Maroc

À bâtons rompus avec Driss Lachguar, premier secrétaire de l’USFP

Le quartier général de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) était, particulièrement, animé le soir du mercredi 26 mars courant. Driss Lachguar, costume sombre et regard déterminé, a pris place devant une pancarte géante représentant le logo du parti : la rose. Face à lui, deux journalistes le questionnaient, devant les caméras qui assuraient la retransmission directe des débats en présence de nombre de figures emblématiques de l’USFP. La conférence a abordé quasiment tous les sujets de la scène politique marocaine, de la question du Sahara aux préparatifs électoraux, en passant par les récentes nominations Royales ou encore la relation avec les autres partis.

«Il est temps de finaliser le dossier du Sahara»

D’emblée, Driss Lachguar a placé la question de l’intégrité territoriale au centre de la rencontre. «L’Union socialiste des forces populaires a toujours été en première ligne pour les causes nationales et populaires, et la question du Sahara en fait partie intégrante», a-t-il affirmé, rappelant l’engagement historique de sa formation sur ce dossier crucial pour la souveraineté marocaine.

Le premier secrétaire ne s’est pas contenté de réitérer des positions connues. Il a appelé à un changement de paradigme dans l’approche adoptée dans ce dossier sensible : «Nous devons passer de la gestion de ce dossier à sa finalisation». Un appel qui résonne comme une invitation à accélérer l’offensive diplomatique, alors que le Royaume bénéficie actuellement d’un «important soutien international», selon les termes employés par le leader socialiste.

Concernant l’initiative d’autonomie proposée par le Maroc, le chef du «Parti de la rose» s’est montré parfaitement en phase avec la position officielle du Royaume. «Nous soutenons l’Initiative d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine, et cela est conforme aux Orientations de Sa Majesté le Roi», a-t-il précisé.

Le dirigeant socialiste s’est, également, félicité des récentes évolutions dans les relations avec la Mauritanie voisine. «Nous nous félicitons des évolutions positives dans nos relations avec la Mauritanie concernant la question du Sahara», a-t-il déclaré, notant une «attitude plus positive» de Nouakchott, particulièrement après la visite du Président mauritanien et la prise en compte des propositions marocaines, comme «l’initiative atlantique du Maroc et le projet de développement commun avec l’Afrique».

Par ailleurs, Driss Lachguar a adopté une position offensive concernant la présence de la «Rasd» au sein de l’Union africaine. «Il est temps de poser la question de la présence de la soi-disant République sahraouie au sein de l’Union africaine», a-t-il lancé, justifiant cette démarche par «le soutien dont nous disposons aujourd’hui, avec la majorité des pays du monde et des pays africains qui comprennent notre position». Le leader socialiste estime même que le Maroc a la «possibilité de réunir les deux tiers des voix» nécessaires pour l’éviction de la «Rasd» de l’institution panafricaine.

Gouvernement : entre critiques acerbes et révélations fracassantes

Abordant la situation politique nationale, le premier secrétaire a tiré à boulets rouges sur le gouvernement actuel, critiquant en particulier la course prématurée à laquelle se livrent certains partis de la majorité en perspectives des futures élections. «Maintenant, nous en sommes arrivés à un point où chaque parti dit qu’il formera le gouvernement», a-t-il déploré, soulignant que cet «empressement effréné» aurait dû être davantage centré sur «des choses qui concernent la nation». À cet égard, M. Lachguar a pointé du doigt l’absence de discussions substantielles sur les enjeux démocratiques du pays. «Qu’ont fait tous les gouvernements précédents pour développer la démocratie dans notre pays ?», s’est-il interrogé, relevant que sur «ces questions essentielles il y a un silence terrible».

Pourquoi le projet du Code de procédure pénale est perfectible selon l’USFP

Dans un moment particulièrement saisissant de la conférence, Driss Lachguar a levé le voile sur les coulisses de la non-participation de l’USFP au gouvernement précédent. «On nous a proposé d’entrer au gouvernement et nous avons donné notre accord de principe», a-t-il confié. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, en raison de ce qu’il a qualifié de «manœuvres dignes» d’Amr ibn Al-As» – référence historique à un stratège politique connu pour sa ruse.

