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Union européenne: Budapest bloque l’aide militaire à l’Ukraine, parce qu’elle a qualifié une banque hongroise de « sponsor de la guerre »

La banque hongroise OTP s’est retrouvée sur la liste “noire” ukrainienne des sponsors internationaux de la guerre le 4 mai dernier. En cause : la poursuite de ses opérations sur le marché russe des services financiers, dont elle reste un acteur majeur. La branche russe d’OTP figure en effet parmi les 50 banques les plus importantes du pays. L’Agence ukrainienne de prévention de la corruption (connue sous l’acronyme anglais NACP) note même qu’OTP offre des conditions de prêt préférentielles aux militaires russes, qui peuvent par exemple demander un report de paiement pour leurs prêts. Par ailleurs, la banque reconnaît effectivement l’annexion des régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk par Moscou. “Ainsi, le groupe OTP exprime clairement son soutien du terrorisme” russe, estime la NACP.

Pas de négociations sur les sanctions, menace la Hongrie

L’annonce a aussitôt fait bondir la Hongrie, OTP étant la plus grande banque du pays (environ 28 % du marché) et un acteur financier majeur en Europe centrale et du Sud-Est. “C’est choquant. C’est révoltant. C’est un scandale”, s’était exclamé Peter Szijjárto, en marge d’une réunion avec ses homologues européens à Stockholm, la semaine dernière. Et de prévenir que, tant qu’OTP figurera sur cette liste “noire” ukrainienne, il sera “difficile” pour la Hongrie de se pencher sur le 11e paquet de sanctions européennes contre la Russie, mises sur la table par la Commission le 5 mai. Cette fois, l’enjeu est surtout de permettre à l’UE d’agir face aux pays tiers qui aident la Russie à contourner les sanctions adoptées jusqu’ici et à continuer à se procurer par exemple des technologies modernes.

Guerre en Ukraine: le Premier ministre hongrois appelle à nouveau à un cessez-le-feu et à des négociations de paix

Le sujet est ultra-délicat, puisqu’il touche à des enjeux géopolitiques et aux relations de l’Union avec le reste du monde. Les négociations entre les Vingt-sept devraient donc de toute manière prendre du temps. Ce qui a sans doute poussé Budapest à trouver un dossier supplémentaire, plus urgent, afin de faire pression sur Kiev. Cela tombait bien (ou pas) : les États membres devaient justement approuver l’utilisation d’une nouvelle tranche de 500 millions d’euros, issus de la Facilité européenne pour la paix (FEP), pour rembourser en partie les armes envoyées à l’Ukraine… La Hongrie s’est donc fait un plaisir de faire blocage, d’autant qu’elle ne cesse de pester contre le soutien militaire apporté à Kiev, sous couvert d’être favorable à “la paix”. Une position qui s’explique aussi et surtout par la proximité que le Premier ministre hongrois Viktor Orban maintient avec Moscou.

L’Union forcée de s’en mêler

”Ce n’est pas une bonne approche. La Hongrie aurait dû traiter de cela de manière bilatérale”, soupire un diplomate européen. Mais Budapest tenait à faire monter les enchères. Le sujet pourrait donc s’inviter à la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept prévue lundi à Bruxelles ainsi qu’à celle, mardi, des ministres de la Défense. À moins qu’une solution soit trouvée d’ici là. L’enjeu est de savoir c’est OTP dans son ensemble ou juste sa branche russe (représentant 1 % de l’activité de la banque) qui a été inscrite sur la liste noire ukrainienne. “Ce n’est pas très clair”, note une source européenne, espérant pouvoir jouer sur cela pour trouver un terrain de compromis entre Kiev et Budapest.

Il faut en tout cas “résoudre cette question qui affecte de manière décisive l’un de nos principaux objectifs de politique étrangère : soutenir l’Ukraine”, s’inquiète la même source. D’autant plus à l’heure où l’armée ukrainienne finalise la préparation d’une grande contre-offensive face aux Russes.

Le plan européen pour les munitions, ça en est où ?

Pour fournir des armes à Kiev, l’UE a mobilisé jusqu’ici 3,6 milliards d’euros dans le cadre de la FEP, un instrument qui se situe en dehors du budget de l’UE et qui est alimenté par les États membres. À ce montant s’ajoutent 2 milliards d’euros, toujours puisés dans la Facilités européenne pour la paix, pour accélérer spécifiquement l’envoi de missiles et surtout de munitions – notamment modernes, de calibre 155mm – aux Ukrainiens. Objectif affiché : livrer 1 million d’obus d’ici mars 2024.

Mais la mise en œuvre de ce plan européen semble complexe. La première étape, prévue jusqu’à fin mai, consistait à encourager les État membres à vider leurs stocks d’armement. Un milliard d’euros a donc été prévu pour financer 50 % à 60 % de la valeur des projectiles envoyés à Kiev – dont les chiffres sont gardés secrets. Sauf que jusqu’ici, les factures présentées à l’UE s’élèvent à 650 millions d’euros au total, soit pour un remboursement d’un peu plus de 300 millions d’euros. C’est à peine un tiers de l’enveloppe. Mercredi, une source européenne tentait donc de parier sur les retardataires, qui auront encore jusqu’en juillet pour rentrer leurs demandes.

Dans un deuxième temps, les États membres devraient effectuer des achats communs de munitions à envoyer à l’Ukraine, qui seront en partie remboursés grâce à l’autre enveloppe d’un milliard d’euros. Mais la grande inconnue reste la vitesse avec laquelle les industries européennes pourra honorer les commandes. C’est d’ailleurs pour cela que le troisième volet, ou plutôt défi, sera de s’attaquer aux grandes difficultés rencontrées par l’industrie de défense.

Objectifs dépassés en matière d’entraînement

L’aide militaire européenne ne se limite pas à la livraison d’armes. L’année dernière, l’UE a lancé la plus grande mission d’entraînement de son histoire, destinée à former 15 000 soldats ukrainiens sur son sol, un objectif qui a déjà été atteint en quelques mois. “D’ici fin mai, nous en aurons formé environ 20 000”, s’est félicitée mercredi une source européenne, indiquant que l’UE ambitionne d’atteindre le chiffre de 30 000 d’ici la fin de l’année.