International

Une certaine extrême droite grecque privée d’élections

Jusqu’à présent, cette Cour s’est limitée à vérifier si les conditions requises pour se présenter aux élections étaient remplies. Jamais elle n’avait statué sur le fond. Constitutionnellement, elle n’en avait pas le droit puisqu’au terme de la constitution de 1975, aucun parti ne pouvait être interdit pour raisons idéologiques quelles qu’elles fussent. Cette interdiction tire ses racines de la récente histoire politique mouvementée du pays, où les partis de gauche et les syndicats étaient constamment interdits et poursuivis. Les partis communistes et socialistes n’ont été autorisés qu’à la chute de la dictature des colonels en 1974.

Une nouvelle loi qui pose question

En 2021, le parti d’opposition de gauche, le Syriza, le parti communiste et le parti de Yannis Varoufakis ont pourtant refusé de voter en faveur de la loi proposée par le parti de droite libérale au pouvoir qui visait à interdire d’élections “tout parti condamné en tant qu’organisation criminelle et tout candidat condamné pour appartenance ou direction à une telle organisation”.

”Il y avait déjà tout un arsenal juridique pour interdire à Ilias Kasidiaris de se présenter aux élections, tempête Thanassis Kambayiannis, avocat de la partie civile dans le procès contre Aube Dorée, nul besoin de créer une nouvelle loi des plus floues et des plus dangereuses”.Personne ne sait qui demain sera considéré comme organisation criminelle”, renchérit Kostas Papadakis, également de la partie civile.

Leader depuis sa cellule

Ilias Kasidiaris a fondé le parti les Grecs peu avant sa condamnation en 2020 pour direction et appartenance à une organisation criminelle et, du fond de sa cellule de la prison de Haute sécurité de Domokos, à environ 250 km d’Athènes, il a fait campagne pour se présenter comme député, écrit un livre et organisé des émissions radios. Sur YouTube 136 000 fans le suivent et ses vidéos sont vues des centaines de milliers de fois. Les sondages lui accordaient jusqu’à 4 % des voix, ce qui lui ouvrait grand la porte du parlement où il a déjà siégé de 2012 à 2019. Pour contourner la loi de 2O21 ainsi que deux amendements votés en février et mars dernier Ilias Kasidiaris a pris Anastasios Kanellopoulos, un ex-procureur adjoint à la Cour suprême, comme président de sa formation mais la Cour a estimé qu’il n’est rien d’autre qu’un homme de main. Exit donc le parti des Grecs mais bienvenu l’EAN, le parti fondé… par l’ex-procureur adjoint Anastasios Kanellopoulos, tout aussi raciste et d’extrême droite qu’Ilias Kasidiaris. Cherchez l’erreur.

Le journal d’opposition EFSYN, n’a pas hésité à titrer en une ce mercredi “On ferme la porte aux néonazis mais on leur a laissé la fenêtre ouverte”.

La question qui pourrait être posée désormais, est pourquoi aux élections de 2015, soit deux ans après l’assassinat de Pavlos Fyssas rappeur antiraciste tué par un cadre d’Aube dorée qui a avoué, et à celles de 2019 alors que le procès contre Aube Dorée touchait à sa fin et que l’on savait que ce parti était en réalité une formation criminelle néonazie qui avait à plusieurs reprises tué, la Cour suprême n’avait d’emblée pas interdit à ce parti de se présenter aux élections ? Reste que l’avocate d’Ilias Kasidiaris, Vassiki Patadzi va saisir les tribunaux électoraux du pays pour demander l’annulation des résultats des futures élections du 21 mai car “le parti des Grecs qui représente 500 000 électeurs n’a pas pu y prendre part. Nous saisirons, a-t-elle déclaré à la Libre, la Cour européenne des droits de l’homme car la présomption d’innocence de mon client a été bafouée. Le procès en appel n’est pas encore fini.