Mais, Driss Lachguar a défendu avec beaucoup de conviction le positionnement de son parti dans l’opposition. «Nous sommes une opposition responsable», a-t-il affirmé, mettant en avant le travail parlementaire de sa formation. «Il faut voir notre action au sein des commissions et le nombre d’amendements présentés par le Groupe socialiste par rapport à ceux des autres groupes de la majorité et de l’opposition. Regardez le nombre de questions de contrôle, qu’elles soient écrites ou orales, par rapport aux autres groupes», a-t-il lancé à l’adresse de ses «détracteurs». Pour lui, l’USFP exerce une opposition «institutionnelle et non pas contestataire».

Élections : exigence de transparence et d’inclusivité

Sur la question cruciale des prochaines échéances électorales, le Premier Secrétaire de l’USFP a été particulièrement incisif. «L’Union socialiste demande à connaître la décision de ce gouvernement concernant la date des élections. Ne me laissez pas deviner si ce sera en juin, septembre ou mai», a-t-il exigé, réclamant une clarification immédiate du calendrier électoral.

Au-delà de la simple question de la date, Driss Lachguar a insisté sur la nécessité d’associer l’ensemble des partis politiques aux discussions concernant les modifications du découpage administratif et électoral et des lois électorales, incluant des points aussi sensibles que le «quotient électoral» et le choix entre «scrutins individuel ou de liste».

Toujours en rapport avec les élections, le leader socialiste a vivement critiqué les pratiques actuelles, regrettant que les concertations se limitent à un cercle restreint des trois partis de la majorité. «On ne peut pas continuer à se réunir à trois», a-t-il déploré, appelant le Chef du gouvernement à «convoquer les dirigeants des partis pour un dialogue dès maintenant sur toutes ces questions» et à assumer sa responsabilité face aux allégations de «corruption électorale» et aux agissements de certains agents de l’autorité.

Concernant les ambitions de l’USFP, Driss Lachguar n’a pas hésité à affirmer la disponibilité et la capacité de sa formation à diriger le gouvernement. «Nous, en tant qu’Union socialiste, sommes prêts à diriger n’importe quel gouvernement, nous sommes prêts à diriger le gouvernement des citoyens», a-t-il déclaré. Cette ambition est toutefois conditionnée à «l’obtention de la confiance du peuple marocain» et, par conséquent, de «la confiance de Sa Majesté le Roi». Lachguar a souligné à cet égard que l’USFP disposait des «compétences» nécessaires pour assumer cette responsabilité.

Nominations Royales : approbation et défense du rôle du politique

Abordant le sujet des récentes nominations aux institutions constitutionnelles, qui ont suscité de nombreux commentaires dans la sphère politique marocaine, le premier secrétaire a exprimé une approbation sans réserve. «J’approuve ces nouvelles nominations», a-t-il affirmé, estimant qu’elles sont intervenues «au bon moment», car ces institutions en avaient besoin. Dans ce sens, Driss Lachguar a mis en avant la qualité des personnes nommées, déclarant «qu’en toute honnêteté» elles «répondent à tous les besoins réels de ces fonctions». Il a cité en exemple le Conseil économique, social et environnemental, soulignant l’expérience et l’intégrité des personnalités désignées. «Je suis rassuré de voir des personnes intègres et compétentes à la tête de ces institutions», a-t-il ajouté.

Le premier secrétaire a, par ailleurs, vu dans ces nominations une sorte de réhabilitation du rôle des acteurs politiques. «En tant qu’acteur politique, j’apprécie ce qui s’est passé et ces nominations nouvelles», a-t-il déclaré, expliquant que cela met fin à la «campagne de technocrates» qui tendait à discréditer les personnes ayant une affiliation politique. Selon lui, ces désignations «confirment que nous sommes tous sur un pied d’égalité, que nous soyons dans des partis ou non» et soulignant «la nécessité du politique» dans ces institutions.

