Maroc

Amina Bouayach, nouvelle présidente du GANHRI : sa fierté, sa mission, ses priorités

Le Matin : Vous venez d’être élue à l’unanimité à la présidence de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme (GANHRI). Quel est votre sentiment par rapport à cette consécration ?

Amina Bouayach :

Je suis profondément honorée par cette élection et par la confiance exprimée à travers le fait que «toutes les institutions nationales des droits de l’Homme membres de la GANHRI, dotées du statut A – c’est-à-dire pleinement indépendantes au regard des Principes de Paris – ont voté en faveur de ma candidature», ainsi que l’a déclaré un haut responsable onusien lors de l’Assemblée générale de l’Alliance, chargé par le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de superviser les élections.

Ce vote, qui a entériné officiellement la nomination proposée dès janvier dernier par le Réseau africain des institutions nationales des droits de l’Homme (RINADH) au nom du continent africain, constitue pour moi une reconnaissance autant de mon engagement personnel pour les droits humains que du rôle éminent joué par le Maroc sur les scènes régionale, africaine et internationale.

Mon pays, engagé depuis des années dans des réformes structurelles – qu’il s’agisse de justice transitionnelle, de refonte constitutionnelle ou de la promotion et de la protection des droits fondamentaux –, voit ainsi ses efforts et son engagement salués. Cette consécration témoigne également de la crédibilité reconnue du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et de son rayonnement et positionnement à l’échelle régionale et mondiale.

Amina Bouayach élue à la présidence de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme

Pour moi, ce vote représente une puissante source d’inspiration, un appel vibrant à poursuivre notre action collective dans un monde où les droits et les libertés sont sans cesse mis à l’épreuve. Plus encore, il m’engage à redoubler d’efforts et à agir avec une détermination accrue face aux défis qui interpellent aujourd’hui notre communauté globale.

Quels sont selon vous les critères qui sont entrés en ligne de compte pour que le Maroc soit porté à la présidence de cette Alliance?

Plusieurs critères me semblent avoir pesé dans cette nomination et cette élection. Dans sa lettre officielle, le Réseau des INDH africaines (RINADH) a mis en exergue mon «leadership exceptionnel», notamment à travers «mon rôle de codirection de la GANHRI» au cours des trois dernières années en tant que vice-présidente de l’Alliance. Mes pairs africains ont ainsi valorisé mon expérience dans la représentation de la GANHRI sur les scènes internationales et continentales, mon implication stratégique dans la conduite de processus clés, ainsi que mon engagement pour le progrès des droits humains. Leur soutien massif reflète une confiance largement partagée en Afrique dans mon engagement et ma capacité de porter les attentes de mon continent.

Cette reconnaissance illustre également la volonté de voir le Maroc – dont la détermination politique à protéger et à promouvoir les droits humains s’est affirmée au fil des ans – assurer, notamment à travers son institution nationale des droits de l’Homme, un meilleur accompagnement de ses pairs et de partager ses bonnes pratiques. L’engagement résolu du Maroc et du CNDH au sein des instances internationales a, sans nul doute, consolidé cette confiance.

Quelles responsabilités et missions impliquent la présidence de cette Alliance ?

Assumer la présidence de la GANHRI est une responsabilité majeure, particulièrement dans un contexte où le multilatéralisme est fragilisé et où les institutions nationales des droits de l’Homme affrontent des obstacles croissants, tels que l’insuffisance des financements ou la contraction des espaces civiques. Certaines institutions sont même sous menaces. Ma mission consistera donc à veiller à optimiser la collaboration entre plus de 120 institutions nationales membres et à renforcer leurs capacités, afin qu’elles exercent pleinement leur rôle – malgré les difficultés locales – de rempart et de moteur en matière de protection et promotion des droits humains, en parfaite conformité avec les Principes de Paris.

Cela suppose un plaidoyer vigoureux et continu auprès des Nations unies et d’autres instances internationales et régionales, la promotion d’un partage fructueux des bonnes pratiques entre membres, ainsi qu’une réponse audacieuse aux défis de notre temps : l’égalité des genres, le changement climatique, les impacts des technologies numériques ou encore la protection des populations en temps de conflit. Il s’agit de veiller à ce que nul ne soit laissé pour compte, grâce à une mobilisation collective et solidaire.

Cette mission exige également de défendre l’indépendance des institutions nationales et de favoriser leur dialogue avec les mécanismes onusiens et régionaux. Dès mon élection, j’ai d’ailleurs lancé à Genève un appel pressant aux États, les enjoignant à adopter, par le biais de leurs Parlements, des lois ambitieuses dépassant le seuil minimal des Principes de Paris et à allouer des ressources financières conséquentes, indispensables pour garantir l’efficacité de ces institutions dans leur mission essentielle. J’ai précisé notamment que «les États ont l’obligation d’allouer un budget conséquent aux INDH leur permettant de remplir pleinement leur mission de protection, de proposition des recommandations et de les interpeller concernant les violations des droits humains».

Le Réseau africain des institutions nationales des droits de l’Homme (RINADH) a entériné votre candidature à la présidence de l’Alliance. Quelle lecture faites-vous de ce plébiscite ?

Dix ans après la présidence de mon collègue sud-africain, une femme du Maroc reprend le flambeau de GANHRI. Pour moi, cette candidature africaine est un témoignage de la confiance et du leadership que les institutions africaines placent dans le Maroc et dans la capacité son institution nationale à porter les aspirations du continent au sein de la GANHRI. Cette responsabilité, qui m’est confiée à titre personnel autant qu’à mon pays, m’incite à intensifier les efforts pour honorer cette marque d’estime et de confiance, ce qui nous permettra de tisser des liens de solidarité toujours plus étroits entre les institutions africaines et leurs homologues des autres continents. Je m’attacherai à faire résonner avec force la voix de l’Afrique et celle des institutions nationales des droits de l’Homme dans les débats et les plaidoyers internationaux pour la garantie du droit international des droits de l’Homme et de ses normes.