International

Xi Jinping se verrait bien en faiseur de paix dans le conflit ukrainien

Les deux hommes ont noué une relation personnelle forte, au point de créer entre eux une forme d’intimité inhabituelle entre les dirigeants suprêmes de deux puissances jadis ennemies (la Chine et l’URSS, à l’époque, furent à deux doigts de se déclarer la guerre au tournant des années 1960-1970). On ne s’en interroge pas moins sur la véritable nature de leurs rapports sur le plan politique, et plus encore depuis le déclenchement du conflit ukrainien, que Pékin désapprouve certainement sans pour autant le désavouer publiquement.

La Chine en porte-à-faux

Russes et Chinois ont annoncé, il y a un an, la conclusion d’un partenariat “sans limite”. Celui-ci a, toutefois, été d’emblée mis à mal par l’invasion russe dont on ignore toujours dans quelle mesure Xi Jinping en avait été informé au préalable. Depuis, la Chine s’est retranchée dans l’abstention à chacun des votes des Nations unies demandant la fin des hostilités, incapable tout autant de condamner l’agresseur que de défendre l’agressé.

Placée devant ses contradictions (la doctrine diplomatique chinoise est fondée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale), accusée d’avoir abandonné un pays ami, l’Ukraine, inquiète de se retrouver du mauvais côté de l’Histoire, la Chine est manifestement tentée de se refaire une réputation en campant les faiseurs de paix. Le voyage de Xi Jinping à Moscou pourrait répondre à cet objectif, a fortiori si, comme il se dit, les échanges avec Poutine sont suivis d’un entretien avec Volodymyr Zelensky par visioconférence (on n’imagine guère un déplacement de Xi à Kiev ou du président ukrainien à Pékin, mais qui sait ?).

Réconcilier Ryad et Téhéran

Xi Jinping est idéalement placé pour le faire. Il est plus fort que jamais après avoir obtenu un troisième mandat de cinq ans à la tête du régime communiste. Il vient de donner une nouvelle dimension à la diplomatie économique dans laquelle Pékin excelle désormais, en forgeant une réconciliation spectaculaire entre l’Arabie saoudite et l’Iran, damant le pion aux États-Unis que paralyse leur hostilité irréductible aux mollahs. La Chine est dans une position tout aussi favorable à l’égard de la Russie et de l’Ukraine, dont elle est pareillement le premier partenaire commercial.

Washington a salué l’éventualité d’un contact direct entre Xi et Zelensky, qui serait le premier depuis le début de la guerre, parce qu’il permettrait à la Chine d’avoir une autre vision du conflit que celle projetée par Poutine. Les Ukrainiens sont, à ce stade, plus réservés et se demandent si Pékin soutient leur exigence fondamentale d’une évacuation de tous les territoires envahis par les Russes.

Des livraisons d’armes chinoises

La prétention de Xi Jinping à jouer les médiateurs impartiaux pourrait être gênée par de discrètes livraisons d’armes chinoises à Moscou. Le magazine « Politico » a révélé vendredi qu’une entreprise d’État avait fourni, entre juin et décembre 2022, un millier de fusils d’assaut (“des fusils de chasse”, officiellement), plusieurs cargaisons de composants de drones et une douzaine de tonnes de gilets pare-balles. Une goutte d’eau peut-être dans l’océan des armes utilisées dans le conflit, mais un démenti apporté à la neutralité dont la Chine entend se prévaloir.