USFP et PPS : entre rapprochement et déception

Les relations avec le Parti du progrès et du socialisme (PPS), autre formation de gauche du paysage politique marocain, ont également été évoquées lors de cette conférence. Driss Lachguar a reconnu qu’un rapprochement était en cours entre les deux partis : «Nous étions dans une logique de rapprochement». L’objectif, a-t-il expliqué, était de «trouver des points de convergence», une démarche qui «se poursuit encore aujourd’hui».

Toutefois, le premier secrétaire a exprimé un désaccord spécifique qui a entaché cette dynamique : «Le seul point de désaccord qui a surgi entre nous – et nous ne l’avons jamais regretté – portait sur le choix de la commission qui nous convenait». Il a déploré un manque de «compréhension», de «soutien» et de «respect de la loi» sur cette question, sans toutefois entrer dans les détails précis de ce différend qui a eu des «conséquences».

Malgré cette déception, M. Lachguar a fait part de sa volonté de poursuivre le dialogue avec le PPS : «Nous oeuvrons à dépasser cet impact, mais nous restons toujours convaincus de l’injustice de nos proches, qui sont nos frères de gauche, et qui n’ont pas le monopole de la vérité». Il a réitéré l’engagement de son parti en faveur de l’unité de la gauche : «Nous continuerons toujours à aspirer à l’unité et nous ne chercherons jamais à nuire à aucun parti de gauche». Il a jouté que «certains critiquent l’USFP dans l’espoir de prendre sa place», notant que «tous croient qu’en critiquant l’Union socialiste, ils occuperont peut-être sa position». Et de rappeler que «La gauche marocaine et les dirigeants de la gauche mondiale connaissent l’Union socialiste».

Mobilisation interne et situation des médias

Concluant cette conférence-fleuve, le premier secrétaire a abordé deux derniers sujets : la situation interne de l’USFP et la liberté de la presse au Maroc. Concernant l’état de son parti, Driss Lachguar s’est montré satisfait des résultats obtenus lors des dernières élections, tout en reconnaissant les défis qui demeurent. «Je suis heureux de ce qu’a réalisé l’Union socialiste comme résultats», a-t-il déclaré, soulignant que le parti revient de loin par rapport aux scores précédents. Néanmoins, il a reconnu qu’«en tant que premier secrétaire, je vois qu’il reste beaucoup de choses que nous devons dépasser», évoquant la nécessité d’une «mobilisation» interne et l’existence de «certains cas de faiblesse que connaît le parti au niveau territorial, dans certaines sections ou autres».

Dans un geste d’ouverture, le leader socialiste a lancé un appel à l’unité et au rassemblement : «Nous disons à tous les Ittihadis, aux enfants du mouvement, que les portes de l’Union sont ouvertes». Il a encouragé chacun à régulariser sa situation administrative pour pouvoir «exercer ses droits en tant qu’adhérent», précisant que le parti ne rejette aucun militant et appelle à dépasser les problèmes internes.

Sur la question de la liberté de la presse et la situation des médias au Maroc, Driss Lachguar a d’abord tenu à clarifier les responsabilités de son parti : «Nous ne pouvons être tenus pour responsables que de ce qui émane de notre parti comme communiqués et de ce qui est publié dans nos organes de presse». Il a rappelé l’engagement historique de l’USFP pour la liberté d’expression.

Le premier secrétaire a néanmoins exprimé son insatisfaction face à la situation actuelle des médias au Maroc : «Je ne suis pas satisfait, et je ne me satisfais pas de la situation dans laquelle se trouve la presse et les médias aujourd’hui». Il a évoqué un possible «manquement concernant les lois organisant cette profession», comparant la situation à d’autres secteurs qui ont connu des difficultés et ont cherché des solutions.

Observant les tentatives actuelles de réforme du secteur médiatique, marquées selon lui par des «divergences d’opinions» et des conflits internes, Driss Lachguar a conclu sur une note d’espoir : «J’espère que cela permettra l’émergence d’un cadre institutionnel permanent, et que nous dépasserons cette situation de provisoire et que nous serons, si Dieu le veut, dans une presse saine et correcte».