Maroc

86.000 marchands ambulants rejoignent l’économie formelle (Ryad Mezzour)

Plus de 86.000 commerçants ambulants ont déjà été intégrés dans le secteur formel sur les 124.000 identifiés, selon les données communiquées récemment par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour. Répondant à une question posée par le groupe du Mouvement populaire à la Chambre des représentants, le ministre a indiqué que cette opération s’inscrivait dans le cadre du programme national de régulation du commerce ambulant, mené dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) sous la supervision des autorités locales.

Pouvoir d’achat en crise : «Moul L7anout», témoin et victime

Dans les ruelles des quartiers populaires, «Moul L7anout», l’incontournable épicier de proximité, vit la crise du pouvoir d’achat au quotidien. Son étal est bien plus qu’un simple commerce : c’est un miroir fidèle des difficultés économiques liées à l’inflation que traversent les Marocains. Chaque jour, il voit défiler des clients qui calculent chaque dirham, qui reportent leurs achats ou qui notent une dette supplémentaire sur le fameux «karni», ce carnet de crédit qui est devenu un refuge pour de nombreux foyers, y compris de la classe moyenne. Plus encore, l’épicier est devenu, bien malgré lui, le banquier du quartier, avançant des marchandises à crédit à des clients qui peinent de plus en plus à rembourser, un situation qui met en péril de grands pans de l’économie marocaine.

Un secteur vital pour l’économie nationale

Cette dynamique s’inscrit par ailleurs dans une volonté plus large de consolidation du secteur du commerce, considéré comme le deuxième pourvoyeur d’emplois au Maroc. Selon le ministre, ce secteur mobilise 1,6 million de personnes, représentant 15,6% de la population active, et génère une valeur ajoutée annuelle estimée à 151 milliards de dirhams. Toutefois, en dépit de ce poids économique, il demeure freiné par la progression du commerce informel, qui porte préjudice tant aux commerçants structurés qu’à la qualité des services offerts aux consommateurs. À ce titre, Ryad Mezzour rappelle que le commerce ambulant, bien que situé en dehors des circuits formels, occupe une place essentielle : il répond aux besoins de proximité des citoyens et constitue une source de subsistance directe, notamment dans les quartiers populaires. D’où l’intérêt du programme national de régulation du commerce ambulant, une initiative déjà engagée, mais dont les résultats restent jusqu’ici en demi-teinte.

Les freins au déploiement du plan de lutte contre l’informel

En effet, les évaluations menées par le ministère de l’Intérieur et le Conseil économique, social et environnemental sur les actions réalisées dans ce domaine ont mis en évidence plusieurs freins : manque de foncier, difficultés d’adhésion de certains bénéficiaires et, surtout, un écart significatif entre le nombre initialement recensé de marchands ambulants et leur présence effective sur le terrain, ce qui a nui à l’efficacité des actions entreprises.

Vers une nouvelle approche territoriale

Face à ces constats, le ministre appelle ainsi les communes et les conseils élus à engager une réflexion approfondie sur l’organisation du commerce ambulant. Il préconise une analyse fine de ses circuits d’approvisionnement, de ses points de friction et des spécificités locales pour mettre en place des solutions plus adaptées et durables.

L’auto-entrepreneuriat comme levier d’intégration

Parallèlement, le gouvernement mise sur la généralisation du régime de l’auto-entrepreneur pour encourager les travailleurs du secteur informel à rejoindre l’économie structurée. Ce statut leur permet en effet de bénéficier d’avantages fiscaux simplifiés et d’un accès à la protection sociale, une avancée importante en matière de couverture et de reconnaissance des petits métiers.

Si l’intégration progressive des marchands ambulants dans le secteur formel marque une avancée, elle révèle aussi les limites des approches centralisées face à une réalité locale hétérogène. La clé réside désormais dans la coordination entre les collectivités, l’État et les acteurs économiques pour inventer une régulation souple, équitable et durable, à la hauteur des défis sociaux et économiques du commerce de proximité.