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Au Texas, une patrouille ne laisse pas les immigrés seuls contre la police de Trump.

Martina Grifaldo alerte ses 171.000 abonnés sur Facebook des descentes possibles de la police de l’immigration aux États-Unis, en utilisant des emojis pour demander de l’aide sur leur localisation. En juillet, l’ONG Human Rights Watch a accusé les autorités américaines de traiter « de manière dégradante et déshumanisante » les personnes détenues dans les centres de rétention.


« Faites attention ! Et que chacun rentre bien à la maison ! » C’est avec ces mots sur Facebook que Martina Grifaldo débute ses journées, consacrées à alerter ses 171.000 abonnés sur les possibles descentes de la redoutée police de l’immigration de Donald Trump.

Dès l’aube, après les salutations habituelles, cette Américaine d’origine mexicaine, à la tête de l’association Alianza Latina Internacional, pose la question cruciale sur la situation dans les rues de Houston, grande ville du Texas et quatrième plus peuplée des États-Unis.

« On poste les emojis d’un glaçon à côté de celui d’un policier en demandant aux gens de nous aider en signalant » leur localisation, explique la notaire de 62 ans, née dans cet État du sud, riche en importantes communautés latino-américaines.

Le policier et le glaçon font référence à la police fédérale de l’immigration, appelée ICE, acronyme qui signifie « glace » en anglais. Depuis plusieurs semaines, des agents musclés et masqués sèment la peur au sein des communautés latinos du pays, avec des arrestations massives, parfois très violentes, largement diffusées sur les réseaux sociaux.

Le président Donald Trump dénonce régulièrement la présence d’immigrés qu’il qualifie d' »illégaux » voire de « criminels ». Cependant, selon les ONG de défense des droits humains, la grande majorité des personnes détenues dans les centres de rétention n’ont aucun antécédent judiciaire.

Ces organisations accusent ICE de pratiquer des contrôles au faciès, en procédant à des descentes dans des lieux principalement fréquentés par des Latinos et en ciblant des personnes à l’apparence latino-américaine. Les abonnés de Martina Grifaldo lui envoient fréquemment des vidéos filmées avec leurs téléphones, montrant des hommes parfois sans uniforme ni mandat d’arrêt.

« Chaque fois qu’on voit comment ils les traitent, on est un peu terrorisés, car cela pourrait nous arriver à tout moment », confie Francisco Mendoza, plombier d’origine mexicaine de 57 ans, engagé auprès de la même association Alianza Latina Internacional.

En juillet, l’ONG Human Rights Watch avait accusé les autorités américaines de traiter « de manière dégradante et déshumanisante » les personnes détenues dans les centres de rétention, évoquant des conditions qui constituent une violation flagrante des normes internationales en matière de droits humains.

En ce jour de septembre, Francisco Mendoza accompagne en camionnette Martina Grifaldo pour parcourir les routes, où ils croisent parfois des véhicules paraissant abandonnés, qui appartiennent en réalité à des personnes arrêtées.

Sous leur casquette jaune et orange fluo, les deux acolytes restent attentifs aux messages reçus. L’un d’eux provient d’employés d’un restaurant qui les invitent à manger un morceau pour les remercier.

C’est dans ce restaurant qu’Elizabeth, une Salvadorienne de 35 ans, travaille et lutte pour régulariser sa situation aux États-Unis, où elle est arrivée il y a dix ans avec son fils et sa mère.

« Je leur tire mon chapeau, car ils prennent des risques pour nous. Grâce à eux, on reste informés. Je m’occupe de ma mère qui est malade, imaginez qu’elle m’attende et que je ne rentre pas à la maison », raconte-t-elle, tout en servant des encas à Martina Grifaldo et Francisco Mendoza.

Ce dernier confie avoir « le cœur brisé »: « On vivait plus ou moins en paix, on travaillait, on payait nos impôts ». Car, comme il le souligne, aux États-Unis, « les sans-papiers paient beaucoup d’impôts, qui sont reversés à différents services de l’État, et on ne reçoit rien en retour, aucune aide, contrairement à ce qu’ils disent ».

La patrouille se termine en fin d’après-midi. Martina Grifaldo conclut la journée avec un nouveau message sur Facebook : « C’est difficile mais il faut bien se reposer. Demain est un autre jour où on continuera à résister. »