de l’élite culturelle. Elle a notamment travaillé pour la Belgazprombank, alors dirigée par Viktor Babariko.
Au printemps 2020, elle prend la tête de la campagne présidentielle de Babariko, considéré comme le principal rival d’Alexandre Loukachenko. Ce dernier est finalement exclu de la candidature et emprisonné, tout comme les époux des opposants Svetlana Tikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo, qui ne peuvent également pas se présenter.
Les trois femmes forment alors une candidature commune qui attire des foules sans précédent pour l’opposition depuis la chute de l’URSS. Kolesnikova établit un lien entre son engagement et sa frustration d’artiste face à la censure et à « des salaires de misère ».

